14 ans après son entrée en vigueur, le décret wallon “e-business” qui définissait le cadre des aides financières octroyées aux entreprises se lançant dans l’implémentation de sites e-business et de certaines solutions IT disparaîtra ce 31 décembre.
Depuis de longs mois, les primes e-business et les aides Rentic (intervention régionale dans le financement des missions de consultants agréés, baptisés Rentic – responsables intégration e-business et ICT) connaissaient quelques “soucis”. Ralentissement sensible du traitement des dossiers introduits, recherche de nouveaux budgets, flou intégral dans lequel les consultants disaient être plongés… Les inquiétudes des consultants agréés par la Région se sont muées en critiques ouvertes, voire en grogne déclarée. Voir notre autre article : “Grogne du côté des consultants IT wallons agréés”.
Le nouveau décret se fera encore attendre 3 mois et la définition de certaines règles et modalités est d’ailleurs toujours en cours mais son arrivée est bien confirmée. Il a été voté en commission plénière et devrait revenir sur la table du gouvernement la semaine prochaine.
Les instances publiques lèvent en tout cas un coin du voile. Quant à savoir si ce que l’on sait déjà du futur cadre – et que nous vous exposons ci-dessous – suffira à apaiser les consultants Rentic, il faudra sans doute attendre que tous les détails aient été définis et aient été “testés” sur le terrain.
Leur inquiétude (voire plus) ne disparaîtra peut-être pas toute de suite, d’autant que leur statut et/ou leur labellisation traversera une période de transition d’un an. Cela aussi nous vous l’expliquons ci-dessous.
Nouveau décret
Petit retour en arrière, pour commencer, sur le décret actuel – supprimé au 31 décembre. Le régime d’aides prévoyait:
- une prime pour la création d’un site e-business – cette prime et sa finalité passent à la trappe
- une prime Rentic pour les entreprises – l’aide est réaménagée en profondeur
- un agrément de gestionnaires de projets e-business – cet agrément change également de nature.
Les primes Rentic avaient été imaginées afin d’“inciter les entreprises à utiliser les nouvelles technologies ICT”, en octroyant une prime aux PME wallonnes qui font appel à un consultant (labellisé par la Région wallonne) afin de les aider à “étudier, conseiller ou assurer la gestion, le suivi ou la mise en place de projets e-business qui contribueront à optimiser le fonctionnement, les investissements, la gestion… de la société.”
Allant au-delà de seules compétences en création de sites e-business, les profils affichés par les consultants Rentic agréés révèlent actuellement une capacité à intervenir sur un vaste catalogue de besoins: ERP, e-marketing, SEO, analyse fonctionnelle, réseaux, réseaux sociaux, user experience, sécurité, modélisation de données, gestion de projet…
Des chèques thématiques
Les primes e-business et Rentic sont remplacées par des chèques “transformation numérique”. Le régime des aides wallonnes adopte en effet ce modèle du “chèque” qui induit un changement sensible de procédure de financement.
Ces chèques seront destinés à soutenir tout type d’entreprise et ce, dans ses divers phases d’existence. C’est-à-dire?
“Tout type d’entreprise”. Lisez: depuis la start-up jusqu’à la société en “trajectoire de croissance” ou en phase de transmission – selon une gradation dans les taux d’intervention de la part de la Région. Selon que la société soit une start-up (moins de 5 ans d’existence), une TPE (moins de 10 personnes), une PME et/ou une société en croissance, “un taux de base sera assuré pour tout le monde” et l’aide pourra aller, selon la catégorie, jusqu’à 75 ou 80% (dernier chiffre qui nous a été donné). Un plafond valable pour tout type de chèque – à l’exclusion toutefois de ceux qui relèvent d’un régime européen (chèques technologique, chèques propriété intellectuelle).
Pour ce qui est des phases de vie d’une entreprise, les chèques sont appelés à soutenir l’innovation, la transformation numérique, l’internationalisation, la transmission.
Que recouvre l’appellation “transformation numérique”?
S’il est une appellation qui recouvre un peu tout, c’est bien celle de “transformation numérique”. Ce vicable peut en effet désigner tout aussi bien un processus d’automatisation de processus, de dématérialisation totale que… le recours aux réseaux sociaux.
Il ne faut donc pas évidemment s’attendre à ce que les chèques Transformation numérique servent à tout. La Wallonie, c’est pas Byzance…
Quels types de scénarios auront donc droit à des chèques? Là, les choses sont loin d’être encore définies mais elles devraient l’être d’ici le 15 janvier. C’est en tout cas la date-butoir qui a été donnée à l’AdN (Agence du Numérique) pour “affiner” le concept, élaborer un listing et définir les priorités.
Les scénarios précis d’intervention sur base de “chèques Transformation numérique” seront définis d’ici le 15 janvier 2017.
Plusieurs sous-thèmes sont toutefois d’ores et déjà acquis. Il y a aura par exemple des chèques “sous-titrés” cyber-sécurité (c’est l’une des priorités définies dans le cadre du Plan du Numérique) et des chèques pour la phase d’audit de maturité numérique. Des chèques aussi s’adressant plus spécifiquement aux besoins des start-ups (incubation…).
Les chèques, en fait, couvriront trois types d’intervention de la part de consultants et prestataires: de la consultance pure – par exemple pour l’audit de maturité numérique -, de l’assistance à la planification de la transformation numérique, de l’accompagnement à la mise en oeuvre, et des formations (qui peuvent relever du point précédent).
“Maturité numérique”. Kesako.
Chaque société pourra désormais évaluer son degré de “maturité” numérique, tant via un outil d’autodiagnostic qu’en faisant appel à un prestataire pouvant réaliser ce type d’“audit”.
L’analyse se fait selon 4 axes définis par l’AdN: numérisation de l’infrastructure, de l’organisation du travail, des flux d’informations et des processus de travail, et des activités de ventes et de services à la clientèle.
A noter que le “Guide d’auto-diagnostic” sera décliné par secteur. Cinq secteurs prioritaires ont d’ores et déjà été identifiés: commerce de détail, industrie 4.0, construction et agro-alimentaire. D’autres viendront s’y ajouter.
Une plate-forme pour accélérer le mouvement
Le nouveau régime d’aides a été imaginé pour — en principe — accélérer le processus d’initiation des projets numériques pour les entreprises. En ce compris, en facilitant le volet financement. Plus de prime à demander et à recevoir parfois bien longtemps après le dépôt du dossier, alors que la société a déjà engagé des frais.
La Région promet que les sommes seront débloquées rapidement. La recevabilité du dossier sera étudiée dans un délai maximum de 5 jours – au lieu de… 100 tel que le prévoit (sans toujours le respecter) le dispositif actuel. En cas d’acceptation, le chèque sera émis. La société aura alors 30 jours pour verser sa quote-part au gestionnaire des chèques (une société “de type Sodexo”, devant encore être désignée). Sans quoi, son dossier ne sera pas validé.
Une fois ce paiement effectué, le chèque lui est attribué et elle peut le présenter à son prestataire ou consultant pour démarrage de la mission.
Cinq jours pour décider de la recevabilité d’un dossier. C’est court, voire très court, surtout s’il y a afflux de candidatures. “La DG06 [qui pilotera la majorité des aides] s’est engagée à les traiter dans les temps”, affirme-t-on au cabinet Marcourt. Mais les équipes de la DG06 ne seront pas les seules à entrer en action…
Pour accélérer la phase de réception et d’analyse préliminaire des dossiers introduits, une plate-forme électronique sera en effet le premier point de contact. Elle entrera en action au printemps (mars? avril?). C’est en-ligne, en effet, que les dépôts de dossiers devront se faire. Et l’application bloquera tout dossier qui ne comporte pas toutes les pièces et les explications (raisons du dépôt, finalité du projet) nécessaires.
Qui, en “coulisses”, derrière cette première étape de la plate-forme électronique, est responsable de l’analyse et de l’acceptation des dossiers? Pour la plupart des scénarios et types de chèques, ce sera la DG06. L’Awex, elle, continuera d’être en charge des dossiers estampillés Internationalisation (ce qui n’inclut pas le financement de missions à l’étranger).
Des garde-fou?
Le délai de 5 jours est par ailleurs rendu possible parce qu’il n’y aura plus, contrairement à ce qui est actuellement en vigueur, d’analyse préliminaire détaillée du dossier. “On fonctionnera plutôt sur le principe de confiance, avec des contrôles a posteriori.” Des contrôles qui seront, dit-on, effectués de manière “aléatoire”, avec analyse d’échantillons de dossiers. Toujours “pour fluidifier le processus”. Ou, autre manière de voir les choses, pour ne pas engorger les équipes. Mieux vaudrait affecter les moyens humains à l’accompagnement…
Cela soulève néanmoins des interrogations. L’un des objectifs du nouveau décret – c’est en tout cas un argument souvent entendu par le passé – est d’annuler l’effet d’aubaine qu’a pu susciter l’ancien régime d’aides e-business/Rentic. Voir notre autre article.
En quoi le principe de confiance pourrait-il éviter les dérapages, abus et “petits malins”? Au cabinet Marcourt, on évoque un certain nombre de balises et moyens imaginés pour piéger les tentatives. Exemples? La nécessité de choisir clairement le type de prestation désirée. La “responsabilisation” du prestataire (les Rentic apprécieront…). “A lui de vérifier, en amont, si ce que contient le dossier correspond au cadre d’aides.”
“Deuxième ligne de contrôle, l’Administration qui vérifie les dossiers”. Mais en 5 jours, hors contrôles “aléatoires” ultérieurs. Ces contrôles a posteriori sont assimilés à une 3ème ligne de défense. Avec des sanctions à la clé en cas de fraude ou de manquement. Exemple: exclusion du prestataire de la liste des consultants agréés et exclusion de l’entreprise qui ne pourrait donc plus faire appel à ce genre d’aides.
Budget
Pour ce nouveau régime d’aides, un budget de quelque 20 millions d’euros (attention, tous types de chèques confondus) aurait été prévu. Environ 5 millions viennent de fonds européens (Feder). Si besoin est, une réallocation de moyens pourrait intervenir en cours d’année. Mais à confirmer en fonction des situations, du volume de demandes et… des moyens de la Région.
Le montant des aides est plafonné par entreprise: 200.000 euros sur 3 ans, et maximum 100.000 euros par an. Un plafond qui est plutôt confortable: “nous n’avons pas voulu freiner les entreprises qui veulent croître”, dit-on au cabinet Marcourt.
Statut des Rentic
Que deviendront les consultants Rentic, leur statut, les conditions d’accession à l’agrément de la Région leur permettant de bénéficier du système des chèques transformation numérique (ou autres)?
2017, déclare-t-on au cabinet du Ministre Jean-Claude Marcourt, sera une année de transition. Non pas pour faire ce que certains redoutent: un tri ou un nettoyage par le fond, en mode kärcher… Mais, promet-on, pour “harmoniser” statuts et compétences, les aligner sur les divers volets thématiques couverts par la notion de “transformation numérique”.
“L’octroi d’un label s’appuiera désormais sur des critères de qualité et d’expertise (type de matière ou de métier).”
Il n’y aura donc pas de “big bang”. “Tous les consultants Rentic actuellement répertoriés seront repris comme tels dans le nouveau régime, dès janvier”. Mais il y aura bien une certaine forme de réévaluation de leur pedigree puisque ceux qui auraient le malheur d’être uniquement étiquetés “expert e-business” ne rentreront plus dans le cadre nouveau. A eux donc d’évoluer, de diversifier ou de renouveler leurs compétences et positionnement.
“L’octroi d’un label de consultant agréé s’appuiera désormais sur des critères de qualité et d’expertise (type de matière ou de métier).”
Avertis de l’arrivée du principe des “chèques”, certains Rentic se plaignent de l’impact sur leur rentabilité ou stabilité financière. En effet, ils ne pourront faire valoir ces chèques qu’une fois leur mission bouclée. Une mission qui, pour certaines, pourra s’étaler sur plusieurs mois, voire trimestres, notamment si elle relève de l’accompagnement à la transformation numérique…
A la Région, on répond que ce principe de rémunération à fin de mission n’a rien d’exceptionnel et que si difficultés de trésorerie il peut éventuellement y avoir pour certains, le cap le plus difficile sera sans doute la première année.
Par ailleurs, les conditions attachées à l’octroi des chèques balisent, dans certains cas, la durée maximale de la mission. Pour un chèque cybersécurité, par exemple, la mission ne pourra excéder 6 mois…
Le sort de l’arriéré
Ce n’est pas la première fois que le traitement des dossiers de demande de primes e-business et/ou Rentic connaît un “certain” ralentissement (pour cause, notamment, de budget à réajuster) mais ces derniers mois, voire trimestres, le phénomène fut plus sensible que jamais.
Et la perspective annoncée d’un changement de régime d’aides n’a évidemment pas aidé à rassurer tous ceux, parmi les sociétés et les consultants qui avaient déposé des dossiers, qui étaient tenus dans une expectative totale.
C’est d’ailleurs là l’une des critiques les plus vives qui émane des rangs des consultants Rentic: un manque de transparence, des demandes d’informations qui restent sans réponse – quel que soit l’interlocuteur sollicité -, un flou total sur le sort réservé à leur statut et à leurs conditions d’intervention…
La machine, dit-on du côté du cabinet du Ministre Marcourt, est en passe d’être dégrippée. Un ajustement budgétaire a été effectué courant novembre pour dégager de nouveaux moyens afin de débloquer la situation.
Une centaine de dossiers ont été signés (avalisés par l’Administration et signés par le ministre) depuis le début du mois de décembre. “Un certain nombre”, validés, sont prêts à être signés.
Les dossiers qui seraient encore introduits avant la fin de l’année, afin de bénéficier des conditions actuelles (qui seront honorées, assure-t-on), seront traités selon les règles actuellement en vigueur et recevront la signature du Ministre. S’ils sont, bien entendu, considérés conformes au cadre actuel.
Or, on sait que plusieurs consultants Rentic ont bel et bien envoyé un message à leurs clients, leur conseillant d’introduire le plus possible leurs dossiers avant fin décembre. Cette démarche peut paraître étonnante (recommander un dernier sprint alors que les dossiers plus anciens étaient encore considérés comme gelés !) tient au fait qu’en l’absence d’informations claires, les Rentic étaient inquiets de la tournure que prendraient les événements.
Quoi qu’il en soit, le message qui leur est aujourd’hui adressé par les instances publiques est que le traitement de ces dossiers de dernière minute sera effectué entre le 1er janvier et le 28 février. Toutes les décisions seront donc prises (et communiquées?) avant cette date butoir, veille de l’entrée en vigueur du nouveau décret.
Découvrez-nous sur Facebook
Suivez-nous sur Twitter
Retrouvez-nous sur LinkedIn
Régional-IT est affilié au portail d’infos Tribu Médias.