Le gouvernement bruxellois, via les ministres concernés, et quatre organismes bruxellois (voir encadré ci-dessous pour la liste des signataires) ont signé une charte – et un engagement d’actions communes – pour donner du corps et de nouvelles perspectives au secteur local de l’e-santé.
Objectif: promouvoir et favoriser le développement d’un “écosystème cohérent” dans le domaine de l’e-santé, un secteur pointé comme essentiel et porteur pour l’économie locale et pour la différenciation du tissu économique bruxellois. Autrement dit, mieux tirer parti des caractéristiques et atouts locaux pour favoriser le développement de ce secteur, tant au niveau national qu’à l’international.
Signataires, côté politique: le Ministre de l’Economie (Didier Gosuin), les Secrétaires d’Etat bruxelloises chargées de la Recherche scientifique (Fadila Laanan), de l’Informatique et transition numérique (Bianca Debaets) et du Commerce extérieur (Cécile Jodogne), ainsi que le collège e-santé de la Cocom.
Signataires, côté acteurs de terrain et organismes: Abrumet, l‘asbl qui réunit les hôpitaux bruxellois (privés, publics et universitaires) et les associations de médecine générale ; InnovIris, agence de soutien à la recherche et à l’innovation ; le “cluster” santé Lifetech.brussels ; et Agoria, qui dit représenter 80% des acteurs – industriels/commerciaux – santé bruxellois, en ce compris dans la catégorie start-up.
Quelques chiffres?
- 20.000 emplois
- 15 hôpitaux ou groupes hospitaliers
- 423 entreprises actives dans les sciences de la vie (santé, biopharmaceutique, biotechnologie) dont 94% de PME
- 80 sociétés positionnées sur le marché de l’e-santé dont 26 ont vu le jour ces 3 dernières années
- un potentiel de croissance estimé à 15% par an jusqu’en 2020 ou 2022.
Les signataires de la Charte s’engagent essentiellement sur trois points:
- mettre en oeuvre une plate-forme améliorant la coordination des actions et l’apport d’informations aux porteurs de projets
- faire vivre un site Internet centralisant des informations utiles à tous les acteurs du secteur (privés ou publics)
- promouvoir le Réseau Santé Bruxellois.
Quoi d’neuf, Doc?
Des acteurs tels que Lifetech.brussels et Innoviris avaient déjà tissé des liens de collaboration. Le cluster lui-même rassemble nombre d’acteurs et start-ups e-santé/biomed.
Que compte dès lors apporter de réellement nouveau cette charte, au-delà du signal politique fort que veulent donner les signataires et, en particulier, les autorités publiques?
Didier Gosuin, ministre bruxellois de l’Emploi et de l’Economie: “l’-santé est un des moteurs du développement économique de la Région. La signature de cette charte est avant out un acte politique fort, signe de l’engagement de l’ensemble des parties.”
Au niveau politique, la signature de la charte est “avant tout un acte politique, le signe d’une volonté politique”, déclarait Didier Gosuin, ministre bruxellois de l’Emploi et de l’Economie. “C’est le signe d’une volonté de travailler dans un sens commun, d’évaluer tous ensemble les actions, d’articuler plus étroitement le Réseau Santé Bruxellois et les applications développées par les acteurs économiques, d’être au service des entreprises, de trouver les moyens d’accentuer les actions de soutien pour accélérer les processus.
Nous ne partons pas de rien. La dynamique existe, un vivier important existe. Il ne s’agit pas de l’encadrer pour le plaisir de l’encadrer mais plutôt de l’amplifier.”
Ce à quoi Fadila Laanan ajoutait: “l’e-santé figure clairement parmi les priorités du gouvernement (bruxellois). Preuve en est que la médecine personnalisée et l’e-santé sont confirmées comme priorités dans la nouvelle ordonnance Recherche & Innovation.
Au niveau de la Recherche scientifique, le but est de mettre en commun les savoirs et les bonnes pratiques pour générer des résultats innovants. L’enjeu de demain est une réelle “culture” e-santé.”
Mieux agencer les pièces du puzzle
Concrètement, quels sont les mécanismes qui seront mis en oeuvre pour transformer ce “signe de volonté” en faits concrets?
Parmi les mécanismes mis en oeuvre, citons une collaboration plus étroite pour repérer et accompagner les projets innovants et un référentiel des ressources activables – sous la forme du site Internet e-santé.brussels, où seront centralisées informations et ressources utiles aux porteurs de projets et jeunes start-ups (liste des partenaires et coordonnées, projets en cours, événements dédiés à l’e-santé).
Il y aura aussi une structuration plus claire du rôle de chacun.
“La Charte permet à chaque acteur de prendre sa place. Le politique apporte un soutien plus net à Abrumet qui, elle, se tourne davantage vers les entreprises pour l’innovation technologique”, explique Pablo D’Alcantara, directeur de projets chez Abrumet.
“Cette meilleure organisation des rôles est le propre d’une smart city. Il ne s’agit pas, comme on le voit souvent, que les autorités développent tout elles-mêmes et l’imposent à tous. Ou qu’une entreprise veuille tout faire, que les acteurs hospitaliers ne puisent pas les innovations du côté de l’industrie…
En lançant et mettant à disposition le Réseau Santé Bruxellois et le “coffre-fort” (BruSafe), qui permettront les échanges et partages sécurisés de données de santé des patients, Abrumet fournit en quelque sorte l’autoroute, un serveur, un seul et même logiciel de partage. A l’industrie, aux acteurs locaux – ou belges – de développer les véhicules. En l’occurrence, l’interface, des connecteurs.
Pablo D’Alcantara (Abrumet): “Abrumet n’a pas pour vocation à être un acteur de développement, mais plutôt un coordinateur et un intégrateur. Cela nous permet aussi de rester souple et réactif.”
Les prestataires de santé dicteront toujours leurs besoins mais notre intention n’est pas de nous positionner sur le terrain des développements.”
Autre élément qu’il estime important pour l’essor de l’écosystème e-santé bruxellois: le choix qu’a fait le Réseau Santé Bruxellois en matière de normes technologiques. “L’avantage majeur que nous offrons aux acteurs du marché est de leur procurer un outil qui d’emblée, contrairement à ce qu’ont fait le Réseau Santé Wallon et les réseaux flamands, s’aligne sur la norme internationale IHE [Integrating the Healthcare Enterprise]. Cela permet aux acteurs industriels d’investir dans des solutions, connectées vers le “coffre-fort” bruxellois, qu’ils pourront également vendre à l’international.”
Au-delà de l’architecture (réseau, espace de stockage et de partage des données), Abrumet veut donc s’appuyer essentiellement sur des développements tiers.
Et la collaboration multi-acteurs que veut instaurer la charte a aussi pour but de clarifier le chemin à suivre – de l’idée initiale d’application nouvelle par une start-up par exemple, jusqu’à son adoption comme outil nouveau par Abrumet au profit des acteurs de santé.
“Toute société qui veut connecter sa solution à Abrumet est tout d’abord ré-aiguillée vers Lifetech.brussels et Innoviris pour monter son dossier.” Azèle Mathieu, directrice du cluster Lifetech.brussels, s’en explique ci-dessous.
Veiller à la bonne coordination
Un comité de gouvernance est mis en place auquel siégeront des représentants des signataires (en ce compris le Cabinet de Didier Gosuin, qui est à la manoeuvre, côté gouvernemental). Ce comité devrait se réunir une fois par mois ou tous les deux mois. “Il aura pour mission d’identifier dans les plans d’action de chacun les points majeurs, prioritaires, communs, de veiller à la mise en oeuvre des projets communs”, explique Azèle Mathieu.
Quid des activités et du mode de fonctionnement entre les 4 acteurs que sont Abrumet, Innoviris, Lifetech.brussels et les entreprises e-santé ? A noter au passage que le 5ème acteur signataire de la charte – Agoria – agira surtout dans le registre relais d’informations et contribution au Comité de gouvernance.
Azèle Mathieu (Lifetech.brussels): “Désormais, Lifetech.brussels sera le premier point de contact et servira aussi de source d’informations régulières pour les porteurs de projets e-santé.”
“L’un des premiers axes d’action concerne la mise en contact des projets-pilote d’entreprises avec le Réseau Santé Bruxellois. Des solutions innovantes, suffisamment matures, peuvent en effet contribuer à l’un des objectifs majeurs de ce Réseau qui est de favoriser une meilleure continuité des soins – depuis l’avant-hospitalisation jusqu’au suivi du patient de retour au domicile.
Lorsqu’un projet de R&D est proposé par une société, le cluster Lifetech.brussels en fera une première évaluation, aidera le porteur du projet à le monter correctement de telle sorte à rencontrer les exigences d’Innoviris. Nous validerons aussi la validité de l’idée auprès d’un interlocuteur au sein d’Abrumet qui déterminera si elle est ou non cohérente avec les besoins de terrain. Parallèlement, un chercheur aidera la solution à se connecter au Réseau Santé. L’espoir étant qu’il puisse entrer en ligne de compte pour un financement Innoviris.”
Jusqu’ici, ce cheminement n’avait pas encore été balisé, constate Azèle Mathieu: “Les entrepreneurs soumettaient directement leurs projets à Innoviris ou à Abrumet. Ce qui créait, à leur niveau, des goulots d’étranglement. Désormais, Lifetech.brussels sera le premier point de contact et servira aussi de source d’informations régulières, aux porteurs de projets, à propos de l’évolution des choses.”
Autres actions qui verront le jour dans le cadre de la “plate-forme multidisciplinaire” qu’officialise la charte ? Des événements de type rencontres entre projets de recherche, starters et spécialistes sur des thèmes tels que le financement, la gestion des données privées ; l’intégration d’Abrumet au sein du Comité d’accompagnement qu’organise régulièrement Innoviris pour assurer le suivi des projets de recherche/innovation académiques qu’elle a financés ; voire une meilleure représentation du secteur e-santé lors de missions économiques princières à l’étranger.
Une cartographie des acteurs, de leur poids et activités, sera également élaborée. De quoi chiffrer de manière plus précise l’importance et le potentiel du secteur e-santé en Région bruxelloise.
Témoignage d’une start-up
Au final, que peut éventuellement apporter à une start-up e-santé la convention de collaboration signée en ce début de semaine ?
Aux yeux de Quentin Roquet, patron de Progenda (application mobile de prise de rendez-vous chez le médecin, généraliste ou spécialiste), la signature de la charte est la preuve que le politique commence réellement à s’intéresser au mouvement d’expansion du secteur e-santé. “Le fait que le politique s’y intéresse permettra de dynamiser le marché.”
De manière plus immédiate pour sa société, il estime – espère – que l’existence de la charte et de l’association de divers acteurs, au travers des signataires, soit l’occasion d’ouvrir certaines portes. Notamment du côté des gros acteurs positionnés sur le terrain de l’e-santé, qui dédaignent encore trop souvent les tout petits Poucet, mais aussi du côté d’Abrumet et des acteurs de terrain.
Son message: vous avez signifié votre intérêt pour la charte et pour l’écosystème que les responsables régionaux veulent activer. Merci de joindre l’acte à la parole. Ouvrez-vous au dialogue et à la collaboration…
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