118 millions d’euros, sur 4 ans, pour financer 38 projets de recherche fondamentale, sélectionnés par un jury de scientifiques internationaux parmi quelque 269 projets candidats. Tel est le verdict du premier appel à projets EOS (Excellence Of Science) lancé en début d’année par le FRS-FNRS et le FWO (Fonds Wetenschappelijk Onderzoek), suite à un accord pour le moins exceptionnel passé par les deux ministres responsables, au niveau des Communautés, de la recherche. En l’occurrence, Jean-Claude Marcourt, pour la Fédération Wallonie-Bruxelles, et Philippe Muyters, pour la Communauté flamande.
Particularité de ce programme EOS (voir note de bas de page): transcender le schisme communautaire belgo-belge afin de permettre à des consortiums de recherche, constitués de chercheurs venus des différentes universités du pays, de porter des projets de recherche ambitieux, de niveau international.
Répartition du financement: 53 millions d’euros pour la Fédération Wallonie-Bruxelles, 65 pour la Communauté flamande.
Montant du budget alloué aux projets retenus: de 450.000 à 1 million d’euros par an.
Véronique Halloin (FRS-FNRS): “Nous avons travaillé main dans la main avec le FWO avec la conviction que la collaboration entre chercheurs des deux Communautés était une absolue nécessité.”
Répartition par domaine scientifique:
- sciences et technologies : 17 projets (à noter que cette catégorie, la plus nombreuse, réunit toute une série de disciplines: informatique, mathématiques, matériaux, chimie…
- biologie: 7 projets
- sciences médicales: 4 projets
- sciences sociales: 5 projets
- sciences humaines: 2 projets
- projets interdisciplinaires: 3 projets
Les 3 projets de nature informatique
Projet VeriLearn (Verifying Learning Artificial Intelligence Systems).
Consortium entre le centre d’expertise Precise de l’UNamur, le service Méthodes Formelles et Vérification du département d’informatique de la Faculté des Sciences de l’ULB et la KUL.
Ce projet vise à développer des systèmes de vérification du fonctionnement de l’intelligence artificielle (systèmes d’apprentissage automatique ou autres) qui opère jusqu’ici un peu à la manière d’une boîte noire. Les algorithmes produisent des résultats qui dépassent de plus en plus les capacités humaines mais, souvent, on ignore “pourquoi ça marche”.
“Alors que la technologie progresse rapidement pour fournir des logiciels capables de résoudre des tâches complexes, adaptables et autonomes, ses risques deviennent manifestes”, expliquent les porteurs du projet VeriLearn. “Les outils font encore défaut pour obtenir des garanties fortes de ces logiciels intelligents (en termes de sécurité, de vie privée, etc.).”
L’idée du projet de recherche est dès lors d’exercer “un meilleur contrôle de ces logiciels [d’intelligence artificielle] par d’autres logiciels intelligents, en l’occurrence des logiciels de vérification automatique qui recourent à des méthodes (partiellement) automatisées pour améliorer la fiabilité des systèmes informatiques. La vérification automatique se base sur des méthodes mathématiques, telles que la vérification de modèles, la preuve de théorèmes et le test basé sur les modèles. […] Le projet veut étudier les bases communes, logiques et probabilistes, de la vérification, de l’apprentissage automatique et de l’intelligence artificielle. Les résultats attendus sont de nouveaux formalismes, théories, et algorithmes pour une nouvelle génération de méthodes de vérification ad hoc.”
Projet Seco-Assist (Automated Assistance for Developing Software in Ecosystems of the Future)
Consortium entre l’Université de Mons (département des sciences informatiques/laboratoire d’ingénierie logicielle, le centre d’expertise Precise de l’UNamur, la VUB (laboratoire de langages informatiques) et l’Université d’Anvers (laboratoire de recherche LORE – Lab On REengineering).
Sujet de la recherche: “enrichir l’état de l’art des techniques de recommandation logicielle de telle sorte à relever les défis d’hétérogénéité, de longévité et de complexité organisationnelle que suscitent les écosystèmes logiciels de demain. Les écosystèmes logiciels constituent d’immenses réseaux de composants sociaux et techniques qui interagissent en s’appuyant sur des plates-formes matérielles et logicielles communes. Ils sont considérés comme étant les mieux à même d’organiser les besoins logiciels de nos sociétés modernes.” Mais cela ne va pas sans de sérieux défis: hétérogénéité, collaboration efficace, organisation des équipes de contributeurs…
Exemples d’écosystèmes logiciels connus: Linux, Android, l’environnement R (informatique statistique), OSCAR pour les dossiers médicaux électroniques.
Le projet vise à “fournir des techniques automatisées novatrices pour coordonner le plus efficacement possible les nombreux contributeurs de ces écosystèmes logiciels.”
Projet MUSE-WINET (MUlti-SErvice WIreless NETwork)
Consortium: département ICTeam/ELEN de l’UCL, entité Wireless Communication Group du département OPERA (Optique, Photonique, Electromagnétisme, Radiocommunications et Acoustique) de l’ULB, deux départements de l’UGent et le département ESAT (électrotechnique) de la KUL.
Source: Needham Growth Conference
Objet de la recherche: étudier les réseaux sans-fil multi-services basés sur une infrastructure commune et partagée, qui sera composée de serveurs de type cloud (ressources distantes) et “fog” (intelligence locale, mutualisée, indépendante et sécurisée) et de bases radio équipées de grands réseaux d’antennes.
En partant de techniques de virtualisation, de découpage réseau et de densification réseau, les services visés étendront la notion de découpage du transfert de données à des concepts de transfert de puissance, de localisation et d’accès sans-fil à des ressources de calcul partagées mises à disposition d’applications IoT coopératives.
“Ce projet étudiera la création d’un paradigme de conception trans-services. Il vise à comprendre les compromis de performance que permettront des réseaux MUSE-WINET […] et à concevoir des algorithmes optimisés pour le traitement de signal, la gestion des ressources et la distribution des tâches de calcul.”
Qu’advient-il des projets non retenus?
Sans démériter (la note moyenne attribuée par les examinateurs internationaux a été de 93,2 points sur 100 – excusez du peu!), les projets non retenus risquent de passer à la trappe. Du moins dans leur forme actuelle. Dans la mesure où ils sont portés par des consortia composés de chercheurs appartenant à des universités flamandes, wallonnes et bruxelloises, toute démarche de demande de financement auprès de leur Communauté (ou Région) respective risque d’achopper sur une fin de non recevoir (you’re not from my backyard…). L’espoir est toutefois que les chercheurs trouvent ailleurs certains financements ou poursuivent le projet sous une forme modifiée ou réduite, Communauté par Communauté.
Un petit espoir de “repêchage” subsiste toutefois pour sept projets. Ce sont les sept projets qui se sont classés juste derrière les 38 sélectionnés. Ils constituent une sorte de réserve dans laquelle aller puiser au cas où l’un des consortia ou des projets retenus devaient déclarer forfait – pour une raison ou une autre.
Pour sa part, Willy Verstraete, président du FWO, tenait à faire passer le message suivant à l’attention de ces “recalés”: “ne vous découragez pas. Vos projets sont excellents. Poursuivez, améliorez encore le projet et retentez votre chance.” Mais cela ne sera possible, dans le cadre du programme EOS, que dans quatre ans. Sauf surprise…
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(1) Le programme EOS – Excellence for Science – a été imaginé suite à la 6ème réforme de l’Etat qui avait pour effet de transférer les budgets Recherche aux Régions et Communautés et de mettre ainsi potentiellement à mal les collaborations et les projets inter-communautaires. “Nous risquions ainsi de perdre le seul grand outil extra-communautaire avec la disparition des PAI [pôles d’attraction d’interuniversitaires]”, souligne Yvon Englert, président du FRS-FNRS. “Nous saluons dès lors la décision politique qui a été prise par les deux ministres concernés.”
EOS n’est pas une nouvelle mouture, sous un nouveau nom, des PAI dans la mesure où le mode de financement est différent: “Il s’agissait d’un financement des réseaux du temps des PAI. Avec EOS, il s’agit d’un financement de projets. Mais les vertus sont les mêmes…”
De part et d’autre de la frontière linguistique, les milieux scientifiques semblent en tout cas fermement décidés à poursuivre une collaboration permettant aux équipes de recherche et aux projets de peser plus lourd sur la scène internationale, aux consortia de recherche universitaire qui se forment ainsi de mieux se positionner pour d’éventuelles collaborations avec d’autres centres de recherche non-belges et de trouver des moyens de financement supplémentaires en dehors de nos frontières. [ Retour au texte ]
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