Digital Wallonia Hub: un futur “iMinds” wallon?

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Par · 22/09/2015

Mieux “potentialiser” la recherche en matière de numérique et aménager des courroies de transmission et de collaboration plus efficaces entre recherche (notamment académique) et Industrie/monde des entreprises. Pourquoi pas à la manière de ce que la Flandre a fait via l’institut iMinds (anciennement IBBT). Voilà une idée qui s’est fait jour et qui est même venue “d’en haut” – lisez du niveau gouvernemental. Une idée qui a été explorée, avalisée et préconisée par les travaux des Assises et du Conseil du Numérique. Objectif: créer un “Digital Wallonia Hub” dédié à la recherche et l’innovation numérique.

Une idée encore au stade de concept

Sa mission, telle qu’envisagée dans le rapport du Conseil du Numérique? “Accélérer la recherche dans le domaine du numérique et dynamiser le processus de transmission entre monde de la recherche universitaire et les entreprises”.

“Le pilotage de la recherche, dans le secteur du numérique, doit davantage équilibrer l’offre et la demande et s’appuyer sur les acteurs-clé de la recherche et les représentants-clé de l’industrie (pôles de compétitivité, clusters, Agoria…) afin de gérer efficacement et offrir des réponses structurées à la demande venant de l’industrie”, souligne Benoît Macq, professeur à l’UCL mais aussi expert auprès du cabinet du Ministre Marcourt. “Il faut davantage structurer la recherche dans le domaine numérique, établir un lien efficace entre offre et demande, en respectant les cycles plus courts, voire fugaces, qui sont ceux des technologies numériques.”

Objectifs espérés: introduire davantage de pragmatisme dans les thèmes de programmes de recherche pour mieux prendre en compte la demande industrielle, favoriser la création de spin-offs, fédérer et focaliser les mécanismes de financement, “accroître la présence wallonne dans les projets européens de recherche en captant le potentiel de financement”.

La forme que prendra ce “DWhub” (Digital Wallonia Hub”? Elle n’est pas encore précisée. La proposition de Plan du Numérique se contente d’en souligner la nécessité et de préconiser la mise en oeuvre d’une stratégie en la matière. Le Conseil du Numérique recommande toutefois qu’il n’y ait pas création de nouvelle institution et propose trois axes ou composantes indispensables:

  • un volet “lab”: notamment pour accueillir et susciter des “expériences-pilote en cycles courts en collaboration avec des partenaires du tissu industriel” et des mécanismes de mutualisation et d’expérimentation; c’est, en gros, le principe du living lab
  • un volet “accélérateur”, avec accès à des mécanismes de financement adaptés et porteurs – en ce compris public, en ce compris de nature internationale; d’où l’idée d’y associer notamment la SRIW, le NCP-Wallonie (projets européens) et WBI-AWEX
  • un volet “mise en relation”, notamment au travers de la plate-forme Digital Wallonia.

Comparaison est-elle raison?

S’agira-t-il d’un acteur existant à qui on donnera une plus grande envergure? D’un organisme nouveau (mais le Conseil du Numérique, on l’a vu, le déconseille)? D’un mécanisme de collaboration? On verra plus tard ce que le gouvernement décidera.

Qu’en pense-t-on sur le terrain? Nous avons par exemple posé la question à Damien Hubaux, directeur général du CETIC (centre de recherche et d’expertise en ICT), bien placé pour juger du potentiel… et de la faisabilité. “Si l’on prend l’exemple d’iMinds, ses différents axes d’action sont présents en Wallonie”, estime-t-il. Et, parlant pour sa propre chapelle, estime que le Centre – qui n’en revendique pas pour autant (ou pas forcément) ce rôle futur de “hub” wallon – dispose déjà de quelques arguments qui n’attendraient que d’être renforcés ou de s’inscrire dans la dynamique future.

Voici comment il compare le rôle d’iMinds avec les embryons présents en Wallonie.

L’une des raisons d’être majeures d’iMinds est d’associer dans une même dynamique les différentes départements de recherche universitaire afin d’atteindre une masse critique. Plus de 900 chercheurs universitaires qui se mettent à la disposition de l’industrie, des PME et du monde associatif dans le cadre de projets de recherche et de mécanismes de transfert de connaissances, de transformation de l’industrie.

“Le Cetic s’inscrit déjà dans ce genre de démarche puisque certains de nos chercheurs nous viennent des universités et que le Centre travaille sur le transfert de technologies vers les entreprises.

Deuxième trait caractéristique d’iMinds, lié en partie au précédent: une force de frappe certaine et une forte présence sur la scène et dans les initiatives européennes. Dans ce domaine, la Wallonie a clairement du retard à rattraper ou une présence plus affirmée à créer. “Le Cetic est très actif dans le domaine des projets européens et peut encore l’être plus à l’avenir.” En insistant toutefois sur la nécessité d’inclure nettement plus les entreprises dans le processus.

L’incubateur iStart d’iMinds pointe en 25ème position parmi les meilleurs “university business incubators” au monde. Classement: UBI.

Troisième trait distinctif d’iMinds: les projets ICON, menés en mode “recherche agile” de concert par des chercheurs et des entreprises, living labs… En Wallonie, les “instruments” sont plus diffus: chèques technologiques, projets, études de faisabilité…

Quatrième rôle assumé par iMinds: l’incubation de start-ups et de spin-offs. Avec un bilan assez impressionnant: plus de 75 jeunes pousses mises sur les rails à ce jour, et souvent très en pointe technologiquement.

Cinquième pilier: les “living labs”. Encore un domaine où la Flandre s’est lancée nettement plus vite que la Wallonie. Relire notre dossier et l’article que nous avons consacré aux activités flamandes en la matière. La Wallonie, elle, vient, l’année dernière, de donner le coup d’envoi à ses deux premiers livings labs: le Smart Gastronomy Lab et le WeLL (en e-santé).

Dernière petite comparaison: iMinds se focalise sur domaines. Le texte du rapport du Conseil du NUmérique pointe lui 5 domaines de focalisation pour ce futur WBhub. A savoir: l’industrie4.0, l’industrie des médias [lisez aussi “transmédia] et de la création, l’e-santé, la “smart region” (connectivité, infrastructures optimisées…), le big data (et l’analytique qu’il suppose).

Prémices en place?

Pour Damien Hubaux, le “périmètre” qui pourrait être celui du Digital Wallonia Hub est donc couvert, même si c’est de manière morcelée, non structurée, non coordonnée… et encore incomplète. “Ce ne serait donc pas une révolution que de développer la même dynamique en Wallonie. Si on la structure bien…”

Faudra-t-il nécessairement un organe-pilote, une “locomotive”? Certaines susceptibilités se feront-elles sentir?

Trop tôt pour le dire ou le prédire.

Aux yeux de Damien Hubaux, néanmoins, on pourrait fonctionner “en mode collaboratif, si on donne les moyens.” Mais il est, selon lui, “encore trop tôt pour forcer la collaboration.” Mieux vaut laisser agir les bonnes volontés. Avec un démarrage de dynamique qui, toujours selon lui, pourrait venir du monde académique: “si des mécanismes de collaboration [spontanée] inter-universitaire se font jour, la collaboration suivra…”

Benoît Macq, quant à lui, souligne que l’AdN est sans doute appelée à servir de “pôle administratif” du Digital Wallonia Hub.