MySkillCamp: phase de musculation pour une société-ado

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Par · 14/02/2018

MySkillCamp, jeune société tournaisienne spécialisée dans l’offre d’une plate-forme, de contenus et de services d’e-learning pour (grandes) entreprises, vient de lever 750.000 euros. Cela vaut-il un article à l’heure où d’autres claironnent des levées de fonds nettement plus confortables?

En réalité, l’opération n’a rien d’anodin pour cette société qui, l’année dernière, a fait ses premiers pas sur un marché tout autre que celui qu’elle avait imaginé au départ. L’objectif de cette recapitalisation était dès lors à la fois de doper sa croissance – leitmotiv classique – mais aussi de se donner, pour 2018, les moyens d’engager quelques profils “senior” aptes à convaincre et rassurer les grandes entreprises dont elle a fait, depuis quelque temps, sa cible de clientèle.

Lorsque l’on travaille avec de grands comptes, il est important de pouvoir faire le poids, en termes de crédibilité et de compétences face à des concurrents ayant déjà une réputation, un track record et des références solides, souligne Kevin Tillier, fondateur et patron de MySkillCamp. “Il faut pouvoir aligner quelques high profiles pour dialoguer avec le client”. Des personnes qui ne soient pas uniquement des commerciaux au beau parler, mais aussi et surtout qui soient capables de gérer des projets, de conseiller réellement le client sur ses choix stratégiques – en l’occurrence en choix de formations et de formules de formation…

Si la société veut renforcer ses effectifs (passant de 11 unités actuellement à 20 d’ici fin 2018, après avoir déjà quasi-doublé son équipe en 2017), c’est aussi parce qu’il lui faudra se muscler en prévision des futures ambitions à l’international.

Pour l’heure, un bureau devrait bientôt s’ouvrir à Bruxelles (sans doute chez BeCentral). Il servira de basecamp pour un commercial, actuellement en phase de recrutement, qui sera chargé d’explorer le marché flamand.

L’international en 2019

La France figure également comme cible prioritaire mais dans un timing un peu plus lointain. Cet objectif n’est d’aillurs pas nouveau dans le chef de MySkillCamp qui voici un peu plus d’un an avait imaginé réaliser une importante levée de fonds (2 millions) pour s’attaquer au marché français. Espoir déçu à l’époque “essentiellement pour cause de valorisation trop basse”, déclare Kevin Tillier.

Mais ce n’est, selon lui, que partie remise. Dès cette année, la start-up continuera d’aller faire parler d’elle outre-Quiévrain, via certains de ses clients, dont elle espère qu’ils alimenteront le bouche-à-oreille, comme ce fut le cas en 2017 en Belgique, mais aussi via une présence à quelques grands salons et conférences.

Ainsi, le salon Solutions Ressources Humaines, qui se tiendra à Paris du 20 au 22 mars, sera l’occasion d’y dévoiler la version bêta de la future solution MySkillCamp enrichie de potentiels d’intelligence artificielle (voir ci-dessous). Le but? Convaincre quelques entreprises de faire office de beta-testeurs, avant le lancement effectif de la solution à l’automne.

Mais pas question de brûler les étapes ou les ressources. “Nous n’ouvrirons pas de bureau [en France ou ailleurs] tant que cela ne se justifie pas d’y baser 3 ou 4 personnes. Et passer par un espace de coworking, cela revient, pour 3 au 4 personnes, quasiment aussi cher qu’un bureau.”

La première tête de pont française pourrait être Lille.

Quant aux moyens nécessaires à l’inauguration d’une telle implantation en France et, potentiellement, au Royaume-Uni et au Canada (ce dernier servant de marché-test et de tête de pont vers les Etats-Unis), ils devront venir d’une future levée de fonds, plus ambitieuse, qui sera préparée d’ici quelques mois (voir ci-dessous).

Co-construire avec des clients

MySkillCamp est en fait une version B2B, orienté entreprises, du projet initial qu’avait imaginé Kevin Tillier. Son projet de société avait vu le jour sous le nom de Nosco. La solution, elle, avait été baptisée Clic2speak et s’adressait à un public d’enseignants et de formateurs qui, à ses yeux, auraient pu trouver un intérêt à développer et proposer des contenus de cours via une plate-forme en-ligne. Que les destinataires finaux soient des élèves, des étudiants ou des personnes voulant suivre des formations à titre privé et/ou professionnel. Mais cette idée n’a pas réussi à s’imposer sur un créneau de marché difficile à “ubériser”.

Le projet s’est alors cherché une nouvelle cible, du côté des entreprises, demandeuses de formations et de contenus d’apprentissage en tous genres (langues, technologies, logiciels et solutions de gestion, formations au management, à la sécurité…). En 2016, Nosco se rebaptisait dès lors MySkillCamp.

Si le socle de la solution d’e-learning proposée (plate-forme d’hébergement, espaces privatifs de formation, outils en-ligne de création de contenus, répertoire de formations “consommables”…) a été développé par ses propres moyens, c’est en collaboration avec quelques clients-pilote que MySkillCamp rajoute de certains pans et fonctionnalités.

“Tous nos clients corporate ont un point en commun: ils n’attendent pas une solution qui soit simplement une plate-forme de formations en-ligne. Ils veulent aussi un outil qui leur permette de créer, d’organiser, de gérer leurs formations, qu’elles se donnent en présentiel, en-ligne ou en mode mixte.

Il n’y avait pas encore, sur le marché, de solution qui permettait de faire et de gérer ces trois modes. Ou alors de manière rigide et très onéreuse. Cette solution, nous l’avons construite en 2017 en collaboration et avec le feedback de Solvay et de D’Ieteren.

MySkillCamp permet aux entreprises de créer des contenus, de gérer leurs formations selon le mode qu’elles veulent et d’“inviter” leurs prestataires de contenus externes à venir y charger et gérer leurs contenus. La plate-forme autorise l’encodage de prestataires externes, la validation des contenus par les responsables de la société… Chacun y a un rôle [et les droits d’accès qui s’y rattachent]: création, validation administration… Chacun est responsabilisé. Pour l’apprenant, l’avantage est qu’il reste toujours dans le même environnement, avec les mêmes processus.”

Kevin Tillier (MySkillCamp): “ne plus être uniquement comparé aux concurrents sur la seule base de la renommée de la société ou du design de son interface.”

Les créateurs de contenus que l’on retrouve sur la plate-forme MySkillCamp peuvent donc être tout aussi bien les entreprises elles-mêmes que des formateurs indépendants créant leurs propres contenus ou encore des organismes de formation (tels qu’Evoluo et Quality Training).

Solvay et D’Ieteren servent également de cobayes pour un autre projet qui devrait voir le jour cette année: un potentiel d’intelligence artificielle qui dotera la plate-forme MySkillCamp d’une dose de compétences autonomes pour “assister les responsables de formation, les coacher dans l’élaboration et le suivi des formations”.

Pour ce faire, la société a fait appel à un data scientist ayant des compétences en machine learning. Ce potentiel IA devrait permettre à la société tournaisienne de disposer d’un argument commercial supplémentaire “et de ne plus être uniquement comparée à ses concurrents sur la seule base de la renommée de la société ou du design de son interface.”

Nouveaux services

MySkillCamp développe aussi un cataloque de services: conseils stratégiques pour le choix des contenus de formation à dématérialiser, choix de priorités, accompagnement de professionnels de la formation à la création de contenus numériques, assistance technique…

Elle peut aussi, si les intermédiaires de formation qu’elle intègre à sa plate-forme sont habilités à le faire, fournir des certifications à l’issue des formations.

Un expert en formation, certifié Kirkpatrick (du nom du modèle d’évaluation de l’efficacité de la formation professionnelle imaginé par l’Américain Donald Kirkpatrick), devrait par ailleurs être opérationnel d’ici quelques semaines. Un atout de plus, en termes de services pour formations en entreprises.

Quelques exemples de clients? Solvay, Delhaize, UCB. D’autres projets devraient bientôt venir s’ajouter au catalogue de références, “notamment du côté d’Ores, de Sibelga, des Cuisines Schmidt [maison-mère alsacienne]…”

Du capital mais pas trop…

Après avoir levé 215.000 euros en 2016, MySkillCamp a cette fois réussi à collecter 700.000 euros auprès de différents profils d’investisseurs.

Neuf business angels, affiliés en majorité au réseau BeAngels, ont déserré les cordons de leur bourse. L’un des investisseurs est membre du réseau BAN Vlaanderen. Ensemble, ils mettent 250.000 euros dans l’aventure.

Wapinvest, qui avait participé à la levée de fonds de 2016, reste à bord et réinjecte 100.000 euros, après avoir déjà accordé un petit rabiot en 2017.

A ces 350.000 euros sous forme de capitaux viennent s’ajouter 200.000 euros en notes convertibles, négociées avec LeanSquare, Digital Attraxion et Seeder Fund. 100.000 euros viennent par ailleurs de Novallia (déjà investisseur en 2015) et 50.000 euros sont amenés par une banque.

Vers la fin de l’année ou au début 2019, la société espère repasser les plats, cette fois pour une levée de fonds plus conséquente (qui se chiffrerait en millions d’euros). Les investisseurs actuels seront resollicités mais il s’agira aussi pour MySkillCamp d’aller frapper à la porte d’autres fonds d’investissements et acteurs.

Cible: l’expansion à l’international, en commençant par la France. “Le but du deuxième tour de table que nous venons de boucler avait en effet aussi pour but de trouver et d’attirer de nouveaux partenaires, de qualité, pour préparer l’étape suivante”, souligne Kevin Tillier. “Avec Wapinvest, LeanSquare et Seeder Fund à bord, d’autres fonds pourraient être plus aisés à convaincre. Sans compter que plusieurs des investisseurs actuels ont les moyens de suivre…”