Le Sirris, à Liège, commence à donner naissance à plusieurs spin-offs qui se focalisent sur le marché porteur de la fabrication additive. Dans ce même dossier, nous vous parlons par exemple de la société Any-Shape qui prendra son envol début 2016.
Elle est devancée de quelques mois par une spin-off, Cerhum, qui se positionne sur le terrain de la production de dispositifs médicaux et d’implants destinés à la chirurgie maxillo-faciale, à l’orthopédie (reconstitution et redressement osseux) ou encore à la dentisterie.
Autre caractéristique majeure de cette jeune société: le matériau utilisé – en l’occurrence, la céramique, dans un premier temps – et le procédé de conception et de fabrication.
“La céramique présente de nombreux avantages”, souligne Grégory Nolens, fondateur de la société et jusqu’ici ingénieur en fabrication additive au Sirris. “C’est une matière biocompatible qui se caractérise par une porosité optimale, permettant une régénération osseuse efficace et rapide. Elle présente également des propriétés d’isolation électrique, des qualités thermiques et qui résiste par ailleurs aux charges, aux abrasions et à la corrosion.”
L’expertise en production additive en céramique est encore assez rare sur le marché. Or, souligne Grégory Nolens, “le marché est latent”, la demande potentiellement explosive. “Il est dès lors important d’être parmi les pionniers, avec les bonnes applications et les bons partenaires.”
Le principe sur lequel il compte s’appuyer est en effet l’élaboration d’un réseau de partenaires complémentaires: le Sirris, bien entendu, mais aussi le centre de recherche CRIBC (pour des idées de valorisation de la céramique), des fabricants d’imprimantes, de matériaux…
Valorisation locale
Cerhum est un exemple typique d’idée et d’initiative qui s’appuie totalement sur les compétences locales. La recherche a été effectuée au Sirris et continuera d’être effectuée en duo à l’avenir: Cerhum se focalisera sur l’évolution et les développements en matière de matériaux et d’automatisation du processus de production, tandis que le Sirris continuera dans la voie du développement des machines d’impression.
Grégory Nolens: “Valoriser en local et continuer à bénéficier des expertises et ressources locales.”
La spin-off est en outre incubée au WSL, bénéficie de l’assistance du CIDE-Socran pour l’élaboration de son plan commercial et financier, et s’appuiera sur des investissements essentiellement locaux (privés et publics).
Après sa phase d’incubation à Liège, elle compte s’installer dans le Science Parc du Sart-Tilman, pour continuer à bénéficier des expertises et ressources locales – espace salle blanche des WSL Labs, PIMW (Pôle d’Ingénierie des Matériaux de Wallonie)…
Grégory Nolens insiste sur l’importance de cette valorisation locale de la technologie. Juste retour des choses, en somme, par rapport aux apports en amont mais aussi dans une perspective plus historique – et nostalgique. Après tout, le centre a déjà donné naissance, voici plus de deux décennies, à une spin-off que la Wallonie n’a pas jugé bon, à l’époque, de garder chez elle. C’était une certaine… Materialise.
Notons au passage que cette dernière était intéressée par le procédé de fabrication en céramique développé au Sirris, mais elle devra sans doute désormais chercher une autre société à racheter ou développer elle-même l’expertise si elle veut ajouter cette spécialité à son catalogue, déjà bien fourni – en ce compris dans le domaine médical. Ou faire alliance avec Cerhum?
Le médical d’abord
La première cible de clientèle de Cerhum sera le monde médical, pour des applications (implants et dispositifs en céramique, instruments tels des laparoscopes) destinées, on l’a vu, à la chirurgie, à l’orthopédie et à la dentisterie.
Son positionnement? Conception et production de petites et moyennes séries.
La jeune pousse a d’ores et déjà épinglé quelques clients et prospects. Telle cette société française, Kasios, qui s’est positionnée sur le terrain de la fabrication d’implants intervertébraux en céramique et qui s’est établie en Belgique en vue de bénéficier d’un apport d’expertise local, de poursuivre ses développements et leur exploitation. Capacité de production actuelle: 10.000 pièces.
Implant orbitaire en céramique. La porosité permet la reconstruction plus rapide des os. Source: Sirris.
Cerhum collabore par ailleurs avec l’ULg pour des applications en dentisterie et construction maxillaire. Un autre projet, mené avec Bone Therapeutics, porte sur de la production… de cellules souches qui pourront être utilisées pour soigner certains types de pathologies (par exemple des fractures non jointives). Cerhum fournira les supports en céramique.
Selon le cas, la société assurera la conception et la production de dispositifs médicaux sur-mesure ou standard. “Selon les besoins du client et les parties du processus qu’il veut se réserver, nous interviendrons sur toute la chaîne – de la conception jusqu’au post-traitement des pièces -, ou seulement sur certains éléments.” Pour Kasyos par exemple, Cerhum assure les tâches d’adaptation du concept de base, la fabrication de la pâte et la production.
Dans le domaine de la dentisterie, un projet Plan Marshall a été déposé conjointement avec le CHU de Liège et la start-up WishBone, spécialisée dans le développement de bio-matériaux de régénération osseuse. Objet du projet: de la fabrication additive pour reconstruction osseuse. Les premiers essais cliniques pourraient intervenir d’ici 3 ans.
D’autres débouchés
Cerhum ne se limitera pas à la production de dispositifs en céramique à destination médicale ou biotechnologique. D’autres possibles cibles sont évoquées par Grégory Nolens: “la machinerie, le spatial, l’agro-alimentaire, la bijouterie…”
Dans un deuxième temps, elle compte étendre ses activités à des productions additives en polymères, sans pour autant en faire un axe prioritaire – “d’autres acteurs locaux, tels Addiparts, se sont déjà positionnés sur ce terrain”.
La diversification devrait donc surtout s’effectuer, en céramique, via le ciblage d’autres domaines.
A plus long terme, Grégory Nolens vise aussi la production additive métallique pour des applications qu’il qualifie d’“exotiques”. Lisez: “des fabrications dans des matières métalliques et alliages que d’autres ne pratiquent pas”. Ou peu. Cerhum visera donc d’autres matières que le titane ou l’aluminium. Du genre, inox.
“Le procédé de fabrication, développé et mis au point au Sirris et que Cerhum poursuivra, s’y prête. Il concerne des composites de résines et de poudres, ce qui permet d’éviter les problèmes de réactivité thermique dont souffre l’aluminium ou, plus encore, le magnésium. Produire avec les procédés actuels, qui s’appuient uniquement sur des poudres métalliques, n’est donc pas possible. Des alliages “exotiques” sont très réactifs et ne peuvent donc être mis en oeuvre avec les procédés actuels. Cerhum proposera une solution à ce problème.”
A son stade actuel, Cerhum n’a pas encore obtenu la certification ISO 13485, nécessaire pour pouvoir produire des dispositifs médicaux pour compte de tiers. Dans l’intervalle, “nous produirons des produits déjà certifiés et nous en profiterons pour poursuivre nos développements. La certification n’est pas nécessaire pour qualifier le procédé et produire afin de procéder à des essais cliniques.”
Carte d’identité de Cerhum
Création: 2015
Localisation: Liège
Effectifs: 2 personnes
Fondateur: Grégory Nolens
Spécialisation: conception et production de dispositifs pour les secteurs médical et biotechnologique
Matériaux: la céramique et, demain, le métal
Public-cible: secteur médical (essentiellement)
Technologies utilisées: SLM (frittage de poudre par laser)
Financement: levée de fonds en cours auprès d’investisseurs publics (tous belges, dont Meusinvest) et privés (sans doute un français parmi eux)
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