Ils (et elles) étaient une centaine à avoir répondu à l’appel de l’AdN et du Conseil du Numérique de venir échanger idées et avis sur l’avenir du plan Digital Wallonia à l’occasion d’une “Université d’Eté”, qui faisait suite à un autre exercice dans un style plus “devoirs de vacances”.
Le but: se prononcer sur les actions déployées jusqu’ici dans le cadre de ce plan Digital Wallonia (lancé en 2016 par Jean-Claude Marcourt), identifier et valider des pistes pour l’avenir. Et cela, dans deux perspectives. Le court terme mais aussi le plus long terme.
Court terme? 2019. En jeu: définir ou pointer, par ordre prioritaire, les actions à mener d’ici la fin de la législature.
Plus long terme: 2019-2024. Une durée de cinq ans, balisant la version 2.0 du plan, avec définition d’un cadre structurant et de grandes lignes de force.
Tout comme le précédent gouvernement avait positionné le plan à cheval sur deux législatures, l’idée est donc de garantir la pérennité des projets et initiatives au-delà de la prochaine échéance quadri-annuelle.
Quasi à l’unisson, les participants ont d’ailleurs réinsisté sur la nécessité de dépasser les agendas de législature, afin que les gouvernements successifs, quelles que soient leur composition et leur couleur, ne détricotent pas le travail accompli.
Un travail en deux étapes
Quelques semaines avant l’Université d’Eté, tous les DW Champions ont reçu cinq questionnaires à compléter. Un par axe du plan Digital Wallonia. A savoir, pour rappel: Secteur du numérique ; Economie par le numérique ; Secteurs publics ouverts ; Territoire connecté et intelligent ; Compétences et emploi.
Digital Wallonia Champions. Kesako? A lire ou relire, nos articles les concernant.
– 110 “Champions” pour le programme Digital Wallonia
– Ils sont “Digital Wallonia Champions”. Que comptent-ils faire de ce titre?
– Olivier Lefèvre (NRB): “au-delà de l’effet d’annonce ‘Digital Champions’, faire vivre la communauté au quotidien”
Ces formulaires les invitaient à:
– évaluer les objectifs stratégiques, axes de développement et priorités tels que définis, voici 4 ans, lors de l’élaboration du plan Digital Wallonia
– proposer “un ou deux nouveaux axes de développement, idées disruptives ou éventuels exemples puisés sous d’autres cieux pouvant servir d’inspiration”.
Au total, 256 formulaires ont été renvoyés, contenant “plus de 500 idées et propositions, des plus anodines aux plus construites, du plus général au plus spécifique”, commente André Blavier, porte-parole de l’AdN.
Deuxième étape, le 30 août: journée “Université d’Eté” proprement dite, structurée sous forme d’ateliers, chacun consacré à l’un des cinq axes du plan Digital Wallonia.
Les ateliers ont en outre été, pour partie, organisés selon des sous-thématiques. Par exemple, pour l’atelier Secteur du numérique, des sous-thèmes tels que l’internationalisation, la structuration sectorielle, la recherche, la gouvernance…
Pas de révolution
Les opinions et avis émis par les “Champions”, par formulaires interposés, ont largement validé les choix effectués voici quatre ans. “Certains axes ont été approuvés à près de 100%. Les moins populaires ont reçu un minimum de 70% de votes positifs, avec un avis de “priorité forte ou très forte”.
La méthode de la “foule”
La préparation du contenu du premier plan Digital Wallonia (du temps de Jean-Claude Marcourt) était notamment passée par un “Printemps du numérique” (plate-forme pour contribution d’idées venant de tous types de profils) et par des “Assises” (réunissant des profils plus systématiquement professionnels).
Cette fois, le “terrain” a pu s’exprimer par le biais des Digital Wallonia Champions (ils sont désormais au nombre de 148), sélectionnés ou nominés en raison de leurs compétences sectorielles et de leur action au quotidien en faveur du numérique. A charge pour eux de faire le lien avec leurs communautés, réseaux et sphères professionnelles et de faire ainsi remonter besoins et attentes.
Les “Champions” votent donc majoritairement pour la continuité par rapport aux axes précédemment choisis. Ce qui n’exclut pas certains aménagements ou réorientations.
Parmi les points forts et les souhaits qui engrangent une large adhésion, les organisateurs de cet exercice de crowdsourcing retiennent un appel à davantage de gouvernance, la nécessité de prendre encore mieux conscience et d’agir davantage dans le sens d’une “transversalité” du numérique (imprégnant tous les secteurs), l’aspiration à dégager des priorités éventuellement plus concentrées – et en tout cas claires, un accent plus important sur la création d’“écosystèmes”.
Le souhait de transversalité ne se définit pas uniquement en termes d’imprégnation numérique tous azimuts. Elle concerne aussi le dépassement des genres et des barrières. Exemple souvent évoqué: mieux faire collaborer le monde de la recherche (universitaire comprise), les sociétés actives dans le numérique et les secteurs économiques.
C’est ici que resurgit l’idée du projet DW Hub qui avait eu quelques difficultés à se mettre en branle et fut finalement remisé au frigo (en attendant mieux ou autre chose?) par Pierre-Yves Jeholet, nouveau ministre de l’Economie et du Numérique.
Les objectifs initiaux du “DW Hub”
Mieux potentialiser les ressources de la recherche appliquée et du prototypage dans le domaine du numérique ; favoriser et faciliter les transferts de compétences et les fruits de la recherche académique vers l’industrie, afin de donner au secteur mais aussi à ses acteurs une plus grande masse critique et une plus grande représentativité sur le marché – tant local qu’international.
Mais ce DW Hub, ou un mécanisme voire un acteur “qui s’inspire du modèle Imec [iMinds] en Flandre”, est toujours jugé “l’un des points forts du plan”. C’est Pierre Rion, président du Conseil du Numérique, qui le rappelait lors de la séance de clôture de la journée.
Mais la recherche fut par ailleurs l’un des thèmes principaux évoqués, dans leurs réponses sur formulaires, par nombre de DW Champions. “La moitié des 67 formulaires rentrés pour l’axe Secteur du numérique l’évoquaient”, souligne André Blavier. “Et on trouvait aussi ce thème dans les axes Territoire et Economie par le numérique.”
Comment ces souhaits seront-ils pris en compte, à la lumière du gel du DW Hub décidé à l’arrivée de Pierre-Yves Jeholet? “Un tour de table est en cours avec les universités et les acteurs de la recherche”, déclare André Blavier. “Une cartographie des unités de recherche, détaillant les spécialités et domaines de chacun (data, intelligence artificielle, blockchain…) a été faite.”
L’étape suivante sera une “réflexion en vue de réactiver le projet, peut-être sous une autre forme et/ou un autre nom.”
Pierre Rion: “Débloquer des moyens afin d’attirer, non seulement en Wallonie mais à l’échelle du pays, au moins 50 chercheurs talentueux en Intelligence Artificielle avec la garantie pour eux d’y trouver un terreau favorable durant quelques années.”
Les premières actions qui avaient eu lieu [Ndlr: à l’époque de Jean-Claude Marcourt] avaient permis d’octroyer des financements à Lasea et à OncoDNA pour activation de leur phase “scale-up”. Les dossiers suivants (parmi lesquels celui de Haulogy qui a dû chercher une alternative – relire notre article) n’ont jamais été étudiés.
“Ce type d’investissement était certes intéressant mais l’essentiel est de favoriser la recherche, de spécialiser les acteurs, de faire naître des écosystèmes dans des axes bien précis. On ne peut chercher tous azimuts. Certains choix auraient du sens, du genre: technologie blockchain pour le secteur de la logistique…
Le projet DW Hub sera donc réévalué et les raisons pour lesquelles cela n’a pas fonctionné seront analysées. Nous n’en sommes pas encore, pour l’heure, au stade de la définition de mesures concrètes mais plutôt d’une validation par les acteurs de terrain” [en ce compris donc les DW Champions].
Accentuer ce qu’on fait bien (ou pas mal)
En termes d’écosystèmes, les participants ont marqué leur souhait de s’inspirer de certaines initiatives, telles que Made Different, dans le domaine de l’industrie 4.0, pour en dupliquer la méthode dans d’autres domaines – santé, logistique, gaming, agriculture… Là encore pour faire se développer des atomes crochus entre recherche, fournisseurs de technologies et acteurs économiques.
Mais sans se disperser. “La Wallonie ne peut être spécialisée dans tout. Il s’agit de réussir une activation plus forte des Pôles de Compétitivité, de se concentrer là où cela fonctionne déjà bien.”
Même si, à cet égard, certains DW Champions imaginaient d’identifier un nouveau secteur ou thème qui soit réellement porteur et différenciateur pour la Wallonie. Histoire de ne pas creuser un sillon déjà largement ensemencé et exploité par d’autres. L’un de ces thèmes, entendus dans les échanges, était celui de la lutte contre le changement climatique. Vaste chantier où les technologies numériques peuvent certainement jouer un rôle et qui va au-delà du “green tech” comme on l’entend traditionnellement.
Quelques idées et propositions
Epinglons quelques-unes des idées qui ont été formulées par les DW Champions, pour préciser certains axes ou actions, ou faire naître de nouvelles initiatives:
– organiser, plusieurs fois au cours de l’année, des réunions du gouvernement dédiées au numérique, histoire, notamment, de souligner l’importance du numérique et de faire mieux appliquer l’idée de transversalité trans-domaine, trans-secteur
– identifier clairement des “champions” – mais cette fois, il s’agit de sociétés – pouvant se développer à l’international et entraîner, voire engendrer, un réel écosystème vivace
– prêcher davantage par l’exemple en créant des “lieux de démonstrations opérationnels”, illustrant les potentiels de la transformation numérique
– essaimer et diffuser les compétences numériques de manière plus intense en multipliant ou exploitant mieux les “tiers-lieux” – qu’il s’agisse des EPN (espaces publics numériques) ou des espaces de co-working (pour ces derniers, il s’agirait donc d’augmenter les capacités d’accueil et d’étoffer les programmes d’activités)
– même principe d’élargissement pour les écoles, avec refondation de ces lieux d’apprentissage pour mettre davantage l’accent sur la compréhension et la maîtrise des usages numériques, en mode co-learning, co-apprentissage
– une appli (ou une plate-forme) qui servirait de point d’accès unique, pour tout citoyen, en tout point du territoire, aux services publics (régionaux dans un premier temps mais éventuellement locaux, via geofencing); une sorte de solution Wallonie en Poche mais orientée accès aux services publics en tous genres
– clarifier la teneur et les possibilités de mécanismes d’investissement en faveur d’un territoire connecté (la “Giga Region”) afin de favoriser un déploiement plus efficace du très haut débit – pour “savoir, pour chaque scénario d’équipement, quelles sont les besoins, les formules possibles (appels à projet, droit de tirage…), les investisseurs sollicitables, les conditions de leur intervention…”
La suite des opérations
Analyse et synthèse des avis et propositions
Envoi du rapport au gouvernement
Choix des axes prioritaires
Définition des mesures opérationnelles à mettre en oeuvre
Simplification éventuelle de la manière dont le plan Digital Wallonia est structuré (en thèmes, axes de développement et mesure). “Il serait peut-être indiqué d’en venir à une construction plus simple”, dit-on à l’AdN.
A la manoeuvre: l’AdN et le Conseil du Numérique. Avec implication, cette fois encore (au minimum pour les informer), des DW Champions
Début décembre, dévoilement du plan Digital Wallonia “2.0” (la deuxième édition de la conférence Shake Wallonia est planifiée pour le 6 décembre).
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