Les chiffres sont jugés encourageants, voire inespérés par rapport aux évaluations, certes prudentes, que ceux qui ont contribué à lancer le fonds wallon du numérique W.IN.G avaient formulées au départ.
Le bilan, après six mois d’activités? Nous alignons les chiffres dans l’encadré ci-dessous. Mais quelles leçons, voire conclusions, en tirer?
3,505 millions, tant sous forme de prêt convertible que de mise de fonds en capital. Pas mal. “Une bonne surprise”, ose Pierre Rion, président du comité d’investissement. “Nous étions partis sur une estimation initiale de 10 à 20 projets sur un an. En 6 mois, nous en sommes à 28.”
205 dossiers rentrés dont quelque 170 déjà évalués
28 dossiers approuvés, dont 13 ont passé le cap de la signature de convention et de la mise à disposition des fonds
30 dossiers encore à l’étude
Total investi: 3,505 millions d’euros
Répartition quasi égale entre prêts convertibles (1,8 million – 18 projets) et capital (1,705 million – 11 projets)
Répartition géographique:
- Brabant wallon: 28%
- province de Liège: 21%
- Hainaut: 17%
- hors Wallonie: un peu plus de 20%, “majoritairement des porteurs de projet venant de Bruxelles, avec quelques dossiers venus de Flandre et de France” (la condition étant, bien entendu, que ces start-ups établissent un “siège d’exploitation significatif en Wallonie.”
Liste (alphabétique) des 13 projets/start-up qui ont déjà été financés: BeautyDash, clicpublic.be, ClubAll, Creo2, e-Peas, Funeral Manager, KeyBate, ListMinute, Look, Mozzeno, Neveo, Osimis, Stay Clothes.
Pas mal donc mais pas de nature à exploser le budget libéré par le gouvernement wallon qui est, rappelons-le, de 50 millions sur une période de 5 ans, auxquels viennent encore s’ajouter les 10 millions prévus par Belfius.
Il y a donc encore place pour davantage de projets, voire – ce qui pourrait doper le compteur – des interventions lors de phases d’investissement ultérieures pour les start-ups épaulées.
De quel type de projets parle-t-on?
Sous l’angle des secteurs d’activités et/ou technologies concernées, on relève une bonne proportion de solutions grand public, plus ou moins low tech.
- réseaux sociaux: 8 sur 28 (une catégorie dans laquelle sont versées des projets tels que Look et Keybate)
- logiciels de gestion: 6
- économie du partage/collaborative: 4
- fintech, Internet des Objets, services grand public, marketing Web, (e-)santé: 2 chacun
Ce qui mène tout droit à un regret dans la bouche des pilotes de W.IN.G – Pierre Rion et Olivier Vanderijst (SRIW) en tête: il n’y a pas assez de projets essentiellement ou purement technologiques [Ndlr: e-Peas fait un peu figure d’exception]. Pas ou peu de big data à l’horizon, si ce n’est quelques effluves du côté de Mozzeno.
Ce déficit en projets technologiques – financés – s’explique en partie par “la difficulté qu’ont nombre de porteurs de projets dans le secteur de l’éducation ou de la technologie à identifier leurs clients”, estime Pierre Rion. Rédhibitoire lors de la sélection…
Taux d’acceptation: 16%
28 dossiers approuvés sur 170 étudiés à ce jour, soit un taux d’acceptation légèrement supérieur à 16%.
“C’est énorme, du moins si l’on compare avec la moyenne (1%) enregistrée du côté de la majorité des fonds privés et capital-risqueurs.”
Plus laxiste, moins regardant, le W.IN.G?
Pierre Rion s’en défend en soulignant que c’est de l’argent public qu’on ne dilapide pas impunément et en soulignant que les procédures et critères de sélection appliqués répondent à des règles classiques (cf. ci-dessous).
Mais il n’en reste pas moins que du 16% peut faire lever quelques sourcils. “Le fait est que la consigne [venue de l’autorité publique] est prioritairement de faire naître un écosystème numérique. Cela nous rend sans doute plus tolérant et nous pousse à prendre peut-être plus de risques.”
Autre objectif: veiller à l’équilibre du fonds “même si tous les projets, forcément, ne seront pas des succès.” Et d’ajouter: “le vrai succès, mais c’est une considération purement personnelle, sera de ne plus avoir besoin du fonds W.IN.G. Ce sera alors le signe que le privé aura pris le relais…”
Pierre Rion: “le vrai succès sera de ne plus avoir besoin du fonds W.IN.G. Ce sera alors le signe que le privé aura pris le relais…”
Au rayon critères et rigueur de sélection des projets, le comité d’investissement de W.IN.G dit évaluer notamment des paramètres et balises tels que la traction client, l’insertion dans l’écosystème, “l’existence, au minimum, d’une version bêta ou de démo pour les demandes supérieures à 250.000 euros”. Sans oublier la démonstration qu’avec l’argent qu’elles espèrent lever, les start-up “sont capables de franchir un cap, d’attirer d’autres investisseurs”, insiste Olivier Vanderijst. “Si, avec l’argent espéré, elles doivent en rester dans la même situation, incapables d’attirer au tour suivant les fonds dont elles auront besoin, cela ne sert à rien de libérer ce premier pan.”
Grandir mais, surtout, servir à l’écosystème local
Dans quelle mesure le potentiel “scale-up” figure-t-il parmi les critères de décision?
Si, dans les premiers temps, la possibilité de voir la start-up se transformer en société survitaminée avec une portée internationale avait paru devoir être l’un des prismes de décision, ce n’est plus forcément le cas aujourd’hui. Comme nous l’expliquait déjà Pierre Rion en mai dernier (relire ici), “certains projets qui nous arrivent sont intéressants mais présentent une envergure plus modeste, liée au marché belge. Au vu du contenu, le comité s’est rendu compte qu’il serait déjà très heureux d’aider des porteurs de projets pouvant donner naissance à une société, même si elle ne doit compter que 5 personnes…”
Le raisonnement, aujourd’hui, est le suivant: il s’agit avant tout de susciter et de bâtir un écosystème. Même sans perspectives d’internationalisation, les start-up contribuent à le renforcer, à générer une masse critique d’activités et, dès lors, de faire naître un besoin conséquent en compétences “même annexes” – avocats, conseillers, chasseurs de têtes, comptables… -spécialisées en besoins start-up. “Cela suscite la naissance d’une expertise en accompagnement qui apporte de la plus-value.” Avec des activités et des emplois à la clé. “Ces compétences peuvent contribuer à améliorer la compétitivité de notre tissu entrepreneurial.”
Voilà pourquoi, on troue dans l’escarcelle de W.IN.G aussi bien des sociétés qui sont de potentielles pépites et stars du marché comme e-Peas (LIEN) et des sociétés qui, de par leur ciblage métier, demeureront modestes et/ou continueront sans doute de concerner essentiellement le marché local. Exemple: Funeral Manager avec son ERP pour entreprises de pompes funèbres. “On les voit mal partir à l’assaut du marché américain.”
Ou encore ClicPublic, auteur d’une marketplace de vente aux enchères de biens provenant de faillites ou d’opérations de déstockage. Les vendeurs de biens qui peuvent passer par elle sont locaux (du moins dans l’état actuel des choses). Mais l’international n’est pas absent de son scénario puisque les acheteurs potentiels viennent des quatre coins de la planète (162 nationalités ont ainsi déjà consulté les ventes proposées).
Les bonnes résolutions
Lors du lancement du fonds, une série de partenariats avaient été annoncés avec des acteurs qui se sont engagés à procurer services et accompagnement aux sociétés financées. Parmi eux: le Réseau Entreprendre Wallonie, le MIC, Belfius Insurance, BDO et Deloitte (pour le conseil stratégique), Universem (référencement, marketing Web), LeanSquare.
Si la coopération avec LeanSquare a été engagée – et même renforcée à l’occasion d’une récente augmentation de capital de l’accélérateur liégeois à laquelle W.IN.G a contribué à hauteur de 200.000 euros -, les choses sont restées jusqu’ici lettre morte vis-à-vis des autres. “Essentiellement pour des raisons d’agenda chargé du côté du fonds”, affirme Olivier Vanderijst, président du conseil d’administration de la SRIW. “Nous voulions aussi avoir un “volume” suffisant de start-up pour organiser une rencontre, de manière rigoureuse, où chacun exposera la nature des services proposés.”
Cette réunion est désormais planifiée pour octobre.
Autre intention: accentuer encore l’accompagnement (conseil) des start-up, via renvoi vers des acteurs de l’écosystème local, conseils de la part des membres du comité d’investissement, recherche de professionnels prêts à entrer, en tant qu’indépendants, au conseil d’administration des jeunes pousses.
A plus long terme, le fonds W.IN.G dit également vouloir nouer des collaborations avec des capital-risqueurs afin que les porteurs de projet puissent lancer des tours de table ultérieurs plus copieux.
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