En 2014, le rapprochement de deux sociétés – Decision Experts (analytique marketing, à orientation pharma) et The Smart Company (gestion et optimisation de consommation énergétique photovoltaïque) – donnait naissance à Opinum, basée à Braine-l’Alleud.
Aujourd’hui, après s’être totalement refocalisée sur le domaine énergétique mais cette fois, au sens large (surveillance et optimisation des consommations d’électricité, de gaz, de mazout, d’eau) pour des bâtiments dans le secteur tertiaire, la société s’apprête à déménager vers Charleroi. Voir en fin d’article les raisons de l’abandon du secteur pharmaceutique (partie d’article réservée à nos abonnés Select et Premium).
Raison du déménagement vers Charleroi? Une levée de fonds en cours, qui devrait être officialisée d’ici quelques semaines, avec comme partenaire principal Sambrinvest. Somme réunie: 1,1 million d’euros. Deux autres investisseurs (dont les noms ne seront dévoilés qu’une fois bouclée la phase de due diligence) sont de la partie, l’un venant du secteur public, l’autre du privé (un fonds privé d’investissement et non un business angel).
Les raisons de cette levée de fonds? “Notre solution OpiSense se vend bien, preuve que le positionnement imaginé est porteur. Nous engrangeons des clients, tant dans le secteur public que privé. Le moment était venu d’accélérer les choses. Mais il nous manquait encore des compétences commerciales. Une partie des nouveaux moyens serviront à engager trois profils commerciaux et un technique”, explique Loïc Bar, fondateur de The Smart Company et co-directeur, désormais, d’Opinum.
Les capitaux frais serviront surtout à étayer la croissance et la pénétration à l’international. Les premiers pas, en ce sens, ont déjà été franchis puisque la société compte des clients et donneurs d’ordre en France, en Allemagne, au Grand-Duché, mais a aussi enregistré, ces derniers mois, des demandes venues d’Egypte, de Colombie ou encore de Suède.
Direct et indirect
Cet intérêt de donneurs d’ordre et partenaires étrangers s’explique par le modèle et le positionnement commercial choisis. Opinum démarche ses clients en direct mais passe aussi par des distributeurs et des partenaires qui intègrent sa solution dans leur propre catalogue.
“Nous ne proposons que du logiciel. Pas de service-conseil en efficacité énergétique. Pas de matériels. Cela nous permet de demeurer agnostique et de pouvoir travailler avec des systèmes tiers disparates [des compteurs, systèmes de relève, capteurs… venus de chez Siemens, Schneider et consorts]”, explique Loïc Bar.
Le fait de ne pas proposer de services évite également à la société, dans le cadre de ses ambitions à l’international, de devoir ouvrir des antennes et de recruter des experts en énergie, parfois rares et onéreux, dans divers pays… La méthode lean, en quelque sorte.
Les partenaires recherchés? Essentiellement des acteurs de l’optimisation énergétique. En Belgique, ils ont par exemple pour noms Dauvister, Optiwatt, Factor4… “La complémentarité est idéale: ils se chargent du volet efficacité énergétique, nous de sa gestion. Cela permet en plus de faire du cross-selling vis-à-vis des clients… Et, surtout, de grandir vite.”
A l’international, Opinum a par exemple passé un contrat-cadre avec EdF, qui revend sa solution ou l’implémente dans le cadre de ses propres projets. Notamment… en Belgique. EdF a par exemple décroché un contrat dans le secteur de l’enseignement (la société ne désire pas livrer le nom de son interlocuteur mais disons que 56 écoles sont concernées à court terme).
Optimiser les consommations
Mouture plus évoluée de la solution EnergyImpact conçue à l’origine par The Smart Company (relire notre article), la solution OpiSense, développée sous la forme d’un portail en-ligne, collecte (automatiquement ou non) les données générées par des compteurs et capteurs énergétiques ou de consommation (puisque l’eau est également concernée).
Objectif: analyser les consommations, produire des rapports et des recommandations. Conseils en termes de consommation mais aussi identification de bâtiments posant un problème tout particulier et par lesquels, par exemple, une administration communale pourrait commencer dans le cadre d’un projet de rénovation immobilière.
Opinum n’est évidemment pas la seule société à s’être lancée sur ce créneau. Ses arguments différenciateurs? Une offre purement logicielle (pouvant venir compléter certains catalogues) et une analyse d’informations de trois types: les données de consommation proprement dites, des paramètres environnementaux externes tels que la température extérieure ou le taux d’humidité (et leur impact sur la consommation) et des données d’usage. Ces dernières requièrent évidemment (et c’est un point potentiellement faible) un encodage manuel, volontaire – et objectif. Il s’agit par exemple, explique Loïc Bar, des heures d’ouverture d’un bâtiment, des heures d’occupation de tel ou tel local, le taux d’occupation des chambres d’un hôtel…
Côté fonctionnalités et ergonomie, OpiSense tente aussi de se démarquer en favorisant, d’une part, une interface conviviale “anti-ingénieur, pouvant être comprise par un utilisateur qui n’a rien d’un expert énergétique” et, de l’autre, une création de rapports dont la forme est laissée à l’appréciation de chaque client. “Nous n’imposons rien. Nous n’avons pas conçu des centaines de gabarits au préalable. L’utilisateur peut aisément créer le rapport qui lui convient. S’il peut utiliser Excel, il peut aussi utiliser OpiSense.”
Clientèle mixte
En Belgique, la société a convaincu plusieurs villes et communes d’implémenter son logiciel. Parmi ses références: Herve, Ans, Louvain-la-Neuve.
A Herve, le premier projet a concerné la surveillance de consommation d’un hall omni-sports. D’autres bâtiments pourraient être concernés à la faveur d’un projet de rénovation énergétique des bâtiments anciens piloté par le GRE-Liège.
Source: La Gazette des Communes.
A Louvain-la-Neuve, Opinum assure la surveillance de quelque 130 bâtiments publics. Tous ne sont pas encore équipés en matériels de télé-relève énergétique mais, souligne Loïc Bar, “il n’est pas nécessaire qu’un bâtiment soit équipé de capteurs. Certes, la granularité [de relève et d’analyse] est plus fine dans ce cas mais le vrai besoin de base est la présence d’un bon compteur.” Dans la majorité des cas, la relève des consommations se fait donc encore sur site. La nouveauté? Plus besoin de papier et de crayon, de réinjecter les données dans des logiciels classiques du genre Excel.
Une application mobile est en préparation qui permettra aux gestionnaires de bâtiments ou autres responsables d’alimenter directement la plate-forme d’analyse Opinum.
La clientèle des villes et communes n’est-elle pas difficile à convaincre – notamment pour des contraintes budgétaires qui freinent les investissements? Loïc Bar estime, au contraire, que le créneau est porteur. Tout en admettant que les négociations et le processus de décision sont longs. “Il s’agit encore d’éduquer le marché. Rares sont les administrations qui décident d’équiper tous leurs bâtiments. Louvain-la-Neuve fait encore figure d’exception. Mais il y a, à la clé, deux sources potentielles de gains. D’une part, en efficacité énergétique – on peut aller jusqu’à 35% d’économies, en démontrant les mauvaises configurations des systèmes et équipements existants. D’autre part, en gains opérationnels. Les nouveaux outils sont nettement plus efficaces qu’une relève sur le terrain, avec du papier et un crayon.”
Côté privé, Opinum annonce, parmi ses premiers clients, Microsoft, pour son Executive Business Center, situé au coeur de Bruxelles. Le projet d’équipement est encore en cours. Opinum en espère une vitrine pouvant séduire d’autres clients.
L’opportunité fait le larron
Opinum est née en 2014 née du rapprochement de deux sociétés: Decision Experts, active dans le “marketing quantitatif” et le Big Data pour l’industrie pharmaceutique, et The Smart Company, qui s’était positionnée sur le terrain de la gestion des données énergétiques des bâtiments. Option: photovoltaïque. Le recul des installations de tels systèmes en Belgique et, particulièrement, du côté francophone, a porté un coup dur au positionnement de la société et fut l’une des raisons qui l’ont poussée à rechercher ce mariage avec Decision Experts. L’autre raison était davantage lié à ses compétences-clé.
Loïc Bar: Se recentrer sur le domaine de l’énergie et de l’optimisation des consommations pour concentrer les moyens.
“Nous étions essentiellement des informaticiens, orientés vers l’automatisation de tâches”, explique Loïc Bar, fondateur de The Smart Company. “Decision Experts, de son côté, avait surtout une équipe d’ingénieurs physiciens, capables d’interpréter les données, doués pour l’algorithmique.”
Après que chacune des deux sociétés ait, un temps, continué sur son terrain de prédilection (le pharma pour Decision Experts, l’énergie pour The Smart Company), la décision fut prise d’arrêter cette dualité et de se reconcentrer sur tout ce qui touche à l’énergie. “Nous voyions de plus en plus d’attrait pour nos développements d’EnergyImpact [Ndlr: qui allait se transformer en OpiSense). Pour réaliser notre potentiel, nous nous sommes vite rendu compte qu’il fallait choisir. Opinum s’est alors recentrée sur les activités de The Smart Company”, déclare Jonathan Hubeau, jusque là patron de Decision Experts, désormais co-directeur d’Opinum aux côtés de Loïc Bar, fondateur de The Smart Company.
Ce dernier précise: “L’axe pharma impliquait essentiellement des prestations de conseils. Cela exigeait une forte dose de ressources humaines et s’avérait destructeur pour l’axe énergie. Or, nous avions pu constater, sur ce terrain, une importante traction.”
D’où la sécession. Opinum se recentre donc entièrement sur le domaine énergétique, abandonnant le pharma. Mais les activités en analyse pharmaceutique ne s’arrêteront pas pour autant. Elles sont en effet reprises par l’un des associés de Decision Experts, à savoir Frédéric Roland dont la société, PharmaVision, avait été à l’origine des activités pharma de Decision Experts.
Voilà donc un exemple assez intéressant de société qui s’est “morphée” au fil du temps, adaptant son modèle, sa forme – et ses compétences – au gré des opportunités.
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