R/O. Prononcez hé-ro (ou, avec beaucoup de bonne volonté, /ˈhɪər·oʊ/ en anglais).
Le projet se lance donc sous un patronyme plus ‘hip’ que le nom sous lequel il avait transpiré ces derniers temps (à savoir: Belgian Heroes). Ce nom d’ailleurs n’est pas abandonné puisqu’il sera celui de l’un des trois volets du projet. Nous y reviendrons mais commençons par le début…
Affranchir la BéDé de ses cases et la propulser dans l’ère du numérique et du transmédia, faire émerger des successeurs au moins aussi glorieux et universels que les papas de Spirou, Gaston, des Schtroumpfs, du Marsupilami… Donner à ces (futurs) créateurs tous les outils nécessaires pour créer et s’imposer dans un monde qui ne se limite plus – et de loin – au papier-crayon. Tel est l’objectif de R/O, un projet public-privé qui se décline en trois volets.
Son socle de départ: l’héritage, les compétences et les ambitions locales dans le domaine de la bande dessinée, le tout replacé dans le contexte moderne du transmédia.
Cette “dimension” transmédia déborde de plus en plus de la notion de “multimédia” telle qu’on la connaissait jusqu’à présent (planche BD sur papier, animation, CD/DVD…). Désormais, il faudra également y inclure, dès le stade de la création, tout ce que le numérique, l’interactivité, la réalité virtuelle et/ou augmentée, ou encore la production d’objets 3D (éventuellement connectés), peuvent générer comme “expérience” pour le lecteur/internaute/destinataire final.
Restaurer un statut mis à mal
Les auteurs et éditeurs de BD francophones, en particulier les héritiers de l’“école de Marcinelle” sont aujourd’hui confrontés à des concurrents internationaux qui viennent battre en brèche leurs métiers et leur ancienne suprématie, déclarait en substance François Pernot, patron du pôle Images de Media-Participations, maison-mère des Editions Dupuis, Dargaud et Lombard, l’un des initiateurs du projet (voir plus bas).
“Les deux autres écoles que compte la BD dans le monde, l’américaine et la japonaise, disposent en effet de moyens incommensurables qui envahissent le marché et s’approprient nos jeunes lecteurs.” En plus de cet effet de mondialisation, celui de la numérisation bouscule la manière dont les jeunes (ou moins jeunes) générations consomment les contenus. BD comprises. “Il y avait donc de nombreuses raisons de réagir. Il fallait donner aux auteurs de nouveaux outils afin qu’ils puissent créer, demain, des contenus, des personnages, aptes à peupler tous les médias, actuels et futurs. Les responsables de la Région wallonne nous ont entendus…”, se réjouit François Pernot.
Trois axes d’activités
Basé à Marcinelle, sur le site de Dupuis/DreamWall, R/O agira selon trois axes.
R/O s’installera sur le site des Editions Dupuis et de DreamWall à Marcinelle.
A commencer par un centre de formations – le R/O Institute – qui, loin de fonctionner comme une école classique, opérera comme un incubateur et accélérateur de projets. Une sorte d’école à projets, encadrés. Un peu à la manière de ce qui se fait parfois du côté informatique – par exemple, à Paris, du côté de l’Ecole 42 lancée par Xavier Niel.
Le R/O Institute accueillera créateurs BD, scénaristes, spécialistes de l’image de synthèse, concepteurs et porteurs de projets et les formera aux nouvelles technologies et méthodes de création, à la maîtrise des divers contextes dans lesquels leurs histoires et personnages sont appelés à évoluer – de la planche classique aux tablettes numériques ou autres casques de réalité virtuelle, en passant par le cinéma, le jeu mobile…
15 projets (belges mais aussi potentiellement venus de l’étranger) seront ainsi “accompagnés” chaque année. Et ce, dans toutes les dimensions de la création transmédia – image, animation, jeu, virtuel… Le coaching touchera aussi à d’autres aspects: modèle économique, conception, sociologie, cadre juridique… Les porteurs de projets ne vivront en outre pas en vase clos mais au contraire se confronteront aux besoins et réactions du public-cible.
Philippe Reynaert (Wallimage Entreprises): “L’Institut préparera les porteurs de projet à imaginer les moyens nécessaires pour que leur projet réussisse, économiquement parlant.”
Mais R/O ne s’arrête pas là… Le créateur doit non seulement apprendre à maîtriser les outils, technologies et contextes nouveaux mais il doit aussi être en mesure de participer à leur création ou évolution.
Ce sera notamment l’objet du deuxième axe d’activités de R/O. A savoir, le R/O Lab. “Une idée soufflée par les responsables publics wallons”, tient à souligner François Pernot. En l’occurrence, il s’agit de l’équipe du cabinet Marcourt qui s’est inspirée en cela de ce qui a déjà été fait dans le cadre de Creative Wallonia (notamment les Fab Labs).
François Pernot (Média-Participations): “Nous étions des pionniers et nous allons le redevenir.”
Ce “fab lab BéDé transmedia” combinera activités de R&D, découverte et application de nouvelles technologies, et espace de test, d’expérimentation et de prototypage où les incubés viendront matérialiser leurs idées et concepts – en ce compris via de la fabrication 3D, de la production en réalité virtuelle et augmentée…
Le Labo bénéficiera d’équipements en tous genres – imprimantes 3D, casques de réalité virtuelle, écrans auto-stéréoscopiques, drones, logiciels de capture de mouvements, de ‘layering’, de création collaborative… S’y ajoutera un système informatique permettant de surveiller et évaluer la progression des projets, en ce compris à distance.
Troisième axe d’activités: une société, baptisée Belgian Heroes, qui gérera les droits de propriété intellectuelle. Objectif: éviter qu’ils ne se retrouvent dispersés, captés par des acteurs étrangers. Mais aussi: les préserver et gérer de telle sorte à ce qu’ils alimentent le processus.
Le principe? En échange d’un programme d’incubation gratuit d’un an, les porteurs de projets cèdent une partie de leurs droits de propriété intellectuelle (ils devraient garder une tranche de 15 à 20%).
“L’industrie culturelle doit relever certaines contraintes économiques. Un tel projet se doit d’être viable par lui-même, hors financement public et mécénat”, explique François Pernot. “Après cinq ans, ces droits doivent nous permettre d’être auto-suffisants. La s.a. Belgian Heroes financera la viabilité du labo et de l’institut.”
15 projets par an
Le R/O Institute verra le jour l’été prochain.
Un appel à candidature (projets belges et étrangers) interviendra en avril 2016. Une pré-sélection (30 projets) est planifiée pour la fin juin. Les 15 projets retenus entreront en phase d’incubation en octobre.
Les projets seront en partie menés selon un mode ‘gagnant-gagnant’. D’une part, les incubés feront leurs armes. De l’autre, les projets pourront venir des actionnaires-fondateurs, qui verraient ainsi une manière de tester de nouveaux concepts. Avec, en retour, la prise en charge de leur production et distribution sur le marché. “L’object”, soulignent les initiateurs, “est en effet d’accélérer la mise sur le marché de ces nouveaux contenus et d’augmenter les chances de succès.”
Géniteurs, parrains et acolytes
Les géniteurs du projet et premiers actionnaires sont Media-Participations et Wallimage Entreprises.
Au premier trimestre 2016, d’autres “partenaires-fondateurs” viendront s’y ajouter. Un nom est déjà connu: il s’agira de la Rtbf. Les noms des autres – apparemment au nombre de trois – n’ont pas encore été dévoilés. Et pour cause, les négociations et analyses de dossiers sont toujours en cours. Mais il s’agira, pour reprendre les termes de François Pernot, “de partenaires internationaux, complémentaires des membres-fondateurs, leaders sur d’autres marchés.” Spécialistes de métiers “qui ne sont ni la BD, ni la télévision.”
Ticket d’entrée: 410.000 euros.
Le capital total sera de 4,05 millions d’euros. 2,05 millions viendront du privé (premier nom connu: Media Participations); 2 millions seront amenés par le public (via Wallimage Entreprises et Sambrinvest – sans doute à parts égales mais la chose doit encore être confirmée).
Notons encore que l’apport de la Région prend notamment la forme d’une aide à la recherche. 1,7 million d’euros a déjà été octroyé en ce mois de novembre via la DGO6.
On l’a vu, l’intention de R/O est de devenir une structure auto-financée à court ou moyen terme.
Et les acteurs locaux?
Les actionnaires de R/O sont de gros acteurs – belges ou étrangers. Impossible, dit-on du côté de R/O, de faire entrer un petit acteur local: le ticket d’entrée est trop conséquent.
Mais les talents, compétences et acteurs locaux – start-ups ou PME, agences, studios, créateurs, développeurs & Co… – sont loin d’être oubliés.
Un travail d’analyse est en cours notamment du côté du cluster TWIST pour imaginer comment ils pourraient être associés aux travers de l’Institut ou du Lab et, dès lors, faire bénéficier les compétences locales de ce qui se développera, s’imaginera et se développera au sein de R/O.
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