HLO: remettre l’artiste aux manettes de la musique électro grâce à l’IT

Portrait
Par · 13/07/2015

Prononcez Hello si vous le désirez mais les trois lettres HLO sont à la fois le nom d’une jeune pousse verviétoise et l’abréviation du collectif d’artistes/développeurs qui en est à l’origine, à savoir Herrmutt Lobby. Son terrain de jeu: la conception de logiciels, d’applis mobiles (iOS) et de dispositifs pour le monde de la musique. Public visé: à la fois les purs amateurs et simples mélomanes et les pros.

Les créations, existantes ou à venir, sont destinées à la fois à l’interprétation et création de musique électronique et à la ré-invention d’instruments existants.

L’artiste n’est pas un robot

L’aventure HLO est née d’une frustration de ceux qui, à l’époque, n’étaient encore que de ‘simples’ musiciens électroniques. Leur souci: être limités, lorsqu’ils se produisaient sur scène, à simplement activer des boutons. “Ce qui existe sur le marché ne permet que de faire jouer par des machines la musique préalablement enregistrée et de modifier la partition. Mais rien n’existe pour réellement jouer en direct et en groupe”, souligne Pascal Demez, compositeur-interprète (doublé d’un profil de designer/prototypeur IT).

Autant faire exécuter cela par un robot, l’effet serait le même…

D’où la volonté du collectif Herrmutt Lobby de créer des logiciels mais aussi du nouveau matériel qui permettraient aux musiciens de redevenir de véritables “artistes en scène”.

“Nous avons trois objectifs. Le temps réel pour pouvoir jouer en direct. La systémique pour que ce que joue un musicien ait un impact sur ce que fait un autre. A cet égard, l’IT nous permet de créer des règles et des interactions entre les interprètes et c’est là l’un des différenciateurs de notre solution. Et, enfin, l’expression. Pour cela, nous nous sommes lancés dans le développement d’instruments plus expressifs.”

Pour grand public et pros

Dans le courant de ce mois de juillet, le premier logiciel développé par HLO fera ses débuts sur l’App Store. Il s’agit en l’occurrence de l’appli PlayGround destinée à l’iPad.

Cible: le musicien amateur, en pantoufle. “L’appli a surtout un but de vulgarisation, l’ambition de changer les regards sur la musique électronique, de permettre au simple mélomane de se découvrir des aptitudes.”

A proprement parler, ce n’est pas la première création logicielle du collectif. En 2012, il avait déjà sorti son premier produit IT, baptisé Beatsurfing. Il s’agissait en fait d’un simple contrôleur (déjà sur iPad) “qui produisait une interface mais n’avait rien d’un moteur audio permettant réellement de produire de la musique.”

PlayGround, lui, permettra au simple quidam de télécharger une chanson, un morceau de musique, une composition sur son mobile et de l’interpréter à sa manière, “de créer un nombre infini de variations sur un même thème ou une même harmonie.”

Pour ce faire, HLO a packagé dans l’appli un ensemble de règles qui déterminent la position des “objets” musicaux (contrôleurs) qui composent les différentes “scènes” programmées (morceaux) ainsi que des règles d’interaction entre ces objets, “de quoi guider l’interprétation”. A visionner, cette petit démo qui vous donnera une idée de ce que permet l’appli. 

A noter que pendant deux mois, PlayGround ne sera disponible pour téléchargement que dans trois pays-test (Pays-Bas, Suède, Canada). “Nous profiterons de cette période de test grandeur nature pour affiner le modèle business, calibrer la solution, mesurer les réactions du marché, en ce compris en termes de tarification”, souligne Edwin Joassart, directeur de la jeune société. A noter en effet au passage que si l’appli elle-même sera gratuite, chaque scène sera, elle, payante (tarif testé: 2 euros).

Le lancement général est donc prévu pour septembre. A cette date, le catalogue proposé se limitera sans doute à 5 artistes et 10 scènes (morceaux réinterprétables). “Le nombre exact dépendra de notre capacité à produire des contenus. En principe, nous serons en mesure d’ajouter au moins une scène par semaine après le lancement.”

Avec, potentiellement, une montée en puissance. “70% des artistes contactés, en ce compris parmi les pontes de l’industrie, se disent enthousiasmés par l’idée…” et pourraient donc rejoindre la jeune écurie.

“On trouvera dans le catalogue PlayGround plusieurs compositions réinterprétables de 20syl. Une opération de promotion croisée entre lui et nous…”

Au catalogue, on retrouvera aussi des productions plutôt originales telles qu’une composition de l’artiste français 20syl qui a imaginé la U, une rampe sonore pour skaters. 

HLO est en effet également active dans la dynamisation d’installations artistiques monumentales. La réalisation faite pour 20syl et sa rampe de skate musicale en est une. La rampe a en fait été transformée en surface tactile. Le skater “joue” de son instrument en rythmant ses mouvements, cadences, déplacements… Une rampe sonore qui est en outre “illustrée” puisque les interactions entre le mouvement et le son se matérialisent via une projection de pictogrammes graphiques animés sur la surface afin de figurer les zones interactives.

Des instruments pro

Dans un deuxième temps (début 2016 en principe), HLO commercialisera des solutions pour musiciens professionnels.

“Là où PlayGround ne propose qu’un produit “fini” à l’utilisateur, une chanson qu’il peut interpréter mais sans produire réellement lui-même de la musique, les solutions pro s’adresseront aux producteurs et compositeurs. L’objectif est de leur procurer de nouveaux outils grâce auxquels ils pourront mettre leur propre bagage à profit, dans un environnement nouveau, pour produire eux-mêmes des règles et de nouvelles compositions.”

“Nous voulons proposer aux musiciens électroniques des outils qui leur permettront de se différencier.” Sur la photo: les deux musiciens de HLO: Jean Uenten (à g.) et Pascal Demez (à dr.)

Cette gamme de produits prendra la forme à la fois de dispositifs musicaux et de logiciels permettant à divers types de composants électroniques et de dispositifs musicaux d’interagir. HLO veut en fait réinventer des “outils” existants (instruments classiques ou électroniques), voire en créer de nouveaux.

A l’aide du Sirris (Liège), des fonctions logicielles ont par exemple été rajoutées aux faders (potentiomètres) classiques pour en faire de nouveaux outils d’interprétation. Désormais, ce n’est plus la seule position du fader qui détermine le type de son mais d’autres paramètres entrent en jeu, tels que la pression exercée par le musicien sur le bouton.

Divers développements similaires sont programmés. Parallèlement, des tests sont en cours avec des musiciens ou groupes de musiciens. D’abord, sur le matériel et, dans un deuxième temps, avec les logiciels.

“Nous voulons proposer aux musiciens électroniques des outils qui leur permettront de se différencier.”

HLO ne travaillera pas “sur mesure” pour chaque artiste, comme le collectif a pu le faire jusqu’à présent, mais les solutions plus génériques que la jeune société verviétoise proposera “seront suffisamment modulaires, les fonctionnalités et outils proposés suffisamment petits pour que les utilisateurs puissent les combiner de différentes manières. Notre principal défi”, poursuit Pascal Demez, “est de donner naissance à une interface claire que les musiciens, qui ne sont pas des informaticiens, puissent s’approprier aisément. Sans devoir passer par de longues heures de tutoriel ou de lecture d’un mode d’emploi…”

iOS plutôt qu’Android

L’iPad a été choisi pour développer et proposer l’appli PlayGround pour des raisons purement techniques. “iOS propose des temps de réponse de l’écran à la fois plus courts et plus uniformes que la plate-forme Android. Les temps de latence sur iPad sont faibles (50 millisecondes). Ils sont plus importants sur les autres plates-formes. Or, à partir de 80 millisecondes, le délai entre le geste et le résultat produit ne donne plus l’impression de faire de la musique… Pour faire du temps réel, iOS est le passage obligé.”

Quelles que soient les qualités de l’iPad, il arrive “trop court” pour les solutions pro. Celles-ci seront donc davantage destinées à des ordinateurs “classiques” – PC ou Mac. “Avec son temps de latence de 50 millisecondes, l’iPad se prête bien à des solutions de vulgarisation mais n’offre pas les performances pointues nécessaires pour mesurer les gestes en situation d’interprétation et de production. Même s’il nous est déjà arrivé nous-mêmes de l’utiliser, en interprétation live avec une batterie et un joystick…

La Faktory

Dans son aventure HLO, le collectif Herrmutt Lobby a reçu deux coups de pouce majeurs. D’une part, une bourse de Creative Wallonia dans le cadre du concours BoostUp/Industries créatives. Bourse qui lui a permis de lancer le développement de la gamme pro. Et, d’autre part, une rencontre avec Pierre L’Hoest. Côté financier, son investissement a notamment permis la finalisation du prototype de l’appli PlayGround. Côté accompagnement, l’équipe de l’incubateur La Faktory procure à HLO des conseils en stratégie, marketing et juridique “dont nous avons bien besoin dans ce qui est notre première expérience de l’entrepreneuriat, du moins à cette échelle”, souligne Edwin Joassart. “Profiter de leur expérience et de leur réseau nous permet de sécuriser notre chemin.”

Edwin Joassart: “Cristalliser 10 ans de R&D dans des produits grâce à l’investissement de Pierre L’Hoest (La Faktory).”

HLO, aujourd’hui, c’est une équipe de 4 personnes, dont deux musiciens, un développeur et le patron, Edwin Joassart, “électronicien devenu marketeer, entre autres choses”. Par ailleurs, le quatuor s’est entouré de freelances, venus essentiellement du collectif dont HLO est issue. Les compétences complémentaires sont à la fois artistiques et informatiques – développeurs, musiciens, prof de math, fabricant d’instruments…