L’UWE dégaine son mémorandum pré-électoral – le numérique en est l’un des axes

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Par · 23/01/2019

Il y avait eu, voici une quinzaine d’années, le programme 4×4 de la Région wallonne. Voici venir le mémorandum 7×7 de l’UWE (Union wallonne des entreprises).

Rédigé dans la perspective des prochaines élections – régionales et fédérales -, il va servir de document “feuille de route” que la fédération va présenter et défendre auprès des chefs de partis politiques, des autorités des divers arrondissements électoraux et, à terme, devant la future majorité régionale – et communautaire – lorsqu’elles rédigeront leur Déclaration de Politique.

“Nous avons voulu rédiger un document encourageant à une politique courageuse pour une économie forte”, déclare Olivier de Wasseige, patron de l’UWE. “La responsabilité des élus est de créer un contexte favorable. Mais il est évident que le politique ne peut pas tout faire. Les entrepreneurs et les autres acteurs – l’enseignement, les syndicats – ont aussi leur rôle à assumer.”

7×7, allusion à une Wallonie qui (doit) gagne(r)

Sept “chantiers à mener de front”, sept défis jugés prioritaires à relever, et sept mesures par chapitre. Le chiffre 7 – on aurait pu imaginer un 10×10 – est aussi une allusion au symbole d’une Wallonie qui gagne, personnifiée par la championne de l’heptathlon Nafissatou Thiam. 

L’un des chapitres de ce mémorandum “Heptathlon 2024” est consacré à la “digitalisation”, un registre dans lequel les 7 mesures prioritaires de l’UWE sont les suivantes:

– poursuivre la mise en oeuvre du plan Digital Wallonia
– rendre toutes les entreprises wallonnes “4.0 compatibles”
– doubler, d’ici cinq ans, la taille du secteur des entreprises actives dans le numérique – “il ne représente que 3,7% de toute la valeur ajoutée économique créée en Wallonie, là où la Flandre atteint les 4,4%”
– déployer la connectivité (“5G ou fibre optique”) sur l’ensemble de la Wallonie “et pas uniquement dans les zones d’activités économiques”
– dématérialiser l’ensemble des démarches administratives, où l’un des griefs est la mauvaise analyse qui a été faite des besoins de numérisation des processus, pris dans leur ensemble
– faire de la Wallonie un leader de l’Intelligence artificielle – l’UWE fait donc de l’IA l’un de ses marqueurs pour l’économie locale future
– investir dans la formation numérique – “au minimum un éveil au numérique” – et ce, “à tous les stades de l’enseignement”

L’argument de l’Intelligence artificielle

“Le développement scientifique de l’intelligence artificielle et ses multiples applications vont induire des changements dont on ne mesure sans doute pas encore l’ampleur. La question de comment adresser ce nouvel enjeu devrait sans tarder mobiliser les intelligences wallonnes, des universités aux entreprises en passant par les pouvoirs publics”, peut-on lire dans le texte de l’UWE.

Olivier de Wasseige (UWE): “Il faut se mettre autour de la table pour décider du meilleur plan d’action IA possible.”

La fédération ne propose toutefois pas de recette toute faite. “Il faut se mettre autour de la table pour décider du meilleur plan d’action possible.

Il y a encore eu peu d’actions de la Région dans ce domaine. Les entreprises, de leur côté, ne se sont pas encore structurées.” Même si la naissance du Réseau IA est un début. “Nous avons d’ailleurs pris contact avec eux afin de servir de relais vers nos membres”, indique Olivier de Wasseige.

L’un des leviers et l’une des premières choses à concrétiser, selon lui, sera de “définir nos ambitions, de déterminer quelles sont les compétences existant au sein des entreprises, comment ces sociétés peuvent s’inscrire sur la carte de l’IA, quels développements sont possibles avec les Hautes Ecoles et les universités…

Il est nécessaire de définir rapidement un plan d’action en IA. Mais on n’y arrivera pas d’un coup de baguette magique ou en quelques heures autour d’une table…” 

Ailleurs dans le mémorandum

Nous n’énumérerons et détaillerons pas ici les 49 mesures prioritaires énoncées par l’UWE. Vous pouvez les retrouver via le site que la fédération a conçu à cette occasion. LIEN www.heptathlon2024.be Toutefois, nous nous arrêtons sur une série de points qui, dans divers domaines, touchent directement ou indirectement au numérique et à l’IT.

Et le premier de ces domaines est tout naturellement les compétences pour l’emploi et les outils de formation qui doivent y mener.

Les sept priorités de l’UWE

L’UWE a identifié sept défis prioritaires sur lesquels il invite la/les prochaine(s) majorité(s) à agir. Essentiellement en Wallonie mais avec aussi des domaines où les compétences relèvent de la Fédération Wallonie-Bruxelles, voire du fédéral.

#1 – Emploi et talents – avec une meilleure mise en adéquation des compétences avec les besoins
# 2 – Apaisement du climat social – qui doit passer notamment par un consensus au sujet d’une feuille de route socio-économique
# 3 – Amélioration de la gouvernance publique, qui doit davantage être “orientée résultats” et “clients” – avec “simplification du paysage des structures publiques et optimisation de leur fonctionnement”
# 4 – Déploiement économique – ici, l’UWE milite pour une expansion de la politique industrielle, pour un accompagnement plus volontariste et efficace des start-ups (en rationalisant les instruments et structures) et, surtout, celui des sociétés présentant un (fort) potentiel de croissance
# 5 – Digitalisation – avec l’objectif préconisé de doubler l’ampleur du secteur du numérique dans un délai de cinq ans et de mettre un gros accent sur les potentiels de l’Intelligence Artificielle
# 6 – Une économie bas carbone via la poursuite et accélération de la transition énergétique
# 7 – Un cadre de vie de qualité (pour entreprises et citoyens) – ce qui passe notamment par une politique de mobilité volontariste et une meilleure exploitation, à connotation de développement durable, du permis d’environnement.

On retrouve dans les mesures recommandées par l’UWE l’un de ses chevaux de bataille personnels d’Olivier de Wasseige – mais qui est commun à de très nombreux observateurs. A savoir la nécessité de favoriser et développer les filières technologiques et scientifiques (les fameuses études STEM). “En Fédération Wallonie-Bruxelles, on ne compte que 12% de diplômés sortant de ces filières, là où la moyenne européenne est de 22%.”

Comment “booster” les STEM? “Beaucoup de jeunes abandonnent ces filières à l’issue de leurs études secondaires, alors qu’ils n’y sont déjà pas nombreux. Il y a donc un besoin de davantage de “marketing” de la part des universités au sujet des carrières, des débouchés que proposent les études STEM. Il faut aussi mieux expliquer et montrer l’utilité de ces études qui, souvent, restent très abstraites aux yeux des jeunes. Il faut mieux expliquer à quoi servent les maths, les statistiques…”

Parmi les mesures d’attractivité qui pourraient être prises, l’UWE évoque la réduction du minerval ou encore la non-dégressivité des allocations de chômage pour ceux et celles qui reprendraient des études STEM en vue de réintégrer le marché de l’emploi.

Au rayon Formation, enseignement et talents, l’UWE retape sur le clou du manque d’adéquation entre offre et demande. “Le nombre d’emplois vacants a progressé de 50% en un an alors que l’on dénombre encore 200.000 demandeurs d’emploi. Moins de 5% de ces derniers sont formés par le Forem aux métiers en pénurie [et il y en a dans le domaine du numérique…].

18% des offres sur les métiers en pénurie ne sont pas satisfaites. Le Forem ne forme actuellement que 10.000 personnes pour ces métiers. Il faut rapidement passer au minimum à 15.000.”

Le Forem, bien entendu, n’est pas la seule voie de mise à l’emploi: les ingénieurs, par exemple, ne passent pas par lui. Sous-entendu, l’effort incombe aussi à d’autres acteurs.

Mais, côté Forem, l’UWE demande par ailleurs une “externalisation et objectivation du bilan des compétences. “On est encore dans le pur déclaratif. Le chercheur d’emploi déclare les compétences qu’il dit avoir – sans vérification. Souvent, on s’aperçoit alors ensuite mais fort tard que les prérequis ne sont pas remplis…”

Olivier de Wasseige (UWE): “Il faut arrêter avec le discours des métiers pénibles. A entendre certains, la grande majorité des métiers seraient pénibles. En réalité, seulement 6% le sont, 8% quand on approche la période de la retraite. En généralisant ce concept, on décourage les jeunes de s’orienter vers ces métiers…” Ce qui ne fait, selon lui, qu’accentuer le désintérêt et les déficits du côté des métiers techniques. “Arrêtons de considérer les formations techniques comme des aires de relégation. L’électromécanique, par exemple, est un réel secteur d’avenir.”

“Le niveau moyen de compétences des jeunes recrues actuelles et l’augmentation des emplois vacants sont des freins à la croissance de la Wallonie”, souligne encore Olivier de Wasseige. “A l’avenir, les postes exigeant une plus grande autonomie et une connaissance technique plus poussée se feront plus nombreux.”

Plus que jamais, il faudrait dès lors s’attacher à tordre le cou à l’image négative des métiers techniques. “Arrêtons de considérer les formations techniques comme des aires de relégation. L’électromécanique, par exemple, est un réel secteur d’avenir.”

Moderniser l’administration – Au chapitre “Gouvernance performante”, le mémorandum de l’UWE insiste sur la nécessité de faciliter encore bien davantage les démarches administratives – “on en est trop souvent resté à la dimension de dématérialisation, de remplacement du papier par un canal numérique sans appréhender l’optimisation du processus dans son ensemble. […] Les textes [de la réglementation wallonne] n’ont pas été pensés et élaborés en tenant compte de la dimension digitale. Il n’est par exemple pas encore possible d’authentifier électroniquement les formulaires en-ligne. Ils doivent donc être imprimés, signés et déposés sous format papier, le texte réglementaire prévoyant toujours une signature manuscrite.”

Il s’agit aussi, selon la fédération, de tirer davantage parti des technologies – en ce compris l’intelligence artificielle (processus automatisés), l’analyse et la centralisation des données… L’UWE se dit par ailleurs favorable au principe de confiance. 

“Les avancées faites en intelligence artificielle, en gestion de bases de données, en authentification digitale etc. permettront de procéder à une simplification administrative d’envergure, facilitant la vie des usagers et des agents du service public.”

Il est également question de “flexibilité” accrue des services administratifs au sens de plus grande facilité d’affectation des agents en fonction de la demande d’assistance ou d’aide émanant des entreprises. “Il faut pouvoir déplacer de manière plus flexible des fonctionnaires d’un service à l’autre en cas de pic d’activités. […] Ce n’est pas le nombre global de fonctionnaires qui est insuffisant mais leur répartition […] au regard d’une nécessaire amélioration de l’approche clients.”

Olivier de Wasseige (UWE): “Les chiffres de l’exportation wallonne sont bons mais reposent surtout sur la croissance de deux secteurs: le pharma et les matériaux…”

Start-up et scale-up – Aux yeux de l’UWE, le travail de rationalisation de l’écosystème des start-ups doit se poursuivre. “Il faut diminuer le nombre d’incubateurs et d’accélérateurs”, estime Olivier de Wasseige. “Le ministre Jeholet a commencé à s’y atteler. Il faut continuer.”

Par contre, il s’agit, selon l’UWE, de travailler davantage à encadrer et accompagner les sociétés présentant un (fort) potentiel de croissance. 

“Des contacts en ce sens ont eu lieu avec le ministre Jeholet et la Sowalfin. Des annonces devraient être faites dans les semaines qui viennent. La moyenne d’emploi des PME wallonnes – 9 personnes [soit deux de moins qu’en Flandre] – est trop faible. […] Il faut renforcer les programmes spécifiques d’accompagnement pour les entreprises entre 50 et 100 personnes qui veulent grandir de manière substantielle.

Nous commençons à voir émerger des sociétés de 500 à 1.000 personnes, comme Odoo ou Mithra, mais il en faudrait beaucoup plus. Ces sociétés de forte croissance ont en effet d’importants effets de levier multiplicateurs, en termes d’emploi, de R&D, de partenariat avec le monde académique ou d’autres PME…”

La croissance, c’est aussi l’exportation. “45% de l’exportation des entreprises wallonnes prennent la destination de la France, des Pays-Bas ou de l’Allemagne. Les exportations en Europe représentent environ 80% du total. Il faut augmenter la part de la grande exportation. Veiller par exemple à ce que les trains et les avions qui repartiront du pôle Alibaba à Liège ne repartent pas à vide…”

Ce qui nous amène à une autre recommandation de l’UWE: accentuer la réindustrialisation – de pointe – de la Wallonie en exploitant judicieusement les opportunités qui sont les siennes, en propre, ou celles qui se manifestent par des investissements venus d’ailleurs. “L’industrie ne représente que 14% du PIB wallon alors que la norme européenne est de 20%. Il en faut plus et mieux et une industrie plus innovante. Nous avons également besoin d’une stratégie industrielle, de définir les secteurs d’avenir au sein et avec les Pôles de Compétitivité. Il faut une réflexion stratégique, profiter de l’arrivée de Thunder Power à Gosselies pour construire un cluster autour de la voiture électrique, ou celle d’Alibaba à Liège pour créer un pôle logistique et e-commerce. Alibaba ne doit pas rester un électron libre…”

“Profiter de l’arrivée d’Alibaba à Liège pour créer un pôle logistique et e-commerce. Alibaba ne doit pas rester un électron libre…”

Innovation et R&D – Pour favoriser l’innovation dans les divers secteurs, il faut également une politique régionale dynamique en matière de R&D. L’UWE en appelle donc à une augmentation du budget R&D de 100 millions d’euros à l’horizon 2024, “afin de satisfaire l’objectif européen de 3% du PIB”. “Les besoins en R&D demeurent suffisamment importants, à tous les stades de la recherche et de l’innovation, pour justifier cette augmentation.”