Créée en décembre 2014, e-Peas est une spin-off de l’UCL. Terrain d’action: la micro-électronique optimisée pour le monde naissant de l’Internet des Objets et, de manière plus spécifique, le développement de microsystèmes permettant de déployer des solutions de capteurs sans-fil consommant le moins possible d’énergie.
Pendant 10 ans, une équipe de l’UCL a conduit des recherches qui ont débouché sur la mise au point de composants optimisés, peu énergivores, aptes à répondre aux contraintes spécifiques de cette myriade de micro-objets connectés qui nous entoureront de plus en plus: capteurs environnements ou corporels en tous genres (fixés, portés, greffés…).
e-Peas (acronyme de Portable Energy Autonomous sensing Systems) se positionne sur un terrain qu’elle estime encore pratiquement vierge. A savoir: “l’électronique qui permet de concevoir des capteurs sans-fil opérant à énergie ambiante”. Autrement dit, des composants qui optimisent l’autonomie des objets connectés, en minimisant leurs besoins énergétiques, en s’alimentant à partir de sources naturelles (solaire par exemple) et en exploitant ces dernières de manière optimale (minimisation de consommation, démarrage de recharge à un seuil le plus bas possible…).
e-Peas est une spin-off du Laboratoire d’Ingénierie électrique de l’UCL. Ses deux fondateurs — Geoffroy Gosset, CEO, et Julien De Vos, CTO — y ont poursuivi les travaux de R&D avec l’aide des professeurs Denis Flandre, grand spécialiste de tout ce qui est semiconducteurs SOI (Silicon-on-Insulator), circuits, capteurs et MEMS (systèmes micro-électromécaniques), et David Bol, dont les recherches portent notamment sur les circuits et systèmes à ultra-basse puissance, les signaux mixtes ou encore les technologies nano-CMOS. Ces deux professeurs continuent d’officier en tant que conseillers scientifiques.
L’équipe d’e-Peas se compose actuellement de quatre personnes: 3 PhD en électronique et un ingénieur électronicien. Sans oublier Thierry Keutgen, engagé pour une mission de consultance (business development, segmentation de marché, relations client…).
Les différenciateurs sur lesquels s’est axée la R&D: la miniaturisation (via une réduction du nombre de composants associés à la puce) et des composants super-efficaces en récolte d’énergie ambiante, peu énergivores, autorisant un contrôle et un suivi à long terme des objets “pucés”, “là où des solutions classiques demanderaient plusieurs remplacements de batterie au cours de leur vie”, souligne Geoffroy Gosset, CEO d’e-Peas.
Autre argument différenciateur majeur pour e-Peas: les caractéristiques optimisées de ses produits ouvrent la voie à une exploitation indoor d’objets connectés en tous genres.
“Les qualités de consommation réduite et de démarrage sur base d’une énergie ambiante plus faible vont permettre de multiplier les nouvelles applications, en ce compris de la géolocalisation indoor ou dans des contextes inhospitaliers”, explique Thierry Keutgen, consultant auprès d’e-Peas. Deux exemples: le suivi de containers ou celui de wagons dans une mine…
“5 à 10 fois mieux”
A quel point, les chercheurs de l’UCL, à l’origine d’e-Peas, ont-ils amélioré l’efficience énergétique? La société affirme que ses composants sont “de 5 à 10 fois” plus efficients que ce qui existe actuellement sur le marché, tant en termes de consommation que de démarrage de charge.
Une microélectronique made in Belgium
“Cette double particularité rend les dispositifs et solutions qui utilisent nos composants plus robustes pour une taille de batterie inchangée. Elle ouvre aussi la voie à une miniaturisation des batteries.”
Thierry Keutgen n’en dira pas plus sur l’avancée technologique qui rend cela possible, se contentant d’indiquer que cela tient davantage aux techniques d’optimisation qu’à un choix de matériaux. “Agir au niveau des matériaux aurait d’ailleurs impliqué de devoir modifier voire concevoir de nouvelles lignes de production. Ce qui n’est pas le cas des produits e-Peas, qui pourront donc être produits en série dans des usines existantes, selon un processus déjà maîtrisé. La fabrication de nos produits n’impliquera donc pas de surcoût.” La production, évidemment, devra se faire à l’étranger.
L’identité du partenaire qui fabriquera les composants e-Peas? C’est encore tenu secret. “Mais c’est un important acteur mondial… asiatique.”
Vaste potentiel
Le marché-cible est vaste et diffus puisqu’il s’agit ni plus ni moins que de “tout ce qu’on désigne sous l’appellation générique d’objets smart”, indique Thierry Keutgen. Objets connectés domestiques, personnels, domestiques, professionnels, industriels, capteurs en tous genres, objets “pisteurs” de biens de valeur, de produits, d’animaux, “wearables”.
e-Peas, parmi cette myriade de possibilités, s’est choisie quelques marchés prioritaires. Dans l’ordre: la géolocalisation, la maison connectée, les compteurs intelligents, les “wearables”…
L’Internet des Objets suscite évidemment de nombreuses convoitises et de multiples projets de recherche, allant dans le sens d’une amélioration et optimisation des solutions. e-Peas et, avec elle, l’équipe R&D de l’UCL risquent donc d’avoir de multiples concurrents, voire de se faire dépasser en termes de réalisations.
Trois membres de l’équipe e-Peas – de g. à dr. Julien De Vos (CTO), Geoffroy Gosset (CEO) et Cédric Hocquet, le premier ingénieur recruté par la société.
Geoffroy Gosset se veut toutefois serein: les solutions actuelles sont le fruit de 10 ans de recherche universitaire et sont protégés par 5 brevets. La concurrence, elle, est essentiellement américaine: “elle ne fait pas mieux que nous, n’est pas plus avancée que nous et a choisi d’autres approches de développement qui visent d’autres produits et marchés que les nôtres”.
L’équipe dit en outre en avoir gardé sous la pédale: “nous n’avons pas encore décliné nos produits de base dans toutes les versions possibles”, affirme Geoffroy Gosset. “Mais, dès 2016, nous lancerons des variantes et des améliorations aux premiers produits. Avec l’avantage de ne devoir modifier que 10 ou 20% du design d’origine et de lancer les nouveaux produits plus rapidement sur le marché…”
Il y a toutefois une source d’inquiétude dans l’esprit de l’équipe e-Peas: si les Américains ne sont pas forcément plus avancés, ils ont par contre un atout dans leur manche: “leur capacité à faire sortir l’innovation des labos et à financer les projets de manière conséquente pour lancer de nouvelles start-ups”, souligne Geoffroy Gosset. “Le problème, chez nous, est que si la recherche est très bonne, si les développements sont à la pointe de ce qui se fait, à l’échelle mondiale, nous n’avons pas ou moins la possibilité de passer à la phase suivante, c’est-à-dire de lancer des sociétés qui soient financées de manière correcte durant leur phase de lancement… C’est en cela que nous avons eu la chance de rencontrer Pierre L’Hoest et la Faktory. Il existe relativement peu d’initiatives de ce genre en Belgique…”
Coup d’envoi en juillet
Le premier composant mis en pré-production dès ce mois de juillet est un récupérateur d’énergie, qui jouera le rôle de relais entre, par exemple, une cellule photovoltaïque et l’électronique interne d’un capteur et en orchestrera la consommation d’énergie. Après évaluation de la phase de pré-fabrication (validation du masque, évaluation sur projets-pilote), la production en série devrait démarrer dès la fin de l’année pour disponibilité commerciale au premier trimestre 2016.
“Nous avons déjà des contacts avancés avec divers clients qui opèrent dans différents domaines.” Pas de noms divulgables, malheureusement, accords de confidentialité obligent. Quelques projets-pilote “à forte valeur ajoutée” ont en tout cas été identifiés: “ils nous serviront de références” et de tickets de conviction. Volume potentiel de production: de 10.000 à 500.000 unités par an et par client.
Le deuxième produit, actuellement en cours de conception, que proposera e-Peas est un micro-contrôleur. La société a déposé un dossier auprès de la Région wallonne en vue d’obtenir un subside qui lui permettra de financer et accélérer sa phase de développement et prototypage. Lancement prévu dans le courant 2016.
En parallèle, des recherches ont d’ores et déjà été entamées pour une troisième gamme de produits, dont la société ne désire pas, à ce stade, dévoiler la nature mais qui s’insérera dans la philosophie globale – à savoir, le développement de microsystèmes minimisant la consommation de systèmes de capteurs sans-fil. La R&D se fait au sein de l’université.
“Nous continuons de travailler étroitement avec l’UCL. L’université se charge de la recherche expérimentale, tandis que e-Peas fait du développement expérimental et de la recherche industrielle. L’UCL poursuit la recherche fondamentale en vue de portages futurs pour industrialisation via e-Peas”, indique Geoffroy Gosset.
Incubation à Bierset
e-Peas est aujourd’hui incubée à La Faktory, à Liège. La société a en effet attiré les regards de Pierre L’Hoest qui a investi dans la jeune pousse et l’a intégrée dans son programme d’incubation.
La mise de fond de Pierre L’Hoest a permis à e-peas de poursuivre ses développements jusqu’au stade du prototype finalisé (elle avait déjà reçu une aide First Spin-Off de la Région wallonne) et couvrira les débuts commerciaux. Pour la première mise en production, le financement passera par des emprunts effectués par le même Pierre L’Hoest. En 2016 commencera la recherche active d’investisseurs pour l’étape de production en volume. Des investisseurs recherchés à l’international (Europe, Etats-Unis, Asie…).
“La Faktory nous a aidé à définir les marché-cible, nous a challengé par rapport aux choix de départ”, indique Geoffroy Gosset. “Nous nous sommes notamment appuyés sur leurs compétences – en définition et suivi de plan d’affaires, en validation d’opportunités commerciale, en marketing digital, en bonne gouvernance et veille concurrentielle…”
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