Début juin, Bruxelles (la Région-Capitale, pas la ville) organisait une convention sur le thème de la “ville intelligente” – lisez numérique, connectée et, si possible, efficiente.
Ce “Smart City Summit” avait pour objectif à la fois de marquer les esprits, de redynamiser sans doute certaines énergies et de permettre de baliser certains chantiers. L’occasion pour nous de nous pencher sur ce que deviennent certains projets initiés ou décidés sous l’ancienne législature. Le nouveau gouvernement a-t-il confirmé les choix antérieurs, prévoit-il certaines réorientations? Sur quoi travaille le CIRB, chargé de piloter, de coordonner et, jusqu’à un certain point, de concrétiser les dossiers et chantiers?
Le point après (quasi) un an de nouvelle législature en compagnie de Hervé Feuillien, directeur du CIRB (centre informatique de la Région bruxelloise).
Petit rappel pour commencer.
Au début 2014, le CIRB publiait un Livre blanc reprenant les grands axes de ce qu’il préconisait en matière de futur plan d’action informatique (2014-2019) de la Région Bruxelles-Capitale. Au rayon “Bruxelles, métropole intelligente”, 5 grands dossiers avaient été pointés comme prioritaires (pour plus de détails, relire l’article publié à l’époque):
- renforcement du réseau IRISnet
- data center régional
- plate-forme mutualisée de vidéoprotection
- poursuite du déploiement de la fibre
- désignation du CIRB comme intégrateur de services (autrement dit, comme plaque-tournante pour les échanges automatiques de données et de flux entre administrations).
Extension du réseau fibre
L’un des “instruments-clé” de la transition numérique pour Bruxelles-Capitale n’est autre que le réseau fibre optique. “Cette infrastructure fibre est l’élément déterminant de la capacité que nous avons de développer la transition numérique à Bruxelles. Le fait que la Région soit propriétaire de cette infrastructure lui procure une force d’intervention qu’elle n’aurait pas autrement. Cela permet d’avoir une action sur les prix et de pouvoir répondre aux besoins de développement en matière d’IT.
Ce qu’on fait par exemple en matière de Fiber to the School est assez unique en Europe. A savoir: connecter l’ensemble des écoles secondaires d’ici la fin de la législature, à raison de 28 écoles par an, afin qu’elles puissent elles-mêmes opérer leur propre transition numérique. Fin 2015, 56 écoles auront ainsi été reliées à la fibre.”
Le réseau fibre est aussi la dorsale – vitale – qui pourra permettre à d’autres supports de communication d’irriguer plus largement le territoire.
C’est notamment tout l’enjeu de la couverture du territoire bruxellois en service WiFi. A cet égard, la volonté déclarée est d’ouvrir IRISnet (le réseau UrbiZone lui-même et les services prestés par la SCRL – voir encadré) à un plus large panel d’utilisateurs. A savoir, les citoyens, les entreprises, les milieux économiques dans leur ensemble.
Ouverture aux citoyens
La Déclaration de politique régionale bruxelloise parlait de “WiFi partout”. Les moyens de financement n’étant pas illimités, les choses se passeront de manière moins universelle et plus progressive.
Déployé au profit du secteur de l’éducation, le réseau UrbiZone atterrit aujourd’hui dans divers sites publics, avec installation d’une antenne pour WiFi gratuit sur diverses places communales (Schaerbeek, Anderlecht…). Près de 10 communes en bénéficient aujourd’hui pour équiper les abords et certaines salles de la maison communale. Les 19 communes seront équipées en fin de législature.
Deuxième lieu choisi pour le déploiement élargi du WiFi: le métro bruxellois. Pas sur les quais mais plutôt dans les “lieux de passage et de vie”, pour reprendre l’expression d’Hervé Feuillien. “Le rythme de passage des rames ne justifie en effet pas que l’on équipe les quais”. Sous-entendu: un passager n’y demeure pas assez longtemps pour avoir absolument besoin d’une connexion pendant ce court laps de temps.”
En ville, une analyse est en cours pour déterminer comment couvrir certains axes importants de passage, de transit, voire des lieux de vie majeurs de la capitale via… les bornes Villo (vélo partagé). Le droit d’usage des bornes, par le CIRB, à des fins d’installation d’antennes WiFi avait été inscrit dans le cahier de charges initial (projet décroché par Decaux). Des tests ont déjà été effectués en collaboration avec IRISnet, maître d’oeuvre.
Le déploiement devrait intervenir en 2016 (à condition de confirmer ce financement dans le budget 2016). Les bornes n’étant pas connectées à la fibre, la transmission s’effectuera via carte SIM.
A priori, cela concernera notamment la Petite Ceinture, l’axe Nord-Sud… ces “lieux de vie et de passage” importants dont parlait Hervé Feuillien.
D’autres lieux seront sans doute prioritaires. Par exemple, l’Esplanade du Cinquantenaire, “lieu emblématique avec l’accès aux musées, de multiples événements… Nous travaillons avec Belnet et la Régie des Bâtiments afin de trouver, si possible, une solution d’ici la Noël.”
Autre exemple: la Place Royale, déjà couverte, en réalité, grâce à la présente d’un bâtiment public à l’angle de la place qui bénéficie d’une connexion fibre et qui permet de couvrir la Place Royale et l’entrée du Parc de Bruxelles. Il a donc suffi d’installer quelques antennes pour couvrir la Place Royale. Par contre, couvrir le Parc impliquera davantage d’investissements, une concertation avec la Ville de Bruxelles, et exigera donc un (certain) délai.
Ouverture aux entreprises
Une étude est en cours, avec CityDev, pour envisager l’extension d’Irisnet aux zonings industriels publics relevant de CityDev (l’ancienne SDRB- Société de Développement pour la Région de Bruxelles-Capitale). Une “perspective”, encore “à confirmer”. Potentiellement pour 2016.
Hervé Feuillien (CIRB): “A quoi sert de donner des primes favorisant l’implantation de sociétés sur le sol bruxellois si la connexion à la fibre n’est pas optimale?”
“A quoi sert de donner des primes favorisant l’implantation de sociétés sur le sol bruxellois si la connexion à la fibre n’est pas optimale? Les sociétés aujourd’hui opèrent leur choix d’implantation sur des critères de mobilité et de connectivité… [La scrl] IRISnet a là un rôle à jouer pour offrir de la connectivité haut débit via son réseau.”
L’extension du réseau aura aussi pour but de lutter contre la fracture numérique. “Cette fracture existe. Elle n’est pas aussi dramatique que certains pourraient le dire – il y a des endroits où UrbiZone permet de se connecter gratuitement. Mais il y a une partie de la population qui n’a pas encore la possibilité de se connecter à un prix raisonnable. Nous allons donc étudier avec la Société Régionale du Logement la possibilité qu’il y aurait pour les sociétés immobilières de service public (SISP) d’offrir à leurs locataires un produit adapté, à des conditions acceptables, pour ainsi promouvoir le numérique dans les logements sociaux bruxellois.”
Vidéoprotection
Le projet de surveillance et de gestion centralisée de tous les flux vidéo captés ou produits par les différents intervenants concernés par la protection des biens et es personnes sur le territoire de Bruxelles-Capitale – forces de police, opérateurs de transports publics, autorités portuaires… – est un autre instrument-clé dans la stratégie “smart city” de Bruxelles. Dans un double objectif de sécurité et de mobilité. Relire notre article. Le premier volet de déploiement en sera officiellement inauguré à la mi-juillet.
La coordination et la centralisation des captations d’images, leur partage entre les différents services (sécurité, secours…) vont améliorer la sécurité globale. Le but, rappelons-le, est de mettre fin à l’incompatibilité des systèmes actuels qui empêche de relayer une image vers un autre service. “Le nombre de caméras ne sera pas augmenté mais l’efficacité sera améliorée. Un important investissement, de l’ordre de 2 millions par an, est inscrit de manière récurrente dans le budget du CIRB.”
La déploiement [lisez: l’opération de modernisation de l’infrastructure] est terminé pour la Zone de police Nord-Ouest, avec stockage centralisé dans le datacenter.
Le rôle du CIRB
Depuis peu, le CIRB est officiellement devenu “intégrateur régional des services”. Autrement dit, la plaque-tournante pour les échanges automatiques de données et de flux entre administrations, selon le principe de l’“only once” (une donnée existante ne doit plus être redemandée à l’administré – qu’il soit une personne privée ou un professionnel).
A Bruxelles, le recensement des sources authentiques des différentes institutions est en cours. Avec de premières utilisations opérationnelles au niveau de la Société Régionale du Logement.
Par ailleurs, l’une des évolutions majeures engagées ces dernières années par le CIRB concerne la manière dont il preste ses services (développement, gestion de projets…). Aujourd’hui, l’accent est clairement mis sur la rationalisation et la mutualisation de l’IT au niveau des institutions. L’heure est à une collaboration plus intensive entre les différents acteurs régionaux, au travers du CIRB, pour partager infrastructures, connaissances et ressources.
Et cela va jusqu’au recrutement de personnel via le CIRB pour les faire travailler sur des projets pouvant servir à toutes les institutions régionales. Ces recrutements concernent notamment des responsables IT destinés aux communes ou à divers services publics et qui sont “délégués”, “encadrés” par le CIRB.
Sur les 300 personnes que compte le CIRB, près de 50%, aujourd’hui, travaillent pour les différentes institutions régionales dans une stratégie globale et une approche globale.
Nouvelle génération
Le principe de mutualisation a connu une nette accélération au cours de ces 5 dernières années. Hervé Feuillien l’explique notamment par un “changement de génération intervenu à la tête des institutions publiques et par un changement dans leur modèle de gestion.
Les fonctionnaires généraux sont sous mandat du gouvernement qui leur impose des objectifs à atteindre, notamment en termes de rationalisation, d’efficience… Les nouveaux fonctionnaires généraux se sont retrouvé confrontés à un fonctionnement en silos, un fonctionnement IT budgétivore parce que chacun travaillait dans son coin et que les investissements que cela représentait empêchaient tout développement stratégique en matière de solutions pour moderniser les structures de fonctionnement.
Il y a dès lors eu une prise de conscience de la nécessité de rassembler les forces et de partager des développements coûteux qui deviennent rentables si on les partage.
C’est la même chose au niveau des 19 communes où une génération de responsables IT est partie à la pension, remplacés par de plus jeunes, souvent venus du privé, qui ont une autre vision, davantage orientée efficience et partage, ouverte à la culture de la mutualisation.
Les managers que j’engage pour travailler chez nos “clients” attendent désormais d’être encadrés, de collaborer à des projets globaux. Nous sommes aujourd’hui présents dans un certain nombre de communes – Berchem-Ste-Agathe, Ixelles, Jette, Forest, Schaerbeek… – où nous avons la responsabilité du développement IT dans le cadre d’un projet global.”
Le CIRB met dès lors une équipe à disposition, dont un IT manager, qui prend en charge la totalité de l’informatique. La commune externalise en fait la gestion de son IT auprès du CIRB mais l’équipe opère sur le site de la commune.
Exemples de services prestés en central: les sauvegardes en ligne, centralisées dans le datacenter régional ou encore l’implémentation de diverses solutions (telles que la gestion des réunions du collège et du conseil communal – toutes les communes devraient être concernées d’ici la fin de l’année) ou encore la maintenance (infrastructure/applicatif).
“La même chose est valable pour les Zones de police où l’IT est devenu un moyen d’augmenter l’efficacité des services en concentrant davantage les investissements. On travaille actuellement pour deux des six Zones de police, à savoir Nord-Ouest (5 communes) et Uccle (3 communes).” Exemple emblématique pour ces Zones de police: la plate-forme mutualisée de vidéoprotection (voir ci-dessus).
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