Après environ deux ans de développement, la “caméra volante” Fleye de la start-up liégeoise Aerobot, drone d’un genre nouveau qui garantit une manipulation sans risque que ce soit pour le pilote ou l’entourage, est proche de la phase d’industrialisation.
Le projet est actuellement incubé et accompagné par l’équipe de La Faktory, à Liège, et a par ailleurs bénéficié d’un apport de seed capital de la part de Pierre Lhoest, l’initiateur de cet accélérateur orienté industrie.
Imaginée par le duo liégeois Laurent Eschenauer-Dimitri Arendt, la Fleye présente quelques caractéristiques originales:
- intelligente embarquée assurée par une flopée de dispositifs et capteurs
- aptitude à se situer dans l’espace par ses propres moyens et à adapter cette position
- pilotage par smartphone (iOS et Android) — avec possibilité de scénarios d’auto-pilotage futurs
- poids et caractéristiques qui lui permettront d’être utilisée sans besoin d’une licence de pilote…
Positionnement commercial: la photographie aérienne pour amateurs et quelques utilisations plus spécifiques et professionnelles mais sans entrer directement en compétition avec de “vrais” drones traditionnels. Vouloir les concurrencer aurait sans doute été une erreur. D’autant que la Fleye veut se différencier par la sécurité de manipulation et d’utilisation qu’elle offre et d’autres caractéristiques – celles citées ci-dessus et celles que vous découvrirez plus largement dans la version in extenso de notre article.
Prochaines étapes pour la jeune société Aerobot: la préparation de la phase d’industrialisation et un financement via crowdfunding avant une levée de fonds plus substantielle.
Si tout se déroule comme prévu, la jeune start-up liégeoise Aerobot fera ses débuts commerciaux au printemps ou à l’été 2016. Pour l’instant, elle en est encore en pleine phase de développement de son produit qui n’est autre qu’un drone d’un genre nouveau, en tout cas de par la forme et les préceptes suivis pour sa conception. Priorité: la sécurité de manipulation et l’élimination des dangers, risques et défauts associés à ces drones (pâles tranchantes, dégâts potentiels en cas de chute ou de choc, déstabilisation aisée…).
“Fleye”, nom de baptême de l’“engin”, se destine à la photographie aérienne pour amateurs – ou passionnés d’activités spécifiques. Potentiellement, cette “caméra volante” visera aussi un public de professionnels, à savoir de (petits) indépendants en quête d’une solution abordable, tant techniquement que financièrement (nous y reviendrons plus loin dans l’article).
Nous avons rencontré ses deux géniteurs – Laurent Eschenauer, ingénieur logiciel passé notamment par Pepite, Vodafone et ComodIT, et Dimitri Arendt, spécialisé en aéronautique – pour faire le point sur l’évolution du projet et ses perspectives.
Avant d’en venir au produit lui-même et à son positionnement, commençons par esquisser les prochaines étapes que se fixe le duo:
- à l’automne: finalisation de la phase de R&D (les derniers développements concernent notamment l’interfaçage avec le mobile et la caméra)
- viendra ensuite (pendant 9 mois) la phase d’industrialisation et de pré-production (petites séries)
- toujours à l’automne (octobre?): lancement d’une campagne de crowdfunding sur la plate-forme KickStarter (probablement sur le site belge qui vient d’être annoncé); objectif: réunir des fonds pour cette phase de pré-production et valider l’attractivité du produit
- printemps ou été 2016: mise en production et premières ventes.
L’“oeil volant”
C’est dans le courant 2013 que le projet Fleye a vu le jour. Un pur projet d’ingénieur/fou du labo. A rebours donc des idées de “disruption” commerciale qui se cherchent un vecteur et un produit concret.
Le constat de départ posé par Laurent Eschenauer? “Les drones demeurent une source de dangers. Les hélices en rotation à 6.000 tours/minute sont de réels couteaux pouvant blesser toute personne entrant en contact avec elles. S’y ajoutent le poids des drones classiques — 2 kilos au plus — et le risque de chute en cas de déstabilisation lors d’un contact avec une quelconque surface. Par ailleurs, la loi [un projet de loi est en préparation en Belgique] exigera une licence de pilote… En dépit de tous ces éléments, les drones restent des supports attrayants pour la photographie aérienne amateur. L’idée fut donc d’imaginer un drone d’un genre nouveau, quelque chose de protégé, de caréné.”
Le résultat? Un globe doté d’une micro-caméra HD et où se loge une seule hélice horizontale, hors de portée de tout objet ou partie corporelle. Une sphère autonome, capable de se positionner seule, légère (elle pèsera entre 400 et 500 grammes). Son autonomie? De 10 à 15 minutes avec la batterie actuelle.
L’“engin” est pilotable via appli mobile mais est surtout doté – doué – d’une intelligence embarquée, “véritable centrale inertielle”, qui lui permet d’estimer lui-même sa position, sa vitesse, de la garder, et d’évoluer selon les indications données. Cette “intelligence” repose sur des algorithmes complexes combinant les données et instructions d’une série de capteurs et composants: gyroscope, accéléromètre, magnétomètre, capteur à ultrason et caméra verticale (pour l’évaluation de la distance avec le sol), GPS, capteur de pression altimétrique…
“Dans certaines conditions, il arrive que des capteurs soient moins précis, par exemple le capteur d’ultrasons lorsqu’il survole certaines surfaces. D’où l’intérêt de la redondance et de la multiplicité des équipements…”
Coordination de l’ensemble et stabilisation du Fleye (commande des ailettes) seront assurées par un microcontrôleur. S’y ajoutera encore un ordinateur de bord, pour la gestion de la caméra, des flux vidéo et des interactions avec le smartphone ou la tablette contenant l’appli de pilotage (prévue pour les mondes iOS et Android).
Aerobot considère son futur produit davantage comme une “plate-forme” que comme un simple “engin” volant photographique. La société proposera en effet à la fois le drone lui-même, l’appli mobile et une API permettant à d’autres développeurs ou sociétés d’imaginer d’autres usages, débouchés, voire types de pilotage.
Le positionnement
Quel est le positionnement de départ? Laurent Eschenauer et Dimitri Arendt voient en priorité dans le Fleye un “objet grand public destiné à rendre la photo/vidéo aérienne accessible à tous”. Cible: un public familial. En respectant bien entendu les (futures) contraintes légales. C’est d’ailleurs pour éviter les contraintes de licence, notamment, que ce futur objet volant clairement identifié ne dépassera pas les 400 ou 500 grammes, bien en-deçà de la limite du kilo qui imposera une licence de pilote.
Laurent Eschenauer: “Nous ne considérons pas le (futur) cadre légal comme un frein mais plutôt comme un atout. Nous allons par exemple militer en faveur de l’autorisation des drones carénés. Avec l’avantage pour nous d’être les premiers à en proposer…”
Pour le reste, les autres contraintes (pas de dépassement de 10 mètres au-dessus du sol dans certaines zones, évitement de zones interdites…) seront respectées via programmation du logiciel. “On pourra par exemple régler une altitude maximale que le Fleye respectera puisque son intelligence embarquée lui permet de se situer dans l’espace. Pour le reste [zones interdites, par exemple], on procédera par formulation d’avertissements à l’utilisateur via le smartphone. Du genre, “attention vous arrivez à proximité de tel site interdit”. Mais, en finale, c’est l’utilisateur qui endossera la responsabilité du pilotage.”
A cette première cible grand public viennent s’en ajouter d’autres, aux accents plus professionnels. L’équipe pense notamment aux sportifs de l’extrême, aux sports spectaculaires pour lesquels Fleye pourrait permettre des vues sous des angles nouveaux. La start-up pense également à certaines catégories de professionnels tels que des architectes, agents immobiliers… désireux de trouver de nouveaux moyens de photographier leurs biens et projets “mais qui n’ont pas les compétences nécessaires ou les moyens de se payer un drone ou les services d’une entreprise spécialisée.”
Aerobot ne vise par contre pas d’autres types d’applications pour lesquelles des drones plus “classiques” sont plus adaptés – et déjà bien positionnés. Par exemple, “l’inspection de pipeline, d’ouvrages d’art…”
Par contre, il est un autre créneau auquel la société pourrait s’attaquer, à savoir les opérations de sauvetage (reconnaissance après un séisme, par exemple), dans des lieux à risque où un engin caréné, sûr pour toute personne se trouvant dans cette zone, serait un outil intéressant.
Le trajet d’incubation
La première aide, sous forme de conseils et de mise au défi de trouver un modèle commercial, est venue de l’incubateur LeanSquare, à Liège, où Fleye a fait escale pendant 5 mois. “Cela nous a permis d’identifier les points critiques, de nous lancer dans l’élaboration d’un plan d’affaires.”
Entre-temps, le premier prototype avait vu le jour, avec notamment des pièces produites en 3D au RElab (le “fablab” situé sur la Place Saint-Etienne à Liège).
Cette première phase d’écolage étant acquise, il s’agissait d’accélérer le tempo et de franchir le pas de la première recherche d’investisseurs potentiellement intéressés. En les séduisant non seulement à l’aide du prototype mais sur base des pistes d’affaires imaginées. Et l’un d’eux – Pierre Lhoest – a mordu à l’hameçon. Ce qui amenait tout naturellement le projet dans sa deuxième phase d’incubation, dans le cadre cette fois de La Faktory, toujours à Liège, mais dans une optique davantage axée concrétisation, prise en compte des contraintes, des besoins du client, de mise en oeuvre d’une stratégie commerciale et marketing…
“Outre les capitaux de pré-amorçage (seed money) apportés par Pierre Lhoest [pour un montant qu’Aerobot ne tient pas à dévoiler], l’apport de La Faktory se concrétise aussi et surtout par de l’expertise non technique: analyse financière, marketing stratégique, marketing on-line, plan de distribution… ainsi que par l’expérience personnelle et le réseau de relations de Pierre Lhoest.”
Parallèlement, la société Aerobot voyait officiellement le jour en décembre 2014.
Compte à rebours avant décollage
Aujourd’hui, elle a trouvé à se loger dans un espace propre, un petit hangar de Saint-Nicolas où l’équipe peut réaliser à loisir tous les tests et essais nécessaires. Elle fait par ailleurs appel à un petit réseau d’acteurs locaux pour l’aider et lui permettre de progresser sans devoir embaucher elle-même divers talents: électronique, design, impression 3D (au Sirris).
L’ULg, elle aussi, a été sollicitée, notamment pour des tests en soufflerie. Et des étudiants viennent prêter main forte dans le cadre de leur travail de fin d’étude. Cette année, ce fut le cas pour un étudiant en aéronautique. L’année prochaine, les deux TFE prévus auront des accents davantage informatiques (intelligence artificielle, machine learning, reconnaissance d’images…).
Laurent Eschenauer: “Pouvoir produire la Fleye localement serait une belle histoire pour la réindustrialisation locale mais certaines compétences manquent…”
Il est un registre où les ressources locales feront sans doute défaut et cela concerne la production en série du Fleye. “Nous n’avons pas encore tranché la question”, indique Laurent Eschenauer, “et ce serait une belle histoire pour la réindustrialisation locale mais certaines compétences – injection de pièces, intégration de la chaîne logistique … – manquent. Produire en local impliquerait de toute façon d’importer les pièces de Chine. Qu’un seul container vienne à être bloqué et c’est toute la production qui serait mise en danger.” La Chine lui apparaît donc, probablement, un meilleur scénario “non pas pour des considérations de coûts plus faibles mais en raison du réseau et de l’intégration de la chaîne logistique.”
Résultat: si production locale il y a, ce sera uniquement lors de la première phase (petite production). “En parallèle, nous préparerons la mise à l’échelle… en Asie.”
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