Virtual Leodium: voyage virtuel dans les entrailles du “Noble Pays”

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Par · 25/01/2016

La numérisation d’une maquette historique de la Ville de Liège ouvre de nouvelles perspectives pour l’offre de visites virtuelles, culturelles ou touristiques, mais aussi pour des applications à l’usage des architectes, des archéologues.

Fruit d’un travail de plusieurs années au sein de l’Université de Liège, le projet Virtual Leodium a eu pour but de développer un système d’information archéologique urbaine en prenant comme point de départ une maquette – en l’occurrence, la maquette du “Noble Pays”, oeuvre de Gustave Ruhl datant de 1730 qui représentait la ville telle qu’elle existait au 18ème siècle.

Plusieurs départements et équipes de l’ULg ont participé au projet, notamment l’unité Geomatics de l’ULg (département Topographie et Géométrologie).

Objectif: générer une représentation dynamique de la ville en 3D, utilisable dans de multiples complexes, en ce compris celui d’une immersion en réalité virtuelle pour parcourir la ville à travers les âges.

“Le projet a déjà intéressé le réseau des bibliothèques parce que c’est un moyen de naviguer dans les ressources de la bibliothèque”, explique Roland Billen, professeur de géomatique à l’ULg. “Les informations scannées ou intégrées sont désormais accessibles via l’interface 3D de la maquette.

Demain, dans le cadre de réalisations de ville virtuelle, en intégrant ce modèle à la ville actuelle, un utilisateur qui se trouverait par exemple place du XX Août pourrait visionner la place actuelle et les bâtiments de l’université mais pourrait aussi visualiser les configurations antérieures des lieux”.

Balades virtuelles

Sur base des développements réalisés, les balades virtuelles au coeur de Liège deviennent un scénario réaliste.

Un projet avec l’Archéoforum et l’Institut du patrimoine wallon permettra bientôt de se promener virtuellement dans la maquette de Ruhl. La numérisation de la maquette permet désormais de se replonger au coeur de bâtiments pourtant disparus, tels que la Cathédrale Saint-Lambert.

 

A voir sur Youtube:

vue sur la ville ou encore la Cathédrale Saint-Lambert.

 

Des exercices de numérisation similaires ont été réalisés pour des bâtiments qui, eux, ont résister au passage du temps. Tels que la Cathédrale Saint-Paul ou le château de Franchimont.

La précision de la simulation est extrême puisque, pour la Cathédrale, par exemple près de 3 milliards de points ont été numérisés à l’aide d’un scanner 3D. De quoi se balader par exemple dans les combles de la cathédrale sans quitter le plancher des vaches.

Ces environnements reconstitués virtuellement devraient devenir l’une des attractions de l’Archéoforum de Liège dès cette année. “On envisage par ailleurs de combiner visite purement virtuelle et animation de la maquette physique”, explique Roland Billen. “Cela permettrait à un utilisateur, armé d’un dispositif mobile, d’augmenter son parcours dans la ville en superposant les vues historiques.” En mode totalement immersif puisqu’il pourrait pénétrer dans des bâtiments et décors du 18ème.

Au-delà du tourisme, les applications potentielles s’adressent également aux professionnels “tels que des archéologues du bâti qui pourraient ainsi étudier les techniques de charpente…

Quand des maquettes historiques deviennent le socle de visites virtuelles, pour faire revivre un passé disparu (projet Virtual Leodium)

Les modèles 3D générés peuvent être utiles pour des architectes, des archéologues, des professionnels de la restauration…”, souligne encore Roland Billen. “Ces professionnels ont besoin d’informations, de plans… Grâce à l’IT, il devient possible de combiner des relevés classiques à des scans 3D complets. Avec une garantie de qualité des mesures, en plus d’un beau rendu. Ils disposent là d’une masse d’informations extraordinaire qui leur permet de faire plein de choses.”

Il demeure toutefois, selon lui, un obstacle à franchir et il concerne… les habitudes ou, pour l’exprimer autrement, la difficulté qu’ont encore ces professionnels à percevoir l’utilité et la valeur ajoutée potentielle de la réalité virtuelle. “Il subsiste un fossé entre ce que les données et la technologie permettent désormais de faire et la manière dont ces professions les traitent et utilisent. Souvent encore, quand on leur présente nos réalisations 3D, les architectes nous demandent des coupes! De quoi anéantir toute la valeur intrinsèque du 3D. C’est encore un problème de mentalité…”

Autre problème, à ses yeux, les capacités limitées des ordinateurs dont disposent par exemple les archéologues – moyens financiers exigus oblige – et qui les empêchent donc d’exploiter la réalité virtuelle. “Il faut donc imaginer de nouvelles manières de travailler avec eux. A terme, la réalité virtuelle permettra à des architectes de “manipuler” une cathédrale en 3D dans leur bureau pour un relevé de mesures hyper-précises au départ de l’objet virtuel.  Pour les archéologues, la réalité augmentée sur tablette sera un outil intéressant sur les chantiers de fouilles puisqu’elle leur permettra de visualiser des données sur ce qui se trouve sous le sol…”

On attend les applications

Via leurs travaux, les départements de l’ULg ont jeté les bases de futures applications. Les unités concernées (Géomatique, Holo Lab) n’ont pas développé de prototype. Leurs réalisations se limitent à la génération des données, des référentiels et des logiciels d’informations. Le développement de prototypes (applications ou dispositifs) est laissé à d’autres acteurs, commerciaux ou universitaires. “Il faudrait, d’une part, trouver des financements et, d’autre part, cette étape du prototype ne relève pas de notre métier qui est celui de la capture et de la gestion des informations.”

Les données et outils de l’unité de Géomatique ont par exemple été exploités, tout récemment, par Vigo Universal pour le chalet Réalité virtuelle du Marché de Noël de Liège qui proposait une visite virtuelle de quelques bâtiments anciens ou disparus. 

Un prolongement aux travaux de l’équipe de Roland Billen pourrait toutefois naître au sein-même de l’université, du côté de l’équipe du professeur Jacques Verly. Par exemple pour de la visualisation stéréo 3D. “Ensemble, nous pourrions lancer des projets d’applications de réalité augmentée…”

Projet inter-régional

Un nouveau projet est en préparation (on attend le second appel à projets…). Il concerne quatre régions ou villes de l’Euregio Meuse-Rhin, à savoir Liège, Maastricht, Aix-la-Chapelle et Tongres. Objectif: faire découvrir, voire revivre, le patrimoine de ces quatre villes sur base de documents et maquettes qu’elles possèdent sur leur passé. Objectif: “imaginer ensemble, entre acteurs du patrimoine, notamment les musées, des applications et animations. Notamment des visites virtuelles, avec possibilité de découvrir les 4 villes quel que soit le musée qu’on soit en train de visiter. Ou encore des animations du genre “A la recherche de D’Artagnan…”

Car ce Gascon, héros d’Alexandre Dumas, est loin d’être un personnage de fiction. De son vrai nom Charles de Batz de Castelmore, D’Artagnan est en effet mort en 1673 lors du siège de Maastricht par les troupes de Louis XIV…

Parmi les partenaires de ce futur projet Interreg, citons le Musée gallo-romain de Tongres, l’Archéoforum de Liège, l’Institut du Patrimoine wallon, et côté laboratoires, l’unité de Géomatique de l’ULg, le MACCH de Maastricht (le “Maastricht Centre for Arts and Culture, Conservation and Heritage” est un groupement de laboratoires universitaires actifs dans le domaine de la valorisation du patrimoine), des équipes d’informaticiens et d’historiens allemands ainsi que la KUL.

La genèse du projet Virtual Leodium

Pour les besoins du projet Virtual Leodium (Leodium étant le nom latin de Liège), le département Géomatique de l’ULg, en collaboration notamment avec le Holo Lab, a tout d’abord réalisé une modélisation 3D de la maquette historique de Gustave Ruhl.

Trois modèles numériques ont été successivement réalisés.

Le premier fut un modèle généré par levé laser réalisé par le labo Holo Lab. 120 plans ont été produits sur base desquels une recomposition complète de la maquette a pu être opérée. Elle pourra ainsi alimenter différentes applications, notamment pour équipements mobiles (visites en réalité augmentée…).

Un modèle géographique 3D, utilisant ce modèle 3D du Holo Lab, a ensuite été conçu par l’unité de Géomatique qui y a ajouté d’autres données provenant de photographies.

Quelques 650 scans 3D de la maquette ont été réalisés et réassemblés pour générer une vue panoramique globale. Chaque bâtiment a ensuite été modélisé séparément et la texture produite en photoréalisme sur base de photos de la maquette d’origine.

Ce modèle procure une plus grande précision que le premier, reconstituant par exemple le complexe de l’ancien collège des Jésuites (qui a aujourd’hui fait place à des bâtiments de l’ULg) sur la place du XX Août, tel qu’il existait en 1730. Ou encore la Cathédrale Saint-Lambert, l’église Saint-Jacques-le-Mineur, le quai sur Meuse…

Résultat final des travaux: un logiciel d’information archéologique qui doit permettre de manipuler les objets 3D, de toutes natures, mais aussi d’inclure des documents historiques (plans, gravures, lithographies, livres préalablement numérisés…). Le logiciel propose également des outils d’analyse, de mesure, d’aide à la visualisation afin de pouvoir naviguer dans un panoramique de photos, combiné à des éléments modélisés.

Troisième modèle numérique: une modélisation 3D très précise de la salle académique de l’université, allant, pour certains éléments ou pièces d’un espace, jusqu’à une précision d’un millimètre. Par exemple, une statue, le chapiteau d’une colonne…