Une “pépite” bruxelloise qui avait réussi à se faire un nom sur la scène internationale, vient de passer sous le contrôle du géant japonais Sony. Spécialisée dans la reconnaissance gestuelle, la capture d’images 3D et la réalité virtuelle, Softkinetic a vu le jour en 2007 et est l’auteur de solutions tant matérielles (capteurs, caméras…) que logicielles. Avec une tendance, au fil des ans, à se concentrer davantage sur le développement de technologies, logiciels et middlewares que des partenaires intègrent dans leurs propres solutions.
Sa clientèle, directe ou via partenaires, se situe aussi bien dans le monde professionnel que sur le marché grand public.
C’est du belge, c’est du ToF
Bon, OK, mauvais jeu de mots. Quoi qu’il en soit, Sony semble avoir été plus particulièrement intéressée par la technologie ToF (Time-of-Flight) mise au point par Softkinetic. Mais l’intérêt, souligne Michel Tombroff, patron de la société, ne s’arrête pas là.
Softkinetic se retrouve filiale de Sony par la volonté plus spécifique de l’axe Semiconducteurs du groupe japonais. Une division qui “voulait étendre son portefeuille de solutions, utilisées notamment pour équiper les caméras Sony, en y ajoutant des solutions 3D. Le rachat de Softkinetic s’insère dans une stratégie plus vaste qui verra la naissance, l’année prochaine, du groupe Sony Semiconductor Solutions.”
Le japonais a en fait décidé de restructurer son axe Devices, considéré comme “pôle important de croissance pour le groupe.” Une structure opérationnelle devrait permettre à 3 divisions – Semiconducteurs, Batteries et Stockage – de “s’adapter plus rapidement au contexte commercial changeant et de générer une croissance soutenue.”
La première de ces divisions, rebaptisée Sony Semiconductor Solutions, disposera d’une plus grande liberté et autonomie en termes de R&D et de ventes. Et l’accent sera clairement mis sur les activités Capteurs, “primary area of focus.” Softkinetic en fera partie.
Dans son communiqué, Sony indique qu’elle intégrera la technologie ToF de Softkinetic avec ses propres concepts “afin de mettre au point la prochaine génération de solutions et capteurs d’images à grande profondeur de champ, dans le domaine de l’imagerie et d’autres applications connexes, basées sur la capture d’images.”
Une bonne ou une mauvaise chose?
Au fil des ans, Softkinetic a développé diverses technologies telles que la détection de mouvements corporels HTLib et les solutions ToF (Time-of-Flight), un concept de capture d’images 3D et d’analyse de distance par calcul du temps que met une lumière, émise par une source lumineuse, à atteindre un objet et à être renvoyée par lui vers le capteur d’image.
Cette technologie ToF est arrivée dans l’escarcelle de Softkinetic via le rachat d’une autre société belge, Optrima, une spin-off de la VUB qui s’était spécialisée dans les caméras et capteurs CMOS ToF.
La société aurait pu utiliser le slogan “Softkinetic inside” dans de multiples cas puisque ses développements ont été exploités par de grands noms dans de multiples domaines allant des jeux vidéo jusqu’à l’industrie en passant par l’automobile. Exemples? Intel (RealSense, Perceptual Computing Software Development Kit…), Texas Instruments (pilotage gestuel de téléviseurs, PC…) ou – déjà – Sony avec qui un accord commercial a été passé à l’automne 2013 en vue de doter la PlayStation 4 d’un potentiel de reconnaissance gestuelle.
En 2014, la société bruxelloise a également passé un accord avec MakerBot, filiale de Stratasys, pour le développement d’une caméra ToF à grande profondeur de champ devant renforcer les potentiels des scanners haute précision de ce fabricant spécialiste de l’impression 3D.
Au rayon jeux vidéo et réalité virtuelle, la société a réalisé une intégration entre un casque Oculus Rift et une caméra 3D. Fixée sur le casque, la caméra accentue l’effet d’immersion en y ajoutant une dose de réalisme puisque les mains du joueur peuvent être simulées afin de rendre les mouvements de préhension et de manipulation plus réalistes.
La société belge ne se tire-t-elle pas une balle dans le pied en acceptant de rejoindre Sony? Ne risque-t-elle pas de perdre des clients et partenaires (voir encadré ci-contre)? Michel Tombroff se veut confiant: “Sony, c’est au contraire pour nous une opportunité intéressante de déployer nos solutions et technologies dans toute une série de solutions – jeux vidéo, mobiles, téléviseurs…
Nous devrons sans doute réorienter certaines de nos priorités mais il est encore trop tôt pour déterminer comment. Des plans devront être définis au cours des prochains mois. La volonté de Sony est en tout cas que nous continuions sur notre lancée.
Par ailleurs, nos collaborations avec d’autres acteurs dans d’autres domaines ne sont pas remises en question. Nous poursuivrons par exemple à desservir nos partenaires dans le secteur automobile”.
Au passage signalons que ce secteur représente actuellement environ un tiers du chiffre d’affaires de la société, soit autant que ses activités sur le terrain des capteurs (vente de licences à des tiers). Le solde du chiffre d’affaires vient de divers secteurs, notamment la robotique.
“Sony est clairement intéressé par tout ce que nous faisons, dans tous les domaines, et nous pousse à continuer.” En ce compris dans le domaine de la réalité virtuelle et/ou augmentée, une voie dans laquelle Softkinetic s’est engagée. Sony, rappelle Michel Tombroff, dispose aussi d’une importante activité dans ce domaine (solution baptisée Morpheus). “Cette division de Sony s’intéresse donc aussi à ce que nous faisons…”
Le géant japonais met en tout cas la main sur la société à un moment plus qu’opportun, semble-t-il. En effet, la “petite belge” avait laissé entendre, voici quelques mois, qu’elle s’apprêtait à dévoiler une nouvelle avancée majeure, dans le domaine de la réalité virtuelle et augmentée. A savoir: un potentiel de détection et de suivi temps réel des positions des joueurs et utilisateurs dans l’espace, destiné à des environnements de réalité virtuelle mobile. Et ce, sans capteur ou caméra externe au dispositif de réalité virtuelle et en garantissant un champ de vision ultra-large (des prototypes existants vont jusqu’à 200°).
Ancrage belge garanti
“Dans toutes les conversations et négociations que nous avons eues, ces derniers mois, avec Sony, il a été manifeste que l’intérêt de Sony est de voir Softkinetic poursuivre ses activités en Belgique”, affirme Michel Tombroff. “Rien ne change, il n’y a pas de délocalisation, de perte d’emploi. Il n’est pas question de fusionner avec un entité Sony.”
La seule chose qui change, selon lui, c’est donc l’actionnariat. La totalité des anciens actionnaires se retirent – aussi bien les dirigeants de la société que les principaux partenaires qu’étaient, par ordre d’importance, Hunza Ventures (environ 20% du capital), Proximus et la SRIW (tous deux actionnaires à hauteur approximative de 10%).
Si l’initiative des négociations semble avoir été prise par Sony, le fait est que Softkinetic, l’année dernière, avait entamé une réflexion pour son évolution future. “Nous avions deux options”, explique Michel Tombroff. “Soit effectuer une levée de fonds pour accélérer notre croissance. Soit trouver un partenaire pour un rachat. C’est cette deuxième option, avec l’intérêt marqué par Sony, qui a prévalu et qui a emporté l’approbation de tous les actionnaire…”.
Dernière précision: Softkinetic emploie actuellement 77 personnes, dont la toute grande majorité sont basées à Bruxelles. Cinq personnes travaillent sur le site de Jumet, qui, après s’être destiné à la conception de jeux vidéo et de contenus interactifs, s’est recentré sur le développement de concepts – notamment dans le domaine de l’expérience utilisateur – basés sur les technologies mises au point au QG de Bruxelles. Notons encore que Softkinetic compte trois collaborateurs en Californie, à Sunnyvale, où elle dispose d’une antenne commerciale depuis 2010.
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