Quatre start-ups accompagnées par l’incubateur liégeois The Faktory ont l’occasion, cette semaine, de participer au CES (Consumer Electronics Show) de Las Vegas (5-8 janvier). Une édition 2017 d’autant plus spéciale que pas moins de 200.000 visiteurs sont attendus pour fêter le 50ème anniversaire de ce salon, placé plus que jamais sous le signe des “objets connectés”, de tous types, de tous poils et et de toute nature.
C’est la troisième fois que The Faktory emmène l’une ou l’autre de ses protégées à Las Vegas. Ce sera déjà la troisième participation pour Airbox Lab, auteur d’un dispositif de mesure de la qualité de l’air. Ce sera par contre une première pour 4 autres jeunes pousses incubées à Liège, à savoir: Riiot Labs, PiouPiou (précédemment AltoStratus), Kanopy25, P-Heal (nouveau nom de Smartpill).
Ces 4 sociétés auront chacune droit à un stand. A un endroit qui n’a rien d’anodin ou de discret puisque l’équipe de The Faktory a réussi – même si “ce sont les organisateurs du CES qui décident en dernier ressort” – à les placer juste à côté du stand-phare de la French Tech. Ils auraient pu moins bien tomber…
Les 4 protégées de The Faktory au CES
Riiot Labs: créateur du “Blue”, un analyseur “intelligent” de la qualité d’eau des piscines qui communique via Bluetooth ou Sigfox vers une appli mobile et (version pour professionnels) vers un portail Web. Plus de détails dans la suite de cet article.
P-Heal (nouveau nom de Smartpill). L’objet connecté développé est un pilulier simplifié qui sert de pense-bête intelligent. Destiné notamment à des patients souffrant de pathologies potentiellement lourdes (telles qu’un cancer) nécessitant une prise de médicaments à intervalles strictement respectés, le pilulier est doté d’un capteur qui s’entêtera à générer des rappels (visuels ou par SMS) tant que le médicament n’aura pas été sorti de la boîte. Le signal étant… l’allègement du poids de l’objet de la quantité prescrite.
PiouPiou (précédemment AltoStratus), start-up française incubée à Liège, auteur d’un anémomètre connecté, communiquant via Sigfox et GPRS. Autre particularité: un fonctionnement autonome grâce à un dispositif de récupération de l’énergie solaire. Cette “mini-station météo” est proposée à la vente en mode location (25 euros par mois) et se destine notamment aux inconditionnels des sports de voile (sur eau ou dans les airs)
Kanopy25: créateur d’un dispositif de suivi de l’arrosage de plantes d’ornement. Le système, basé sur capteurs, opère en fonction du poids de la plante, afin de moduler correctement l’arrosage dans le temps, avec connexion vers une appli mobile pour renseigner le propriétaire sur l’état de sa verdure.
Qu’attendre du CES?
L’investissement que concède le petit peloton The Faktory en participant au CES a pour but d’offrir aux jeunes pousses une visibilité qu’elles trouveraient difficilement ailleurs. “Le CES est l’endroit où il faut être pour ce type de produits”, souligne Simon Alexandre, directeur de l’incubateur. “Il y a là une concentration énorme de distributeurs, de partenaires potentiels mais aussi de concurrents. C’est important pour nos start-ups parce que toutes vont vendre aux Etats-Unis dès cette année ou l’année prochaine.
De nos participations antérieures, avec Airbox Lab à deux reprises et avec Fleye en 2016, nous avons pu constater combien les journalistes internationaux y sont présents, afin de découvrir quelles start-ups pourraient émerger, et combien c’est un endroit qui permet de repérer, en l’espace de quelques jours, les grandes tendances, de réactualiser son petit tour du marché…”
Consécration pour Riiot?
Si PiouPiou, Kanopy25 et P-Heal n’ont pas encore réellement entamé la phase de commercialisation de leur produit (c’est pour cette année), Riiot Labs, elle, a pris une petite longueur d’avance puisque son dispositif connecté est commercialisé depuis la mi-novembre 2016 et qu’une commande de 3.000 exemplaires a déjà été passée auprès de l’usine.
Société créée en juillet 2015 par Julien Delarbre et Benjamin Stevens, Riiot Labs a imaginé le “Blue”. Cet objet connecté, qui se présente sous la forme d’un petit flotteur de 25 cm de haut, est un analyseur “intelligent” d’eau de piscine. Via les divers capteurs intégrés, il mesure en continu une quantité de paramètres – température de l’eau, pH, salinité (taux de sels minéraux), taux de chlore -, non seulement pour garantir un confort optimal et une expérience sans risque pour le baigneur mais aussi un fonctionnement optimal des équipements. S’y ajoutent un certain nombre de données météo collectées “indirectement” (température de l’air, vitesse du vent, indice UV).
Toutes ces données servent à générer un “profil” de la piscine et sont relayées vers une appli smartphone via connexion Bluetooth ou Sigfox (communications cellulaires basse consommation basées sur la technologie UNB-Ultra Narrow Band). Le Blue émet des alertes en cas d’anomalies ou de dépassement de normes: dépôt de calcaire, apparition de corrosion…
Le support simultané de Bluetooth et de Sigfox est, selon Benjamin Stevens, un atout face à la concurrence, “qui, souvent, se concentre sur un seul protocole”.
Petite parenthèse concernant le choix de la technologie Sigfox. Les initiateurs de Riiot Labs disent l’avoir choisie voici deux ans (lors de la création de la société) parce qu’à l’époque, l’autre solution de communications bas débit – LoRa – “n’existait quasiment pas. Par contre, Sigfox offrait de belles perspectives dans notre secteur puisqu’il jouit d’une bonne pénétration en France et en Espagne, deux pays qui représentent quelque 50% du parc de piscines européen.”
Déjà récompensé à la Foire de Pairs et au salon Piscine Global Europe (Lyon, novembre 2016), le Blue s’en reviendra du CES avec une nouvelle décoration accrochée au bastingage puisque le petit dispositif liégeois recevra cette semaine une “CES Innovation Award” dans la catégorie “maison connectée”.
Le premier terrain de jeu de Riiot Labs sera l’Europe, avec donc comme premiers gros marchés-cible, la France et l’Espagne.
Le marché sera prioritairement et majoritairement celui des particuliers, “le secteur des piscines publiques étant très réglementé, ces sites sont généralement déjà équipés en systèmes d’automatisation du traitement de l’eau”, souligne Simon Alexandre. Ce qui n’empêche pas Riiot Labs de le démarcher et d’y attirer l’attention. “Certains gestionnaires publics voient le Blue comme une sorte de dispositif simple, un peu en style ‘mouchard’, apte à leur procurer une vision globale, simple et temps réel, de l’ensemble de leur parc.”
Mais, outre le marché européen, Riiot Labs voit déjà plus loin, plus grand. Une nouvelle version du Blue, adaptée aux fréquences et technologies utilisées localement, est en cours de développement et sera destinée aux Etats-Unis et à l’Australie.
Jouer la carte du partenariat
Prochaine étape pour la start-up: extension géographique et contrats commerciaux.
Côté produits, le Blue s’enrichira de nouvelles versions pouvant assurer une connectivité sans-fil quels que soient les protocoles privilégiés dans telle ou telle géographie. Une étude d’opportunité a été lancée pour un support LoRa, par exemple, mais aussi pour l’offre d’une passerelle Wi-Fi. “Nous réfléchissons à diverses variantes possibles, à d’autres protocoles – notamment LoRa – afin de nous rattacher à ce qui est disponible sur les divers marchés.”
D’autres supports et fonctionnalités pourraient lui être adjoints afin que le dispositif puisse interagir et communiquer avec divers équipements de traitement de l’eau, ceux des locaux techniques, avec des solutions logicielles et tableaux de bord existants…
De g. à dr., Jérôme Vanhoof, Benjamin Stévens, Julien Delarbre, Bernard Vonèche: “Nous estimons avoir de 6 à 12 mois d’avance”.
Compte tenu de ses deux types de publics (particuliers et professionnels), le dispositif communique soit avec une appli mobile qui permet un suivi et une analyse rapide de la qualité de l’eau, soit avec une plate-forme (un portail Web) permettant aux piscinistes d’analyser les données en détails, les tendances, et de gérer l’ensemble du parc de leurs piscines (tendances, maintenance, actions préventives…).
Autre développement en cours: celui des algorithmes prédictifs. Pour e faire, l’équipe de Riiot Labs peut compter sur celle de Data Fellas (rebaptisé Kensu), spécialiste du big data qui, lui aussi, est accompagné par The Faktory.
Et la start-up liégeoise envisage déjà de viser des marchés présentant certaines similitudes avec celui des piscines. A savoir ceux des spas (petites piscines et bassins intérieurs) et des étangs (pour la surveillance de la vie aquatique). De nouveaux développements seront alors nécessaires pour adapter le produit à ces contextes particuliers. “Il faudra prendre de nouveaux paramètres en compte”, explique Benjamin Stevens. “Cela aura un impact sur les algorithmes, sur le type de notifications et d’alertes qu’il faudra générer en fonction de volumes d’eau, de seuils d’alerte plus spécifiques.”
Côté commercialisation, Riiot Labs mise sur un modèle commercial basé sur l’alliance plutôt que la confrontation avec les professionnels du secteurs (les piscinistes, par exemple, serviront systématiquement de relais pour la livraison aux particuliers) et les grandes chaînes commerciales. Des contacts et négociations ont donc été entamés avec des pisciniers, des distributeurs mais aussi de grandes chaînes de magasin, avec lesquelles un accord pourrait être passé pour “customiser” le Blue (messages et notifications personnalisés en fonction de leurs produits, intégration avec leurs logiciels et solution de supervision de type tableaux de bord…).
Riiot veut aller vite, le plus vite possible, pour mettre le pied sur le marché et séduire les professionnels. En effet, la vogue des objets connectés gagne aussi le monde de la piscine. “Nous avons identifié en particulier un concurrent américain et trois français mais ils en sont encore au stade de la R&D ou de la pré-industrialisation.” Riiot, elle, entame sa phase de production en série. “Nous estimons avoir de 6 à 12 mois d’avance”.
Si la R&D et le design, la conception des algorithmes et logiciels se font en Belgique, la production, elle, sera chinoise. Jusqu’à la fin de l’année dernière, la phase finale d’assemblage était encore assurée à Liège. Désormais, à l’aube de la production en série (Riiot parle de 5 à 10.000 dispositifs trouvant potentiellement preneurs dès cette année), la totalité de la production se passera en Chine, du côté de Shenzhen et de Hong Kong.
Pour “stabiliser la phase d’industrialisation”, la jeune pousse liégeoise s’est trouvée un partenaire français (TXCube), coutumier de ces contrées, qui se charge de jouer les relais, dénicheurs et interfaces avec les sous-traitants chinois (fabrication, packaging, assemblage).
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