Le secteur de la santé belge passe à la version 2.0 de sa “roadmap e-Health”

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Par · 15/10/2015

Les multiples parties prenantes de la Table Ronde e-Santé exposaient, hier, les résultats de leurs travaux et, notamment, les grands axes du Plan d’Action 2014-2018 légèrement réactualisé par rapport au contenu défini sous la précédente législature (fédérale).

De nouvelles priorités ont ainsi été insérées dans l’agenda de déploiement. Parmi elles, la nécessité de favoriser davantage la collaboration multi-disciplinaire des divers prestataires de soins (en particulier pour la prise en charge des patients chroniques souffrant de divers maladies); la prise en compte du phénomène du m-health (solutions et dispositifs mobiles mais aussi télésurveillance et suivi à distance des soins et médications); et la mise en oeuvre d’un cadre de gouvernance.

m-Health incontournable

L’un des grands chapitres nouveaux du Plan d’Action e-Santé est sans conteste celui consacré à la “santé mobile” avec ses multiples implications et défis – depuis la qualité et la certification des solutions, applications et dispositifs mobiles jusqu’à la problématique des remboursements de ces dispositifs nouveaux.

Dans son intervention, Maggie De Block, ministre fédérale chargée de la Santé publique, mettait en garde contre toute précipitation en matière de prise en compte du phénomène m-health: “l’évolution des technologies y est hyper-rapide. Nous sommes submergés d’applis et de dispositifs “intelligents”. Mais il faut veiller à ne pas sauter une étape, à ne pas se brûler les ailes, au risque de connaître le même sort qu’Icare.”

C’est pour cela que les différentes parties prenantes à la Table Ronde e-Health insistent sur la nécessité de définir un cadre, juridique et opérationnel, afin de garantir tout à la fois la qualité des applis mobiles et des dispositifs, le respect de la vie privée et la sécurité des données, tant personnelles que médicales. Et de clarifier le problème de la responsabilité juridique de chaque acteur de la chaîne.

Autre message entendu hier: l’absence de cadre – tant juridique qu’opérationnel – a de lourdes conséquences sur l’innovation et les chances d’aboutir de solutions nouvelles imaginées par des acteurs confirmés ou des start-ups. Tel était le message relayé par Carole Absil d’Agoria: “en Belgique, on voit trop souvent des innovations disparaître, ne jamais atteindre le stade de la commercialisation ou partir à l’étranger faute d’avoir pu percer chez nous.”

Pour aider à baliser le terrain, à déterminer les bonnes pratiques ainsi que les domaines prioritaires sur lesquels agir (et investir), 5 projets-pilote seront initiés avant la fin de l’année. Dans 5 thématiques précises (“il a fallu faire des choix”): AVC (accidents vasculaires cérébraux), soins cardiovasculaires, diabète, soins mentaux, douleur chronique.

“Ces 5 projets-pilote seront utiles pour définir le futur cadre juridique et opérationnel”, souligne encore Carole Absil.

Ces projets-pilote devraient donc être lancés avant la fin de l’année, avec évaluation au 4ème trimestre 2017.

Pour ce qui est de la “certification” des applis et dispositifs mobiles — quelle qu’en soit la forme —, le travail doit également encore avoir lieu. A noter toutefois qu’elle ne concernera que les applications à finalité médicale et pas la masse de solutions et applis à classer dans la catégorie bien-être ou fitness.

Une mécanique à huiler

Pas question de vous noyer dans les innombrables mesures, intentions et étapes chronologiques qui figurent dans le Plan d’Action adapté. Pour le découvrir et le décortiquer en détail, il est d’ailleurs possible de le consulter en-ligne via le site www.plan-esante.be….

Nous nous contenterons ici d’épingler quelques points-clé, commentés, hier, par divers acteurs de la Table Ronde e-Santé.

L’une des premières choses sur laquelle insistait Dirk Broeckx, chargé de mission auprès de l’INAMI, était le nécessaire renforcement de l’infrastructure (le réseau mais aussi les serveurs et le fonctionnement des solutions logicielles proprement dites) afin de garantir la disponibilité des services, du réseau, des plates-formes où seront stockées et/ou échangées les données. Pour qu’un éventuel maillon faible ne mette pas à mal toute la chaîne…

La plate-forme e-Health sera chargée “d’analyser chaque problème et de rechercher des alternatives pouvant être activées au cas où un système habituel devait ne plus fonctionner.” Plusieurs médecins ont en outre été promus “veilleurs”. A charge pour eux, au fil de l’utilisation qu’ils font des solutions des fournisseurs habituels du secteur des soins de santé, de relayer vers la plate-forme e-Health tout problème qu’ils rencontreraient dans leur pratique.

Le Plan d’Action e-Health nouvelle mouture met par ailleurs l’accent sur le concept d’enregistrement des logiciels, associé à des autorisations spécifiques, en fonction des divers types de services de soins. Il est également question de mieux planifier la sortie des nouvelles versions, afin de mieux structurer l’arrivée de nouvelles solutions ou fonctionnalités, de manière par ailleurs différenciée en fonction des divers métiers et professionnels ou encore selon les différents types d’institutions de soins de santé.

Les auteurs du Plan d’Action amendé ont également voulu mettre l’accent sur une “implication plus étroite” des éditeurs de logiciels dans le planning de développement de solutions médicales. Exemple typique: les solutions DPI (dossier patient informatisé) destinées aux hôpitaux.

Les instances fédérales semblent vouloir mieux orchestrer ou planifier la sortie de nouvelles versions de logiciels. Ce qui implique une meilleure concertation. Peter Degadt, administrateur délégué de Zorgnet Vlaanderen, faisait ainsi remarquer qu’il arrive aux éditeurs “de créer à l’aveuglette de nouvelles solutions ou fonctionnalités qui ne coïncident pas avec les besoins ou le rythme des hôpitaux.” Il en appelle donc à un “alignement” et à une “coordination”. Tout en précisant, d’une part, qu’une saine concurrence doit subsister sur le marché, côté éditeurs, et, d’autre part, que les hôpitaux ont aussi du travail à faire de leur côté, en évitant de prendre des décisions en ordre dispersé. Il faut évoluer vers une situation où des hôpitaux s’organisent en réseaux qui, eux, prennent des décisions, déclarait-il en substance.

Un Plan d’Action évolutif

Plusieurs intervenants insistaient sur le caractère nécessairement évolutif du Plan d’Action e-Santé, qui doit pouvoir s’adapter aux circonstances, nouvelles contraintes ou autres évolutions de la technologie.

Nouveau logo pour le Plan d’Action e-Santé belge: avec un clé d’oeil à cette proverbiale pomme à manger chaque jour pour éviter les visites au médecin…

L’agenda de déploiement des différents services n’est donc pas coulé dans le bronze. “Des adaptations sont possibles mais nous ferons le maximum pour que le planning général soit respecté”, indiquait par exemple Dirk Broeckx, chargé de mission auprès de l’INAMI.

L’efficacité avec laquelle les multiples objectifs deviendront réalité dépendra aussi de l’acceptation des nouveaux processus et technologies par tous les acteurs concernés. Plusieurs actions auront donc pour but de les sensibiliser mais aussi de les former.

Convaincre les professionnels des soins de santé de basculer vers des procédures numériques? Dès le premier trimestre 2016, des incitants seront prévus. Sous forme de sensibilisation mais aussi sous forme de primes récompensant les médecins (généralistes, dans un premier temps) pour une utilisation effective, traçable, des outils dématérialisés.

Parmi les mesures planifiées, on voit par exemple apparaître (mise en oeuvre au 2ème trimestre 2016) une “plate-forme d’exercices” qui permettra aux professionnels de la santé de mieux se familiariser avec certains outils et procédures en s’exerçant à les utiliser. “A blanc”, avant de les mettre en pratique dans le cadre de leur activités quotidiennes.

L’e-santé devra par ailleurs devenir une compétence à acquérir et devra, à ce titre, figurer dans tous les programmes de formation et de formation continue.


 

A suivre, dans un prochain article, quelques étapes-clé de l’agenda de déploiement du Plan d’Action.
Quelques exemples:
  • premier trimestre 2016: déploiement généralisé du Dossier Pharmaceutique Partagé
  • 1er janvier 2018: généralisation des attestations de soins électroniques (pour les généralistes), avec dès lors envoi des attestations de soins par voie électronique du médecin généraliste vers la mutualité du patient
  • 1er janvier 2018: possibilité généralisée pour les patients de consulter leurs propres données de santé, grâce à leur dossier médical personnel. Y compris, au départ d’équipements mobiles
  • “avant 2017”: passage au format électronique pour les attestations d’incapacité de travail
  • “avant le 1er janvier 2018”: chargement systématique des prescriptions de médicaments dans un espace électronique sécurisé où les pharmaciens pourront aller les puiser