Pendant 3 ans, des “binômes” incubateurs-centres universitaires de 6 régions européennes (dont la Région wallonne, représentée par deux acteurs liégeois) plancheront de concert sur un projet européen Horizon 2020 d’innovation ouverte destiné à “créer de la valeur basée sur l’exploitation des données satellites et, plus généralement, des données géospatiales.” Plus de détails sur les participants et les objectifs du projet en fin d’article.
Nom du projet: FabSpace 2.0.
Initié l’année dernière, il démarre réellement chez nous en ce début d’année. Protagonistes? Le WSL, incubateur liégeois des sciences de l’ingénieur, et le CSL (Centre Spatial de Liège), centre de recherche spécialisé de l’ULg.
Le CSL est le coordinateur du projet à Liège. Son rôle consiste à “identifier, consolider, former et assurer la maintenance d’un pool de ressources techniques, constitué d’étudiants, de chercheurs, d’ingénieurs et d’utilisateurs extérieurs, et qui s’appuie sur l’ensemble des compétences académiques disponibles à l’ULg” (de multiples facultés et départements sont potentiellement concernés, comme on le verra plus bas).
Le WSL, lui, apporte ses compétences et son expérience en matière de fablab, de co-création, d’innovation ouverte, de living lab (pour rappel, il est à l’origine du living lab orienté e-santé WeLL). Il “a pour responsabilité d’animer la partie économique et valorisation du projet en identifiant des communautés d’utilisateurs potentiels (industries, associations, organisations de la société civile, etc.), en les sensibilisant aux technologies géo-spatiales et en faisant émerger des besoins non satisfaits qui pourraient être couverts par les développements technologiques du pool de ressources techniques.”
A ce titre, l’un des rôles du WSL sera d’organiser des séances d’information et de sensibilisation, des séminaires thématiques (imagerie satellite, géo-données ouvertes…), des événements (tels que des “science shops” ou des hackathons – un premier Startup Weekend, dédié au thème de l’espace, a déjà eu lieu l’année dernière). Il lui reviendra aussi de procurer des conseils et des services d’accompagnement pour transformer une idée ou un concept brut en service ou processus, industriel ou commercial.
Au rayon événements participatifs, notons qu’un appel à candidatures va bientôt s’ouvrir pour un concours d’idéation et d’innovation auquel participeront les 6 régions impliquées dans le projet. Les participants auront l’occasion de plancher sur un cas d’étude concret proposé par l’ONG CartONG, spécialisée dans l’exploitation des données satellitaires à des fins humanitaires (ses “clients” sont d’autres ONG). Exemple: mieux évaluer les volumes de population dans certaines zones reculées.
FabLab et living lab
A Liège, une structure est en voie de se mettre en place.
On y trouvera, outre les éléments purement techniques (serveurs, espaces de stockage, ordinateurs…), un espace fablab (idéation, prototypage) et un living lab, où des utilisateurs potentiels des applications et services imaginés sur base des données géospatiales pourront venir évaluer leur pertinence par rapport à leurs propres besoins et influer sur les pistes de développement.
Le double mécanisme mis en oeuvre ne se contentera pas d’idéation théorique. Le living lab est là pour raccrocher les scénarios au réel, avec des proof of concept (études de faisabilité économique), le développement de prototypes, le transfert des concepts vers des processus industriels et commerciaux implémentables sur le terrain. Le but est de faire plancher chercheurs, étudiants, mémorants et doctorants sur des cas et scénarios les plus concrets et/ou matérialisables possible.
“Aux acteurs de terrain, nous disons: si vous avez des idées qui ne sont pas encore confortées, venez les travailler ici. Cela permettra de les valider et de réduire, pour vous, les risques financiers d’un proof of concept”, souligne Herbert Hansen, chef de projet au WSL et directeur de l’ESA BIC. “Le FabSpace travaillera en mode maturation. Les idées seront soumises pour validation et test à des partenaires, à des chercheurs universitaires, à des étudiants..”
Herbert Hansen (WSL): “Aux acteurs de terrain, nous disons: si vous avez des idées qui ne sont pas encore confortées, venez les travailler ici. Cela permettra de les valider et de réduire, pour vous, les risques financiers d’un proof of concept”
Côté académique, l’espoir est notamment de sortir de leurs tiroirs poussiéreux ou de leurs archives oubliées, des travaux de mémorants et doctorants, piteusement abandonnés lors du départ de leur initiateur. “Il y a là une intense frustration dans les milieux académiques. Ce que nous leur disons, c’est signalez-nous ces travaux. Nous nous chargeons de retrouver l’auteur et de déterminer si l’idée à un potentiel futur. Nous resoumettrons l’idée à une communauté plus large qui déterminera s’il est possible de la récupérer, de l’élargir et de l’exploiter au profit de plusieurs disciplines travaillant en fertilisation croisée.”
De quelles données parle-t-on?
Le thème du projet est celui de l’exploitation, de l’utilisation efficace et innovante, des “géo-données”. Données géospatiales, données satellite, notamment, mais pas uniquement…
Tous les participants et partenaires des ateliers d’idéation, de prototypage, de développement, de validation et de transfert technologique auront accès à une multitude de données. Côté données satellitaires, citons le réseau de satellites européens (Sentinel 1, 2 & 3) ou américains (programme Landsat), les données Google Earth ou d’autres sources (des négociations sont en cours avec Airbus Défense pour un accès aux données et images haute résolution de ses satellites Pleiades).
Au-delà des sources spatiales, le but est de pouvoir accéder à une variété d’autres données: données de sol, de cadastre, statistiques…
Les utilisations et applications qui peuvent en découler sont aussi multiples que variées – et encore loin d’avoir été répertoriées de manière exhaustive.
Une collaboration sera également instaurée avec le projet de R&D EORegions! (Earth Observation Regions) mené dans le cadre du Pôle de compétitivité Skywin. Le consortium de recherche, piloté par Spacebel, inclut le Centre Spatial de Liège, l’Ecole Royale Militaire, I-Mage Consult et, côté infrastructure, NRB (responsable technique de la plate-forme Wallonia Big Data).
Objectifs d’EORegions!: assurer une surveillance dynamique du territoire, développer les services géospatiaux, valoriser les compétences des acteurs wallons dans le domaine géospatial ou encore favoriser la naissance de start-ups, spin-offs et PME.
Des liens et contacts seront également établis entre FabSpace 2.0 et Belspo, au niveau fédéral, et avec l’Agence Spatiale Européenne. Et ce, afin de pouvoir exploiter et croiser encore plus de données.
Une communauté à construire
En tant que l’un des piliers du “binôme”, l’université est tout naturellement le premier interlocuteur sollicité pour participer activement au projet.
Aux yeux de Christian Barbier, chef de projet au CSL et professeur en imagerie de la terre et télédétection à l’ULg, outre le fait de devoir encore convaincre certains professeurs réticents que l’“open innovation” présente des avantages par rapport à un travail in vitro, limité à leur seul laboratoire, “le plus grand défi sera celui du temps et des programmes”.
Il faudra en effet dégager du temps que les étudiants pourront consacrer aux projets FabSpace 2.0. Hormis ceux qui se porteraient volontaires pour une participation en marge de leurs heures de cursus, cela passera sans doute par une inclusion du FabSpace 2.0 dans les travaux de fin d’étude, mémoires, voire stages.
L’espoir est de voir un maximum de départements universitaires travailler sur des cas d’études, collaborer davantage entre eux et avec le monde extérieur.
Quels sont, potentiellement, ces départements, qu’ils soient localisés à Liège, à Arlon ou à Gembloux? Les départements de géographie (unités géomatique et climatologie), de géologie (géo-risques et environnement, pétrologie), de géomorphologie, de géomarketing, l’AGO (astrophysique, géophysique et océanographie), le département des sciences et gestion de l’environnement, ArGEnCo (Architecture, Géologie, Environnement & Constructions), l’Institut Montefiore, Gembloux Agro-Bio Tech (agriculture et milieu naturel, ressources forestières…), l’Aquapôle (centre interfacultaire de recherche & développement dans le domaine de l’eau)…
Christian Barbier (CSL): “Chaque équipe devrait au minimum inclure un mémorant et un doctorant. Les étudiants doivent être les moteurs des projets. Ils apportent une dimension what if. C’est ce qu’on attend d’un étudiant: du rêve, de l’audace…”
Parallèlement, la recherche de partenaires, de sociétés et organismes (para)publics pouvant proposer des idées, des use cases, des scénarios à valider… bat son plein.
“Des contacts ont d’ores et déjà été noués avec des acteurs tels que l’Aquapôle, l’AIVE (intercommunale Idelux), les Pompiers de Bruxelles, la Police fédérale, l’IBSR…”, souligne Herbert Hansen.
Deux premiers cas d’étude potentiels (mais encore à confirmer) ont été esquissés avec l’Aquapôle et l’AIVE. Pour la gestion des ressources en eau, pour le premier, pour la gestion des déchets, pour le second.
Pour l’heure, la plupart des contacts ont été établis avec des acteurs publics ou académiques. Le fait est que c’est sans doute là qu’il sera plus facile de trouver des acteurs prêts à jouer le jeu de l’open innovation (des règles claires devront évidemment être définies en matière de partage de propriété intellectuelle). Le privé, lui, n’est encore démarché que de manière ponctuelle, opportuniste. La résistance au modèle d’open innovation y sera sans doute plus grande, tant les acteurs sont peu enclins à partager leurs idées…
Pour eux, plus encore que pour les milieux académiques et publics, l’un des verrous à débloquer sera celui de la propriété intellectuelle. Le FabSpace, en tout cas, souligne clairement qu’il n’est pas question pour lui de “travailler gratuitement comme sous-traitant pour un quelconque acteur industriel. La règle de base est le partage des résultats.” Et donc, l’acceptation du principe de co-création et d’exposition des idées et de leurs aboutissements à la communauté. Au moins en partie…
Les participants au projet FabSpace 2.0
6 pays sont concernés: Belgique, France, Allemagne, Italie, Pologne, Grèce
Les participants
15 au total: les Business Incubation Centres de l’ESA (dont celui de Redu) et des centres universitaires dans chacun des pays – le CSL de l’ULg pour la Belgique ; le centre Paul Sabatier de Toulouse III pour la France ; l’institut de géodésie de la Technical University de Darmstadt en Allemagne ; l’ICCS de l’université technique nationale d’Athènes ; le laboratoire d’observation de la terre du département Ingénierie civile et Informatique de l’université Tor Vegata de Rome ; et le centre Opegieka (géomatique) à Elblag en Pologne.
Pilotes du projet: l’Université de Toulouse III et l’Aerospace Valley.
Partenaires associés: TerraNIS, société française qui pilote Eugenius (European Group of Enterprises for a Network of Information Using Space), IDGEO (formations continues en géomatique) et l’EBN (European Business Network),
Les objectifs
- créer au sein de l’université un espace libre d’accès pour les étudiants, chercheurs et utilisateurs extérieurs où ils peuvent utiliser les données, concevoir et tester leurs applications
- former les utilisateurs afin de renforcer leur aptitude à traiter des données et à développer de nouvelles applications
- mettre en relation étudiants, chercheurs, entrepreneurs, chefs de projet opérant au sein d’acteurs publics ou industries, des associations de la société civile et d’autres représentants des citoyens
- faire fusionner les besoins des utilisateurs et les attentes de l’industrie
- favoriser la co-création de nouvelles solutions innovantes
- apporter du support au développement commercial
- exploiter, supporter et diffuser le concept. [ Retour au texte ]
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