“Mixer” numérique et musée: Gand et Mariemont ont joué le jeu

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Par · 12/11/2015

La première édition belge du “makeathon culturel” Museomix (un week-end pour imaginer et développer de nouvelles interactions numériques avec les oeuvres et objets exposés dans les musées) s’est déroulée le week-end dernier, au Musée Royal de Mariemont et au MSK (Musée des Beaux-Arts) de Gand.

Expérience concluante aux yeux des organisateurs et au vu des prototypes qui ont été conçus. L’expérience devrait donc être reconduite l’année prochaine avec, dès le mois de février, un nouvel appel à musées jouant les hôtes. Les deux musées de l’édition 2015 peuvent certes poser à nouveau leur candidature mais le principe est de permettre, chaque année, à de nouveaux musées de participer. Formule appliquée dans les autres pays où la communauté Museomix organise, simultanément, l’événement (France, Suisse, Québec, Pérou…).

Venons-en aux résultats de cette première édition belge.

En 72 heures, plusieurs équipes multidisciplinaires (développeurs, graphistes, médiateurs culturels, historiens de l’art…) ont imaginé de nouveaux concepts de médiation muséale basés, peu ou prou, sur les technologies numériques.

Côté Mariemont, cinq équipes ont planché sur 5 projets thématiques. Trois thèmes avaient été proposés par le musée de Mariemont: lien entre musée et son environnement, l’invisible au musée, et les sens. Deux autres ont été proposés par Museomix: le ludique au musée et repositionner le visiteur au coeur du musée.

CeraMix

L’idée de médiation qui a sans doute illustré de la manière la plus probante la manière dont une dose de numérique, pas forcément tarabiscotée ou prédominante, est celle qui a été appliquée à la collection de céramiques du musée. Intitulé du prototype: CeraMix.

Les équipes de “muséomixeurs” qui ont imaginé les divers prototypes d’interaction-découverte nouvelle ont sans doute atteint le but recherché. A savoir: prouver qu’une dose, plus ou moins grande, de numérique peut transformer l’expérience du visiteur, même réticent, devant la découverte des collections d’un musée. Quel qu’en soit le thème…

L’équipe de CeraMix l’a démontré par un simple petit exercice de chronométrage. Généralement, les visiteurs [qui ne sont pas fans de céramique] passent dans cette partie du musée en 3 minutes chrono, quand ce n’est pas en 10 secondes, le temps de… se rendre aux toilettes. “Ce week-end, avec la mise en place des différents supports d’interaction, le temps de déambulation est grimpé à 12 voire 24 minutes…”

“La collection sans doute la plus barbante de toutes”, soulignait l’une des membres de la communauté Museomix. Il est vrai qu’exposer et défiler devant des rangées d’assiettes n’a potentiellement rien d’excitant ou de décoiffant.

Parmi les médiations – lisez interaction et découverte – proposées, l’équipe a imaginé de répertorier sur un écran les différentes pièces d’une collection d’assiettes en céramique.

Un écran interactif où chaque pièce peut être retournée, d’un simple geste de la main (via un contrôleur 3D Leap Motion) afin de découvrir au dos son histoire ou, plus ludiquement, une série d’expressions ayant trait à cet ustensile quotidien (les pieds dans le plat, raz le bol…).

Une autre vitrine met en pratique le principe des QR codes: la découverte commence par un… bac à sable d’où il faut extraire un morceau de céramique portant un code (lisible) pour retrouver, dans les vitrines, la pièce intacte auquel il correspond. Le visiteur scanne alors le QR code apposé sur la vitrine, est renvoyé vers un mini-site explicatif, peut se prendre en photo qui sera transposée au fond de l’assiette en question avec une légende ludique du genre “je suis bien dans mon assiette à Mariemont”. Simple, “bête et méchant” mais du genre accrocheur, avec un souvenir perso à la clé.

Feelink

Faire découvrir “l’invisible” au visiteur. En proposant ce thème, l’équipe du musée de Mariemont avait pensé aux collections se trouvant dans les réserves, voire aux connaissances et savoirs qui se cachent derrière les oeuvres. L’équipe de muséomixeurs s’est attelée à un autre invisible: celui des émotions et impressions que suscitent les pièces exposées. L’idée: “se connecter aux sentiments et impressions ressenties par les autres visiteurs face au même objet, voire même à celles de l’auteur ou de l’artiste.”

Instruments numériques de médiation imaginés: une appli chargée sur une tablette tactile (mise à disposition des visiteurs) ou un QR code apposé sur une vitrine. L’une et l’autre donnent accès à une application où le visiteur se voit proposer plusieurs parcours thématiques liés à diverses émotions et impressions: parcours rigolo, amoureux, interdit aux moins de 18 ans, voire coquin, les objets qui font le plus peur, que l’on peut s’offrir à la Saint-Valentin ou… qu’on pourrait vendre chez Ikea…

En choisissant l’un d’eux, le visiteur se voit proposer la liste des oeuvres (trans-collections) qui ont été préalablement été qualifiées (taguées) comme relevant de cette catégorie émotionnelle. La liste sémantique est participative en ce sens que chaque nouveau visiteur est invité à qualifier lui-même les oeuvres vues, avec ses propres mots, en vue “d’exprimer son ressenti”. Ce que d’autres ont perçu comme “rigolo” peut par exemple leur paraître “bizarre” ou “décalé”. Ces nouveaux tags viennent enrichir la base et serviront de fil d’Ariane pour de futurs visiteurs.

De manière plus didactique, l’application fournit aussi au visiteur une explication sur les raisons qui ont poussé le musée (ou l’auteur) à classer chaque oeuvre dans telle ou telle catégorie.

MoMix

Le Musée de Mariement est, pour quelques années encore, la dernière demeure une momie. En l’occurrence, celle d’Hor, prêtre du dieu Hamon. A noter que cette momie a déjà sa propre page Facebook. De manière un rien originale puisqu’une trentaine de momies disséminées dans divers musées “dialoguent” ainsi entre elles, racontant leur quotidien. Aucun visiteur ne peut devenir “ami” d’une momie mais peut par contre suivre leurs récits et échanges d’outre-tombe.

Le prototype de nouvelle médiation développé pendant le week-end a pour but de renouveler la manière dont le visiteur “vit” sa rencontre avec la momie. Il est invité à… se coucher sur le socle d’un faux sarcophage afin de s’immerger, seul, dans une bulle de communication au sujet d’Hor, l’esprit du prêtre lui expliquant son processus d’embaumement.

Le principe est simple: un capteur, inséré dans le socle, détecte la présente d’une personne et déclenche une vidéo qui  est projetée sur un grand écran qui surplombe le visiteur couché, avec un commentaire audio dimensionné pour n’être audible que par lui seul.

L’interactivité sans (trop de) numérique

Comme allaient le souligner les participants à la conférence “Musée et Numérique” de l’après-midi, le numérique n’est qu’un mode de médiation parmi d’autres. Et non une fin en soi. Voilà pourquoi deux des prototypes imaginés ce week-end faisaient peu appel aux techniques numériques.

Les chiffres du hackathon musée/culture de Mariemont

5 projets, 32 museomixeurs, encadrés par des bénévoles. Moyenne d’âge: 25-35 ans.

Parmi eux, 3 membres du personnel du musée.

Nombre de visiteurs, le dimanche soir, lorsque les prototypes réalisés furent installés: environ 400.

“Ce qui correspond à notre taux de visites lors d’une grande exposition”, souligne Roland Van der Hoeven, directeur opérationnel du Musée de Mariemont. “Le premier dimanche du mois, journée traditionnellement gratuite, nous atteignons généralement les 350 visiteurs.” Expérience Museomix dès lors réussie à ses yeux.

Un chiffre encore: la communauté belge Museomix compte d’ores et déjà une bonne centaine de membres, aux profils variés: professionnels des musées, médiateurs culturels, historiens de l’art, simples amateurs d’arts et de sciences, étudiants, fans d’innovation et de numérique…

Quatrième prototype imaginé lors du Museomix: celui dédié aux sens. La médiation technologique est ici minimale. Le but est de découvrir l’une des pièces-phare du musée (la statue d’Arès) par le regard, le toucher, l’ouïe (une histoire)… La seule technologie sollicitée est celle de la reconnaissance vocale pour une petite touche de ludique. Le visiteur enregistre sa “première impression” de la découverte multisensorielle. Un logiciel de reconnaissance vocale identifie des mots-clés et les projette sur la statue d’Arès “pour une trace personnelle éphémère.”

Le prototype de médiation qui fait le moins appel au numérique et aux nouvelles technologies fut celui inspiré du thème “le musée dans son environnement”. Objectif: amener le visiteur réticent à pénétrer dans le musée… en faisant d’abord sortir ce dernier de ses murs.

Pour l’occasion, l’équipe de muséomixeurs a imaginé un chariot mobile pouvant déambuler en extérieur, emportant avec lui, dans une série de tiroirs-découverte, divers objets figurant des thèmes d’exposition ou l’histoire de certaines pièces. Seules technologies utilisées pour la circonstance: de l’impression 3D pour répliquer des pièces et objets exposés dans le musée et de la découpe laser pour construire des boîtes-mystère.

Le fil rouge est ludique: jeter un dé, sur les faces duquel les différents thèmes et collections sont représentés, pousser la découverte plus loin en explorant le tiroir correspondant, et finir par se rendre au musée pour voir les pièces “en vrai”. Ce chariot itinérant a été baptisé… Roule Raoul. Pas uniquement pour la rime mais aussi en hommage à Raoul Warocqué, homme d’affaires et grand collectionneur du 19ème siècle qui a légué son domaine et ses collections (le tout situé à Morlanwelz) à l’Etat belge et qui, en quelque sorte, est à l’origine du musée de Mariemont.