La fusion, si elle est entérinée par les autorités de la concurrence, devrait réellement intervenir d’ici 2 ou 3 mois mais la convention, elle, a été signée: via sa filiale belge, le groupe d’ingénierie français SPIE (Société Parisienne pour l’Industrie Electrique), spécialisé en services multi-techniques dans les domaines de l’énergie et des communications (voir le portrait de SPIE en fin d’article), se propose de racheter Systemat Belgique. Le but est de se positionner à la fois sur le terrain des services et solutions IT et sur le terrain de la convergence entre services techniques et numériques, évolution favorisée par l’émergence des technologies d’automatisation (gestion de bâtiments, notamment) ou de l’Internet des Objets.
A entendre les dirigeants des deux sociétés, cette acquisition est donc la rencontre de deux opportunités.
Pour Systemat, le temps était venu de trouver de nouveaux actionnaires et/ou un nouveau propriétaire. “Dès le départ, en 2010, lorsque nous avons réalisé notre MBO, nous savions que les partenaires financiers (voir note en fin d’article) allaient effectuer tôt ou tard une exit”, explique Pierre Focant, directeur général de Systemat. “A l’époque, on avait pensé à trois scénarios: une MBO secondaire, le remplacement d’un partenaire financier par un autre – poste pour poste -, ou un rapprochement avec un acteur industriel.”
Et de poursuivre: “Nous savions depuis un an que Field, notre actionnaire principal, voulait se retirer. Il s’agit en effet d’un fonds d’investissement fermé qui, par nature, cherche à assurer la liquidité de ses prises de participations.”
Quant aux deux autres fonds, ils se sont simplement inscrits dans le sillage de Field.
Préférence à un profil industriel
Pourquoi Systemat a-t-il décidé d’unir sa destinée à une société au profil industriel situé en marge de l’univers IT classique? “En 2010, à l’époque du MBO, et voici encore quelques années, l’identité de ce partenaire industriel aurait logiquement été davantage de type télécoms ou IT”, commente Pierre Focant. “Aujourd’hui, en raison de l’évolution du marché qui voit converger les mondes techniques et numériques, il nous a paru plus intelligent d’aller vers un prestataire de services industriels.
Vu l’émergence de l’Internet des Objets, des bâtiments “intelligents”, ce rapprochement est porteur de valeur ajoutée. Nous n’en sommes plus à l’heure où l’on faisait de l’IT pour de l’IT. De nouvelles fonctionnalités s’y ajoutent. Il était donc important de trouver un acteur industriel.”
Pour SPIE, le fait de savoir que Systemat Belgique était sur le marché était l’occasion de combler un trou dans son positionnement stratégique en Belgique. Là où, dans d’autres pays (France, Allemagne, Suisse, Pays-Bas), le groupe est déjà actif sur le terrain de l’IT (via initiative propre ou via acquisitions), ce n’était pas encore le cas dans notre pays.
Soulignons au passage que l’acquisition ne porte que sur Systemat Belgique (même si SPIE est présente au Grand-Duché), la situation de la société sur le marché luxembourgeois ayant tout récemment évolué à la faveur d’un changement d’actionnariat, là aussi. Pour rappel (relire notre article), l’actionnaire luxembourgeois Rcarré, entré au capital à 2016, a quelque peu accéléré sa prise de contrôle total, signifiant le retrait de l’enseigne Systemat du marché grand-ducal.
Complémentarité
Dans une perspective à moyen et long terme (on verra ci-dessous que rien ne change réellement dans l’immédiat), les deux parties voient dans cette acquisition l’occasion de combler un manque de compétences. L’IT, côté SPIE ; une connaissance – et des débouchés vers des environnements plus techniques, côté Systemat.
D’autres opportunités sont également envisagées: “Systemat était jusqu’ici essentiellement présent sur le marché francophone, là où SPIE est bien implanté en Flandre. L’acquisition va libérer de nouveaux moyens et autoriser du cross-selling”, déclare Johan Dekempe, directeur de SPIE Belgique.
“Nos clients nous demandent de plus en plus des services touchant à l’automatisation et à la transformation numérique, services que nous ne possédions pas en interne. Nous avions la volonté de compléter nos métiers historiques, en installation et maintenance, par des services numériques…”
Pour SPIE, ce nouveau volet qui vient s’ajouter à son catalogue est aussi l’occasion de gagner en puissance concurrentielle face à des acteurs tels que Vinci Energies et, leader difficilement contestable du marché, Engie (et sa galaxie Fabricom, Axima, Cofely…). “Nous étions numéro 3 sur le marché. Nous avons désormais une chance de nous rapprocher de la deuxième place.”
Rien ne change dans l’immédiat
Hormis ce changement de propriétaire, l’opération d’acquisition ne devrait rien changer au quotidien de Systemat. L’ensemble du personnel (quelque 150 collaborateurs) est transféré, sans licenciements et sans réaffectation au sein du groupe SPIE.
Systemat demeure en effet une entité à part entière, au profil bien spécifique. ”Cela n’aurait aucun sens de splitter les équipes”, affirme Johan Dekempe. “Notre évolution dans le numérique se fera au travers de Systemat. C’est logique puisque c’est là un métier que SPIE ne connaît pas. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons opté pour une croissance externe [par acquisition].”
Vincent Schaller et Pierre Forant restent à la tête de Systemat. En attendant d’être rejoint par un troisième larron venu du groupe SPIE.
La direction demeure elle aussi inchangée. Pierre Focant demeure directeur et Vincent Schaller, directeur commercial. Une troisième personne viendra toutefois s’ajouter, déléguée par le groupe SPIE. Sa nomination interviendra dès que les autorités belges de la concurrence aura donné son aval à l’acquisition. Son rôle: “aider à accélérer la société.”
Pour le reste, Systemat continuera donc d’opérer comme division indépendante (“hors gestion des stocks”), s’ajoutant aux quatre divisions existantes (Industrie, Building Systems, Infrastructure, et Services). Pierre Focant rapportera directement à Johan Dekempe.
Les axes d’activités de Systemat, dans l’immédiat, demeurent inchangés: cloud, outsourcing, services d’intégration, d’impression…
Toutefois, le fait de se retrouver aujourd’hui dans le giron d’un groupe tel que SPIE et ses compétences en gestion et maintenance technique, dans divers secteurs industriels qui sont immanquablement concernés par la “transformation numérique”, impliquera l’acquisition de nouvelles compétences si la société veut en effet conquérir nouveaux terrains dans des orientations plus IoT, industrie connectée etc.. “Cela se fera au travers d’une veille technologique et stratégique, et une analyse sur les modalités d’évolution”, déclare Pierre Focant.
Le nom de Systemat, lui, est maintenu. Du moins à court terme. “Ce ne serait pas une bonne idée de sacrifier une marque qui a de la valeur, de la sacrifier du jour au lendemain”, estime Johan Dekempe. Toutefois, le patronyme pourrait être abandonné à plus long terme. “Dans la mesure où SPIE opère déjà des activités IT dans d’autres pays, une réflexion sur une unicité de marque SPIE aura lieu à plus long terme, d’ici 12, 24, 36 mois…”
SPIE, un groupe industriel, tenté par la transformation numérique
SPIE (Société Parisienne pour l’Industrie Electronique) a pris ce nom en 1946. A l’origine (1900), le patronyme choisit avait été “Société Parisienne pour l’Industrie des Chemins de fer et des tramways électriques”.
L’Adn du groupe est donc clairement industriel et n’a fait que se confirmer au fil du temps, dans des secteurs aussi diversifiés que la construction, les installations de chauffage, la gestion énergétique…
En 2011, l’actionnariat est sensiblement restructuré via l’entrée de trois fonds d’investissement: CD&R (Clayton, Dubilier & Rice), Ardian (ex-AXA Private Equity) et la Caisse des dépôts du Québec (CDPQ). Ensemble, ils détiennent 89,6% du capital. Les 10,4% restants étant détenus par un fonds commun regroupant les parts des dirigeants et des salariés.
Juin 2015: le groupe fait son entrée en Bourse de Paris (après une première tentative avortée en octobre 2014, pour cause de marché jugé trop volatile). Capitaux levés: 700 millions d’euros.
Les trois axes majeurs d’activités du groupe sont les services mécaniques et électriques, le facility management technique, et les services ICT.
Quatre marchés sont considérés comme stratégiques: les bâtiments efficients, la gestion de l’énergie, les services industriels et le domaine de la “smart city” (infrastructures de communication, de mobilité, d’équipements collectifs et de sécurité).
En Belgique, SPIE était encore absent, jusqu’ici, de la scène ICT. Son catalogue d’activités avaient pour cadre l’énergie, l’électricité, l’instrumentation, la mécanique, la tuyauterie industrielle, l’automatisation ou encore la gestion du trafic ou de l’efficience énergétique.
Avant l’acquisition de Systemat, le dernier rachat effectué par le groupe, fin 2016, concernait une autre société belge, à savoir Tevean (Zelzate), spécialisée spécialisée dans l’ingénierie, la réalisation et la maintenance de systèmes électriques, de protection, de détection incendie et de gestion des bâtiments.
Quelques chiffres SPIE Belgique: chiffre d’affaires 2016: 273 millions d’euros ; effectifs: 1.700 personnes, travaillant sur 13 sites (QG d’Anderlecht, 7 implantations en Flandre et 5 en Wallonie – Tihange, Strépy-Bracquegnies, Walcourt, Liège). Lasne (Systemat) vient donc s’ajouter à la liste. [ Retour au texte ]
Les actionnaires de Systemat
Le management buy-out réalisé en 2010 par le duo Pierre Focant-Vincent Schaller a été soutenu sur trois parenaires: Field, une société d’investissement en capital à risque de droit luxembourgeois, qui entrait à hauteur de 51% dans le capital. Les deux dirigeants prenaient 20%, le reste étant partagé entre les groupes d’investisseurs Sting (Grand-Duché) et EuroCapital (France). [ Retour au texte ]
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