On nous l’avait promis pour la Saint-Nicolas. “Il” est arrivé dans la hotte. Mais le cadeau emballé doit encore livrer les secrets de ce que recèle(ra) la boîte…
“Il”, c’est le texte du “Plan du Numérique Digital Wallonia 2019-2024”, avec comme sous-titre “Renouvellement de la stratégie numérique.” A noter toutefois qu’on n’en est encore qu’au stade de la “note”, présentée en conseil des ministres. L’étape de l’approbation du texte proprement dit du plan doit encore être franchie…
Dès l’entrée en matière de la note présentée au gouvernement, ce jeudi 6 décembre, les auteurs donnent par ailleurs le ton et tuent des espérances surdimensionnées. Le document futur du Plan est en effet présenté comme devant être un “cadre définissant les orientations que devra emprunter la Wallonie pour saisir les opportunités socio-économiques de la transformation numérique.”
Autrement dit, le texte du plan est davantage un document d’orientation. La note au gouvernement, quant à elle, ne comporte pas de liste précise de choix, de moyens et de modalités. L’arrivée à terme prochaine de la législature peut-elle, à elle seule, expliquer cette prudence? Toujours est-il que le texte apparaît comme une liste d’objectifs, qui s’appuie et reconnaît largement la validité de ce qui avait été décidé et défini en 2015, et comme une sorte de wish list et de recommandations pour des décisions futures. On est donc plutôt dans le “il faut que…” et le “on recommande que…”.
On a hâte de découvrir la teneur exacte du Plan proprement dit et de déterminer dans quelle mesure les avis et propositions émis lors de l’université d’été des Digital Wallonia Champions ont réellement été suivis et intégrés dans le Plan 2.0.
Relire à ce propos nos articles:
– sur les conclusions de cette “université d’été” : Digital Wallonia: tour de chauffe pour le plan “2.0” 2019-2024
– et sur les avis que divers “Champions” avaient émis à cette occasion: Le Plan Digital Wallonia vu par les “DW Champions”.
On continue…
Pas de désaveu donc de ce qui a été initié en début de législature, avec une autre majorité politique. Là, pas de surprise: en montant à bord, les bleus et Pierre-Yves Jeholet n’ont pas voulu détricoter ce qui avait été mis en oeuvre. Tout juste, amender, quitte à geler – “un certain temps” – certains dossiers. Entre-temps, d’autres ont été poursuivis, voire accélérés, et ont pu atterrir. Citons par exemple l’accord sur l’abrogation de la taxe Pylônes, le renforcement des actions pour une Smart Region (maturation de projets numériques pour les villes et communes), des actions pour la transformation en “industrie 4.0”, la poursuite des actions côté Ecole numérique et espaces de co-working…
Passé ce bilan et ce prolongement de ce qui avait été entamé, qu’en est-il du volet “Renouvellement” de la stratégie?
Comme indiqué en préambule de cet article, cette stratégie devra encore être précisée, voire tout simplement définie. Les décisions, notamment sur les “écosystèmes numériques prioritaires” auxquels il est fait allusion à diverses reprises dans le texte (voir plus loin), doivent encore être prises.
Question: par qui? et quand? Le Conseil du Numérique, aidé de l’AdN, est-il chargé de la chose? Avec aval subséquent de l’actuel gouvernement? Repousse-t-on la décision pour la laisser à la prochaine équipe gouvernementale? Ni le texte de la note au gouvernement, ni les déclarations, hier soir, du ministre Pierre-Yves Jeholet, lors de l’événement Shake / Digital Wallonia, n’ont réellement permis de préciser ce point. Certaines lignes, toutefois, ont été esquissées, tant par le ministre que par Pierre Rion, président du Conseil du Numérique. Voir encadré ci-dessous…
En préambule à l’événement Shake qui réunissait hier soir plus de 600 personnes actives de près ou de loin dans le secteur numérique, Pierre Rion, président du Conseil du Numérique, confirmait que “les conclusions de l’université d’été des Digital Wallonia Champions avaient servi à alimenter et orienter l’esquisse du Plan du Numérique” (version 2.0). Ajoutant dans la foulée qu’il espérait fermement que ce “plan soit dûment financé” et apparaisse en bonne place dans la prochaine Déclaration de Politique Régionale.
Pour ce qui est de ce que le Conseil du Numérique préconise, il évoquait des thèmes qui seront au coeur de ce Plan (des thèmes que, quelques minutes plus tard, Pierre-Yves Jeholet allait lui aussi citer). A savoir: l’e-santé, l’industrie 4.0, l’intelligence artificielle. Autre nécessité: “coordonner les actions avec le Pacte d’Investissement fédéral. “Il y a là une importante manne potentielle pour notre secteur, à ne pas laisser passer…”
Pierre Rion “exhortait” par ailleurs à une meilleure collaboration avec la Fédération Wallonie-Bruxelles, regrettant que “certains dossiers patinent”. Les arrêtés d’application du Décret Open Data (et ce dernier lui-même, éventuellement) sont à coup sûr dans le lot. Mais un autre dossier majeur est aussi du nombre. C’est le ministre Pierre-Yves Jeholet qui abordait le sujet du Pacte d’Excellence, déclarant: “sans vouloir polémiquer, le reproche majeur que j’adresse est l’absence quasi-totale du numérique, une absence de réflexion, dans le cadre de ce Pacte. Il va cadrer le monde de l’enseignement pour de nombreuses années, ce qui a d’importantes implications si on n’intègre pas, aujourd’hui, des mesures favorisant un apprentissage du code dès le plus jeune âge.
La Région a fait d’importants efforts en termes de financement des équipements mais il faut plus de synergie avec la Fédération Wallonie-Bruxelles, en termes d’encadrement, d’accompagnement. On ne peut se contenter de commencer à penser et à intégrer le numérique qu’à partir du secondaire ou du supérieur.” Clairement, un caillou lancé dans la chaussure de la ministre Marie-Martine Schyns.
Le Plan “2.0” aura en tout cas un périmètre temporel de cinq ans – 2019-2024. Mais… “le numérique étant une matière qui doit être manoeuvrée avec agilité, la stratégie numérique ne peut s’enfermer dans une liste exhaustive de mesures prédéfinies, au risque de la vouer à une péremption précoce.” Sur le fond, rien à redire. Mais cela ne peut empêcher de déjà définir, ou simplement esquisser, ces si nécessaires mesures…
Huit “enjeux” transversaux. Vingt (?) “objectifs majeurs”
Deuxième élément concret du texte: la version “renouvelée” ne remet aucunement en cause les cinq “thèmes structurants” choisis en 2015. Pour rappel: le secteur du numérique (les acteurs du numérique proprement dits) ; l’économie (par le) numérique ; l’administration numérique ; le territoire numérique (via, notamment, le déploiement du (très) haut débit et des projets smart city/smart region) ; et les compétences numériques (pour les jeunes et le citoyen à tous les stades de sa vie).
Les cinq piliers – ou thèmes structurants – étant confirmés, le Plan 2.0 les décline selon huit “enjeux” transversaux. Ici encore, pas de révolution par rapport au passé: “gouvernance” (accompagnement et encadrement de la transformation et des projets numériques), “marque” Digital Wallonia ; écosystèmes numériques ; Giga Region…
Le Plan comporte(ra) par ailleurs vingt objectifs majeurs. En voici quelques-uns, énumérés hier soir par le ministre Pierre-Yves Jeholet: renforcer la vitrine Digital Wallonia et les acteurs locaux à l’international ; apporter un soutien dynamique aux start-ups ; favoriser le commerce digital ; activer un système d’utilisation des open data ; assurer un contexte favorable au déploiement du très haut débit, fixe et mobile ; fournir une infrastructure numérique de pointe aux écoles ; favoriser le développement de compétences numériques, notamment au profit des métiers en évolution ; engager plus avant l’administration dans la voie du numérique (avec un rôle important à jouer par le futur CIO).
Qu’en dit précisément la note approuvée ce jeudi au gouvernement?
Le numérique, transversal et omniprésent
Le texte gouvernemental existant se fait plus affirmatif, d’une part, sur la nécessité de concentrer les moyens et thèmes prioritaires et, d’autre part, au sujet de l’importance stratégique du numérique, et ce, à tous les niveaux – simple citoyen, entreprise, industrie, administration publique, projection à l’international…
Côté “concentration” des objectifs, il est stipulé que “la Wallonie doit choisir ses domaines d’excellence numérique et concentrer les moyens publics et privés sur des écosystèmes clairement identifiés. Le choix de ces écosystèmes sera fait en fonction de secteurs économiques impactants pour la Région et des compétences technologiques fortes existantes ou émergentes pour ces secteurs.”
Notez le “sera fait”…
Les choix, précise par contre le texte, devront influencer les actions et projets dans nombre de registres: orientation de la recherche, accompagnement et financement des start-ups, aide et “valorisation” des “pépites” ou “champions” technologiques, y compris dans une dimension internationale…
Mais quant à savoir de quels choix prioritaires il s’agit et, ici encore, quand et par qui, selon quels critères précis, pas une seule ligne… Il faudra attendre précisions et éclaircissements.
Même chose par exemple du côté du volet Giga Région. Le gouvernement se contente de confirmer que “la connectivité du territoire constitue la fondation de toutes les initiatives de transformation numérique, tant pour les entreprises que pour le secteur public ou encore le citoyen.
Digital Wallonia doit poursuivre et approfondir la mise en oeuvre d’une politique transparente et ambitieuse d’aménagement numérique de tout le territoire wallon par la qualité de ses infrastructures fixes et mobiles.” Vous avez dit ouf! ?
Seule indication un tant soit plus précise: cela se fera (devra se faire) “en accord avec les opérateurs et dans le cadre du suivi de l’accord Tax on Pylons”. Plus particulièrement pour une “couverture optimale des territoires ruraux.” Re-ouf!
Du numérique “by design”
Côté importance transversale, voici, au fil du texte, deux exemples de ce que le gouvernement (inspiré par l’AdN et le Conseil du numérique) estime devoir être une appropriation, ou une imprégnation numérique, plus nette…
Côté Pôles de Compétitivité: “La dimension numérique doit s’inscrire comme un élément crucial des projets développés par les Pôles et les centres de recherche agréés afin de garantir la compétitivité internationale des entreprises bénéficiaires.”
Côté apprentissage et maîtrise de compétences numériques pour tous, la volonté de poursuivre l’équipement des écoles (en matériel et connectivité) est réaffirmée. Mais avec une insistance plus grande sur le concept d’“accès à la logique algorithmique”, “afin de comprendre le mode de fonctionnement des objets qui nous entourent”.
Et cela vaut pour les élèves, les citoyens, les consommateurs, les travailleurs… ”L’accès aux formations permettant aux travailleurs d’intégrer progressivement ces transformations doit être facilité.”
Les collaborateurs des organes publics ne sont pas oubliés: il faudra “proposer aux décideurs politiques, managers d’administration et agents du service publique une offre de formations afin de faire évoluer le service public vers une culture davantage numérique.”
Autre volonté assez clairement exprimée: une “efficacité” plus grande du côté de l’exploitation des ressources de la recherche. “Les acteurs de la recherche doivent s’inscrire dans une vision commune où leurs domaines d’excellence spécifiques sont clairement identifiés, coordonnés et financés à l’échelle régionale. Cette vision doit se baser sur la logique des écosystèmes numériques prioritaires.” Tiens, les revoilà…
Les open data au service de l’évolution des services publics et du lancement de projets, en ce compris privés, ne sont pas oubliées. Mais, là aussi, la concrétisation devra passer par les fourches caudines de la réalité. Inutile de rappeler le quasi-vaudeville en cours à propos du Décret et de ses arrêtés d’exécution…
Mais que dit le texte “Renouvellement de la stratégie numérique”? “Il conviendra d’élaborer une stratégie territoriale de la donnée publique pour mettre en oeuvre une gouvernance via, par exemple, la mise en place d’un cadre réglementaire global.” Ou encore: “Offrir un cadre législatif clair et ambitieux, aligné sur les futures directives européennes, permettant d’instaurer la donnée publique comme une ressource neutre, utilisable et accessible à tous dans une perspective de transparence et d’innovation des politiques publiques.” Le Décret, toujours le Décret.
Notez aussi toujours l’utilisation du futur…
Une seule conclusion possible: attendons l’étape décisions.
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