Premières “usines à startup” en Wallonie et à Bruxelles

Portrait
Par Olivier Fabes · 21/10/2015

Le modèle des “startup factories”, à l’instar d’un Rocket Internet à Berlin ou d’un Y Combinator dans la Silicon Valley, trouve progressivement son chemin chez nous. Le principe de ces structures privées est simple: accélérer le passage de l’idée à l’entreprise en plongeant l’entrepreneur-manager (souvent, l’idée n’est pas de lui) en lui déroulant en tapis rouge administratif, financier et technologique.

En échange, l’usine à start-ups prend une solide participation au capital, espérant se rémunérer par le biais d’un bel effet de levier.

Le pionnier de ce modèle en Belgique a été la franco-belge eFounders, qui depuis sa fondation en 2011, a déjà ‘enfanté’ 8 start-ups, la plupart basées à Paris ou aux Etats-Unis. L’une d’elle, TextMaster, sorte d’Uber de la traduction, a levé 4 millions d’euros cet été. Un autre pionnier, en Wallonie, est le ‘start-up studio’ M4ke.it (lire encadré ci-dessous).

Une usine à (intra-)start-ups

Sans doute davantage ancrée dans l’écosystème bruxellois, voici que déboule à présent Startup Factory. Elle est l’initiative de Baudouin de Troostembergh, cofondateur de SocialCom, un spécialiste du marketing sur les réseaux sociaux, et cheville ouvrière du hub entrepreneurial Co.Station (à deux pas de la Gare centrale), relancé il y a un an en association avec BNP Paribas Fortis.

Cette Startup Factory bruxelloise se distingue des pionniers évoqués ci-dessus par quelques spécificités. La première est son étroite connexion avec les départements “innovation” de grands groupes. On retrouve assez logiquement BNP Paribas Fortis, ainsi qu’“une grosse entreprise télécom et un spécialiste des RH et de l’intérim,” élude Baudouin de Troostembergh.

Bien que l’intéressé ne puisse confirmer aujourd’hui l’information, nous avons appris à bonne source que l’entreprise télécom en question est Mobistar.

Dans une logique de co-création, Startup Factory offre aux grandes entreprises partenaires une opportunité de se réinventer en externalisant des projets ou des concepts innovants, quitte à les rapatrier en interne lorsque leur potentiel est démontré. Quant aux start-ups, elles disposent ainsi d’un accès privilégié à de premiers grands clients leur permettant de tester leurs solutions, de les faire valider et évoluer.

Externaliser des projets ou des concepts innovants, quitte à les rapatrier en interne lorsque leur potentiel est démontré.

L’autre spécificité de Startup Factory tient à son fonctionnement interne. Les “entrepreneurs” sélectionnés s’engagent à travailler les six premiers mois gratuitement et puis sont rémunérés par la structure (ils facturent 2.000 euros par mois + commissions sur les premières ventes). Mais il y a bien sûr une contrepartie à ce “confort”: ils ne sont pas propriétaires de “leur” boite. Leur participation — 25% au départ, 30% s’ils amènent leur propre idée — montera au maximum à 40% dans les deux ans.

Quand des acteurs “traditionnels – ici, notamment, Mobistar et BNP Paribas Fortis – mettent les mains dans le cambouis start-up…

La structure cible des individus (pas d’équipes donc), avec une préférence pour des profils qui ont déjà une expérience professionnelle probante et un sens commercial aigu. Chaque start-up devra être autosuffisante après deux ans (hors frais de nouveaux développements).

Une dizaine de projets par an

Baudouin de Troostembergh: “Nous cherchons des profils CEO avec un sens commercial aigu. Nous nous chargeons de les connecter avec un CTO”.

Startup Factory démarre avec l’objectif d’héberger une dizaine de projets par an. Tous auront une forte orientation technologique sur un marché plutôt interentreprises (B2B).

La structure met en avant son accès privilégié à des compétences de développement, au sein de Co.station. “Nous avons déjà quatre partenaires technologiques qui peuvent jouer le rôle de chief technology officer dans les start-ups,” indique Baudouin de Troostembergh. L’école de codage intensif Le Wagon, qui a pris ses quartiers à Co.station, pourra également constituer un vivier de recrutement intéressant.

La première start-up en phase de lancement à Startup Factory s’appelle Tweefy. Portée par Edouard d’Ursel, auparavant consultant chez SixDots et BNP Paribas Fortis, Tweefy se situe dans le “rating professionnel de métiers de la consultance”.

Startup Factory bénéficie à ce stade du soutien, non exclusif, du fonds d’investissement bruxellois EEBIC Ventures (historiquement lié à l’ULB) doté de 12 millions d’euros et de quelques partenaires privés.

La structure emploie actuellement deux personnes, en plus de son fondateur.

Premiers projets sur les rails pour M4ke.it

Lancée discrètement à Namur il y a un an et demi, M4ke.it regroupe une quinzaine de personnes (essentiellement des ingénieurs) qui aident des porteurs de projet à valider techniquement un concept. Ce “start-up studio”, spécialisé dans les objects connectés (IoT), finance les premières étapes de démarrage d’un projet et aide ensuite l’entrepreneur à trouver des financements. Elle prend une participation, mais le but est que le porteur de projet reste majoritaire, “un point essentiel à sa motivation”, selon Alexis Bedoret, l’un des cofondateurs, qui a ramené l’idée de New-York. Il y a travaillé dans une start-up active dans le développement d’applis mobiles (Fig), dans laquelle il a fait venir deux étudiants stagiaires de l’ULB. Entre-temps, ils sont devenus ses associés.

Collier pour chien connecté

Ce qui se cache sous le boîtier du “collier pour chien connecté » de Flipaw…

Flipaw est l’un des premiers projets en phase de lancement chez M4ke.it. Sorti de l’imagination fertile de Pierre Moens de Hase (en dernière année à Solvay), il s’agit d’un concept de collier pour chien qui permet de faire vivre votre animal de compagnie sur Facebook…

Se présentant comme “the most ridiculous pet accessory for any serious pet lover”, Flipaw cible essentiellement le marché anglo-saxon, gaga des chiens et chats. Une campagne de crowdfunding sur Kickstarter est en préparation.

Dans un tout autre registre, mais toujours sur le thème des objects connectés, un autre projet, en collaboration avec un grand groupe pharmaceutique belge, porte sur un dispositif de montre intelligente pour détecter une crise d’épilepsie.

IoT avec Mazout Joassin

Pour financer ces investissements de “startup studio” dans de tels projets à haut profil de risque, M4ke.it s’appuie sur une autre activité plus stable et rémunératrice qui alimente ses fonds propres: le développement de projets innovants pour des (grandes) entreprises établies, dans le domaine du numérique et de l’internet des objets. L’entreprise a d’ailleurs créé un joint-venture avec la PME namuroise Mazout Joassin, l’un des plus gros livreurs de mazout de la région, pour défricher le potentiel des objets connectés. [ Retour au texte ]