Donner à des jeunes venant de milieux défavorisés (socialement et économiquement) un nouvel atout qui pourrait leur permettre d’échapper à une précarité et à un néant professionnel quasi pré-programmés. Tel est le but d’une nouvelle initiative, baptisée Capital Digital, qui joue la carte des compétences numériques pour “apprendre aux enfants à coder de façon ludique, dans le cadre de camps de vacances locaux et pratiquement gratuits.”
A l’origine de cette initiative et de manière purement personnelle: Karel Vinck, patron de l’agence publicitaire Duval Guillaume, qui a trouvé une oreille attentive auprès de trois associations locales actives dans la lutte contre la précarité, la déscolarisation er le chômage (1) ainsi qu’auprès du Cabinet de Bianca Debaets, Secrétaire d’Etat bruxelloise en charge de l’Informatique régionale et communale et de la Transition numérique.
Public visé: les jeunes défavorisés, précarisés, de Bruxelles, où “la pauvreté est un des problèmes les plus importants et où le risque du chômage est 2,5 fois plus élevé que dans les autres villes européennes.”
Le premier “camp de codage” s’est déroulé pendant la semaine de la Toussaint. Trois sites, dans les communes de Moelnbeek-St-Jean, d’Anderlecht et de Schaerbeek, ont chacun accueilli 15 enfants âgés de 7 à 9 ans. Dont une belle proportion de filles.
En quelques jours, ils ont découvert le b.a.-ba de la programmation (langage Scratch), développé quelques petits jeux ou applications (labyrinthe, jeu de balle, animation de petits personnages à l’écran…), appris à programmer une boîte à rythmes (instrument de musique électronique simulant des rythmes de batterie ou d’instruments de percussion).
“Le but est de les familiariser à l’ordinateur et à la programmation. De leur montrer que développer une appli, un jeu, c’est aussi un métier. Et le montrer aussi à leurs parents, qui l’ignorent bien souvent”, déclare Karel Vinck.
La tranche d’âge visée n’a pas été choisie par hasard: “à 7 ou 9 ans, les enfants sont encore très enthousiastes. Pour eux, apprendre à programmer est encore un jeu. A 12 ans, cela revient déjà à étudier…”
Aide régionale
Un sourire qui vaut tous les commentaires…
La Région bruxelloise a accordé quelques subsides pour l’achat de tablettes, permettant ainsi à l’initiative de prendre corps. Pour le reste (difficile d’attirer des sponsors privés, regrette Karel Vinck), c’est essentiellement le bénévolat qui a prévalu. Non seulement celui des collaborateurs des associations participantes mais aussi celui de jeunes adolescents qu’elles avaient déjà eu l’occasion d’encadrer par le passé.
Tout a en effet commencé cet été, lorsque 9 adolescents, étudiants au secondaire (tranche d’âge: 15-20 ans) et issus des quartiers d’où sont venus les jeunes enfants, se sont eux-mêmes formés à la programmation via ces asbl. La proposition leur a alors été faite de mettre à profit leurs connaissances toutes fraîches pour initier de plus jeunes à la programmation. Sept sur les neuf ont accepté et ont donc servi d’animateurs et de coachs lors du premier camp de codage.
C’est là l’une des originalités du programme Capital Digital. A noter que le stage de codage est quasi gratuit puisque les familles ne doivent débourser que 10 euros pour y faire participer leur rejeton.
Un public sciemment choisi
“Ce n’est pas un hasard si les communes sélectionnées furent celles de Molenbeek-St-Jean, d’Anderlecht et de Schaerbeek”, souligne Bianca Debaets. “On y trouve des quartiers défavorisés où les jeunes ne trouvent pas dans leurs familles une propension à s’intéresser à l’IT ou les moyens financiers nécessaires pour s’équiper en tablettes. Or, ces jeunes ne sont pas moins doués que les autres…”
A terme, Karel Vinck espère pouvoir étendre l’idée à l’ensemble des communes bruxelloises. “Ceci n’était qu’un premier test. Le but, désormais, est de croître progressivement, de compter sur le bouche à oreille pour que l’initiative se propage sur Bruxelles, via les écoles, les associations de jeunes…”
Bianca Debaets: “Il est essentiel de réduire la fracture numérique. Pour ce genre de stage de codage, une bonne idée serait sans doute de développer des partenariats avec des acteurs privés, trouver de grandes entreprises qui seraient prêtes à sponsoriser, à apporter leur soutien…”
Une nouvelle session de formation d’adolescents devrait avoir lieu à Noël, suivie (à Pâques?) d’un nouveau “camp de codage” pour enfants du primaire.
Du côté du Cabinet Debaets, on semble également avoir la volonté de poursuivre l’initiative – et d’en susciter d’autres (sans pour autant promettre une aide financière systématique). “Il est essentiel de réduire la fracture numérique”, souligne la Secrétaire d’Etat bruxelloise. “Nous supportons ainsi plusieurs initiatives, notamment un récent Coder Dojo ou l’élargissement du réseau d’EPN [espaces publics numériques]. Pour ce genre de stage de codage, une bonne idée serait sans doute de développer des partenariats avec des acteurs privés, trouver de grandes entreprises qui seraient prêtes à sponsoriser ce genre d’initiatives…”
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