Un an et demi après la signature d’un “deal” entre Région wallonne et opérateurs mobiles (voir en note de bas de page) à propos du renforcement de la couverture mobile (3G/4G) du territoire wallon, les parties concernées faisaient le point cette semaine sur l’avancement du programme.
Fin 2016, les trois opérateurs s’engageaient à investir chacun 20 millions d’euros supplémentaires d’ici fin 2019. Au stade atteint aujourd’hui, 32 millions ont réellement été débloqués (les trois opérateurs n’ont pas accepté que les chiffres de chacun soient détaillés mais, reconnaît-on du côté des responsables officiels wallons, une bonne partie des progrès ont pu être réalisés grâce à des avancées du côté d’Orange et de Telenet/Base, dans la mesure où Proximus partait avec une longueur d’avance…).
Fin d’année, l’objectif des deux-tiers devrait être atteint.
Quels progrès sur le terrain?
Quatre priorités avaient été définies pour le réinvestissement dans les réseaux mobiles:
- effacer progressivement les zones grises et surtout blanches – où le 4G était encore totalement absent et où les connexions fixes étaient à la peine (moins de 65% du territoire communal bénéficiant d’un débit 30 Mbps)
- desservir les zones touristiques (par ex. Maredsous, Villers-la-Ville, Durbuy…)
- améliorer la couverture des zones d’activités économiques
- mieux couvrir les “zones de flux de mobilité” (grands axes autoroutiers, zones aéroportuaires, lignes de chemin de fer).
Avant le démarrage du plan d’investissement, 39 communes wallonnes étaient encore en zone blanche.
Entre janvier 2017 et fin avril 2018, le nombre de communes disposant d’une couverture 4G sur minimum 85% de leur territoire est passé de 4 à 27.
Globalement, 87,5% de la population de ces communes défavorisées situées en zone blanche bénéficieraient ainsi désormais d’une couverture 4G en outdoor. Seize mois plus tôt, le total moyen (agrégé, trois opérateurs confondus) était de 71,2%.
Les plus fortes progressions, en termes de pourcentage de population desservie en 4G, sont le fait de 17 communes (dont la plupart partaient d’une situation très défavorable). En l’occurrence: Rendeux, Buellingen, Waismes, Amel, Vresse-sur-Semois, Erezée, La Roche-en-Ardenne, Manhay, Fauvilliers, Hastière, Rochefort, Gouvy, Doische, Braives, Cerfonrtaine, Honnelles, et Bertrix.
Pour la qualité de couverture, il faudra encore “objectiver”
En préambule à la présentation de l’état d’avancement, Pascal Poty, expert à l’AdN, résumait la situation par trois mots: “coopération exemplaire” (et confiance retrouvée entre autorités et opérateurs) ; “vigilance” – parce que des obstacles et difficultés subsistent ; “transparence” – pour faire dialoguer citoyens, opérateurs, autorités et pouvoirs locaux sur la base de faits objectivés.
Vigilance et transparence. Voilà deux promesses encore à remplir et qui feront l’objet, dans les prochains mois, de nouvelles mesures actionnées par la Région.
Mieux faire dialoguer opérateurs, utilisateurs et différents niveaux de pouvoir. Prochaine étape vers un territoire réellement (hautement) connecté?
Il s’agira notamment de mieux faire remonter les informations (taux et qualité de couverture réelle, problèmes subis…) vers les autorités et les opérateurs et de favoriser un meilleur dialogue entre responsables locaux (communes) et opérateurs.
D’ici la fin de l’année, une application devrait ainsi être mise à disposition de tout citoyen, le transformant en une sorte de chien renifleur, de témoin vivant de la qualité de connexion. “L’IBPT a dressé une cartographie de la couverture mobile jusqu’à un certain niveau de détail et ajoutera une nouvelle couche pour une granularité plus fine d’ici la fin de l’année. Mais l’IBPT ne peut préciser le degré de couverture dans le jardin de chaque citoyen”, relevait Alexander de Croo, ministre fédéral chargé des télécoms et de l’agenda numérique, lors de la présentation de l’état des lieux wallon.
L’application mobile promise devrait permettre une meilleure “objectivation” de la réalité.
Ces données seront “remontées” vers les opérateurs, les autorités (fédérales et régionales) mais aussi vers les mandataires locaux. “Le but”, soulignait Pascal Poty (AdN), “est aussi de faciliter une prise de conscience, aux différents niveaux de pouvoir. Et pour cela, il faut outiller, non seulement le citoyen mais aussi les élus locaux. Cela permettra de renforcer le dialogue, parfois encore largement absent entre élus et opérateurs.”
Les obstacles persistent
S’il y a progrès, il y a encore pas mal de difficultés qui entravent l’évolution vers le (très) haut débit mobile. Principaux obstacles pointés: la réticence (parfois le refus catégorique) d’autorités locales d’octroyer des permis d’implantation d’antennes, la subsistance de taxes (parfois communales mais surtout provinciales), des normes d’émission encore trop restrictives (même si Bruxelles emporte la palme, en la matière, les deux autres Régions ont encore des progrès à réaliser, dit-on notamment chez Orange).
Pierre-Yves Jeholet: “La coopération avec le fédéral a été relancée là où il y avait peu de contacts auparavant. Taxer les antennes était et reste une ineptie économique. L’accord avec les opérateurs aurait pu être conclu plus vite s’il y avait eu plus de volonté politique.” Une pique à peine masquée à destination de la précédente majorité PS/cdH.
S’il salue la qualité et les vertus de l’accord passé à l’origine entre les opérateurs et la Région et les progrès réalisés, Pierre-Yves Jeholet, ministre wallon de l’Economie et du Numérique, ne peut s’empêcher de regretter qu’il soit intervenu tardivement (on sait que la taxe Pylône avait longtemps été… pilonnée par le MR) et qu’il n’ait pas inclus certaines parties prenantes (son regard pointe essentiellement les autorités provinciales réfractaires) qui empêchent selon lui la collaboration des opérateurs d’être encore plus positive.
“Certaines communes continuent de prélever des taxes sur l’infrastructure mobile, même si la tendance est clairement à la baisse [Ndlr: 517.000 euros de taxes prélevées en 2017 contre 1,2 million un an plus tôt]. C’est surtout du côté des Provinces que l’habitude persiste [3,714 millions prélevés en 2017 contre 4,156 millions en 2016].
La Province de Liège n’a jamais taxé les antennes. Le Brabant wallon ne le fait plus mais trois Provinces s’obstinent. Il y a là un effort à faire.”
Car, souligne-t-il, c’est autant d’argent que les opérateurs refusent de dépenser en investissements… Dominique Leroy, CEO de Proximus, confirmait d’ailleurs que “les taxes provinciales demeurent un caillou dans la chaussure.”
Pierre-Yves Jeholet, lui, tenait à enfoncer son petit clou: “Ce qui n’est plus acceptable, c’est que certaines communes continuent de refuser d’octroyer un permis et viennent ensuite se plaindre qu’elles ne disposent pas d’une bonne couverture. Je suis prêt à prôner la transparence, pour publier ouvertement les noms de ces communes qui refusent des antennes – peut-être évidemment sous la pression de groupements de citoyens qui s’y opposent. Mais que ces communes expliquent alors pourquoi elles refusent. Chaque niveau de pouvoir doit prendre ses responsabilités.”
Un “new deal” télécom?
Le présent accord Wallonie-opérateurs vient à échéance fin 2019. Dès à présent, le ministre wallon de l’Economie et du Numérique, Pierre-Yves Jeholet lance l’idée d’un “new deal”. La teneur, le périmètre n’en sont pas encore définis, ni même ébauchés. Mais l’idée est triple:
- prolonger l’accord afin de créer un cadre pour la poursuite des investissements en faveur notamment des zones blanches
- étendre le cadre de l’accord pour qu’il ne se limite pas à la seule dimension mobile
- élargir les rangs des parties concernées.
Les invitations ne sont pas encore lancées mais sont potentiellement visés les opérateurs fixes (Voo/Nethys), les MVNO (opérateurs de réseau mobile virtuel), les élus locaux, les Provinces… “La balle, désormais, est en partie dans le camp des entités fédérées”, ajoute encore Pierre-Yves Jeholet, ce qui semble laisser sous-entendre que ce New Deal ne serait pas forcément – ou pas en première instance – circonscrit au territoire wallon. Car le ministre MR ne manquait pas de lancer une pique à destination de son prédécesseur à la Région: “la coopération avec le fédéral a été relancée, là où il y avait peu de contacts auparavant…”
Quoi qu’il en soit, on peut s’attendre, au cours des prochains mois, à entendre parler de cette ébauche de future nouvelle convention ou de tractations devant l’amener sur la table. Le patron de Telenet/Base, John Porter, en faisait lui aussi mention lors de son intervention: “un new deal avec les opérateurs est souhaitable car celui passé fin 2016 est déjà sans doute dépassé, compte tenu de l’évolution des technologies et du marché, des demandes des consommateurs et des attentes des entreprises. Il faut se focaliser sur les nouvelles opportunités…”
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Rapide retour sur le fil des événements… En 2016, la précédente majorité wallonne enterrait la “taxe pylône”, celle qui fâchait tant les opérateurs mobiles et bloquait le processus de (ré-)investissement dans une infrastructure de connectivité 3G/4G de bon aloi.
A partir de là, les trois opérateurs, le gouvernement wallon et l’Agence du Numérique se retrouvaient autour de la table pour parler plan et modalités d’investissement. Les opérateurs se sont ainsi engagés à ajouter 60 millions (20 chacun) aux budgets qu’ils consacrent, chacun de leur côté, à l’extension et à la modernisation de leur infrastructure.
Le THD (très haut débit), bien présent dans le Plan numérique wallon…
Parallèlement, le gouvernement wallon [toujours sous l’ancienne majorité] planchait sur un plan plus vaste de couverture Haut, voire Très Haut, Débit (mobile et fixe) du territoire. L’annonce, en principe, aurait dû en être faite à la fin de l’été 2017. Mais voilà, entre-temps, une majorité wallonne avait été détricotée pour faire place à une autre, arborant en partie d’autres couleurs.
L’annonce en question? La connectivité du territoire wallon, axe majeur du Plan Digital Wallonia, avec détails sur les zones prioritaires, le modèle économique, les choix et options d’hybridation de technologies…
L’AdN avait transmis la cartographie, la Sofico avait fait des propositions concernant notamment la connectivité des parcs d’activités économiques (plan d’investissement de plusieurs dizaines de millions d’euros pour les prochaines années), l’état des lieux (nature des connexions, analyse d’opportunités…) avait été dressé. A la mi-juin 2017, la proposition d’investissement avait été validée même si les détails devaient encore être examinés.
Voilà où on en était lorsque la majorité changea, sans préavis.
Côté mobile, le plan de modernisation a réellement démarré voici un an (c’est l’objet du présent article). Côté infrastructure fixe, les choses commencent à bouger – notamment avec l’annonce toute récente d’un investissement complémentaire pour les zonings d’activités situés en zones blanches. Mais tout un volet d’équipement plus généralisé doit encore être précisé. A suivre dans les mois à venir.
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