On estime à 30 ou 35.000, en Fédération Wallonie-Bruxelles, le nombre de jeunes en situation de “désappartenance”. Ni étudiants, ni employés, ni stagiaires… Ceux que l’Europe ou encore le gouvernement britannique de David Cameron appellent les “Neet” (Not in Education, Employment or Training) échappent à tout radar social. Ils sont l’une des tranches d’une population plus vaste (au moins 5 millions, par exemple, au Royaume-Uni) qui, pour de multiples raisons, sont “désinsérés” de la société, qui ne bénéficient même plus du support d’un quelconque organisme à vocation sociale. Un phénomène qui les fait échapper à tout “radar” social ou statistique et qu’on a qualifié de “sherwoordisation”.
Ces “Neet” sont donc une génération en danger, en risque de décrochage permanent. Une génération perdue si on ne parvient pas à les “récupérer”. Le numérique, les nouvelles technologies, pour lesquels ils conservent un intérêt, pourrait être un levier de réinsertion.
Avec l’appui de la cellule Citizenship de Microsoft, Technofutur TIC lance à leur intention un projet-pilote de parcours de formation articulé autour de l’ICT. L’objectif? Que 4 EPN – ceux de Tubize, Boussu, Huy et Verviers – sensibilisent et redonnent confiance à 300 jeunes via une formation informatique.
Raccrocher les jeunes en rupture
S’ils sont 30 ou 35.000 en Fédération Wallonie-Bruxelles, ils sont plus d’un million au Royaume-Uni et plus de 7,5 millions en Europe. Âgés de 16 à 24 ans, ils renoncent à leurs droits (sociaux), échappent à toute filière d’insertion et de formation et sont difficilement localisables.
On les rencontre dans les maisons de quartier, ils sont parfois en contact avec les animateurs de rue, logent 2 mois ici, 2 mois là-bas…
Depuis 2010, leur insertion fait partie des lignes prioritaires pour une Europe qui considère la mise en activité de cette population comme un enjeu majeur au niveau économique. C’est que le coût de cette inactivité est estimé, selon une étude commandée par l’Europe, à plus de 153 milliards d’euros, soit 1,2% de son PIB.
“Tous ces jeunes en rupture disparaissent des radars, des statistiques, sortent du système – en ce compris au niveau des CPAS, du chômage”, commente Bruno Schröder (Microsoft). “Mais, on le sait, ils restent attirés par le digital. Dans tous les pays où on relève un grand nombre de ces “Neet”, on remarque qu’ils continuent d’avoir une utilisation régulière des outils numériques grâce aux endroits qui procurent un accès gratuit. Il y a là une opportunité de les raccrocher.”
Source: The Guardian.
YouthSpark
C’est dans ce contexte que différentes initiatives publiques et privées sont prises. Microsoft a ainsi lancé, en 2012, un programme d’accompagnement de la jeunesse baptisé YouthSpark. Déployé en partenariat avec les pouvoirs publics et les tissus associatifs locaux, il a pour objectif, à travers une formation IT basée sur les outils de l’éditeur américain, de redonner confiance aux jeunes dans leur démarche de recherche d’emploi et/ou de formation.
Dans une perspective plus large, non limitée à la seule cible des jeunes, Microsoft a par ailleurs déjà monté par le passé des projets de formation pour demandeurs d’emploi ou pour des personnes désireuses de compléter leurs compétences, de faire progresser leur carrière. Ces projets ont été menés en collaboration avec des organismes tels que Bruxelles Formation, COF Belgique (Centre d’Orientation et de Formation) ou encore CDO Spoor 5 Mechelen (Centrum Deeltijds Onderwijs).
Aujourd’hui, avec ce projet “Neet”, Microsoft cible donc un public beaucoup plus spécifique.
Après avoir pris contact avec le Forem, et plus spécifiquement avec Bernard Van Asbrouck, chercheur à l’ULB spécialisé dans cette question de la désappartenance et Conseiller général au Forem, Bruno Schröder, le responsable belge du programme YouthSpark, s’est tourné vers Technofutur TIC pour ce projet-pilote de parcours de formation qui passera par les EPN. De par sa cible spécifique, c’est une première, qui pourrait déboucher sur un plan plus vaste de parcours de formation s’adressant aux “Neet”.
Des parcours de formation dans 4 EPN
Le budget
Le financement du projet-pilote est assuré à parts égales par Microsoft et Technofutur TIC à concurrence de 55.000 dollars chacun, soit un peu plus de 100.000 euros au total. Ce budget couvre notamment l’achat par Technofutur TIC de 20 Surface Pro (environ 20.000 euros). Chaque EPN reçoit 10.000 euros pour couvrir son intervention.
Les autres partenaires du projet sont:
- le Forem, pour sa connaissance du public et ses outils en matière d’insertion socioprofessionnelle, et plus spécialement Bernard Van Asbrouck pour son expertise
- les Maisons de l’Emploi
- les MIRE (Missions Régionales pour l’Emploi) et l’Intermire.
Eric Blanchart, chargé de mission EPN de Wallonie et formateur au Pôle Ressources & Diffusion de Technofutur TIC: “Dans le montage du projet, 4 EPN ont été choisis pour le travail social qu’ils avaient déjà mené auprès des jeunes et pour les indicateurs régionaux qu’ils vont pouvoir fournir. Il s’agit des EPN de Tubize, Boussu, Huy et Verviers. Le but est de contacter 300 jeunes, 75 par EPN.
Pour la prise de contact, les EPN vont s’appuyer sur des partenaires locaux comme les animateurs de rue, les SAS (Services d’Accrochage Scolaire) ou les MIRE (Missions Régionales pour l’Emploi). Idéalement, l’objectif est de pouvoir convaincre 50 des 75 jeunes contactés par structure de suivre un parcours de formation ICT. Sur ce groupe de 50 jeunes, nous voudrions qu’au moins la moitié fassent la totalité du parcours. Donc, au terme du projet pilote, nous aurions une centaine de jeunes capables de se réintégrer dans une filière de formation.”
Une première
Il s’agit, on l’a dit, d’une première tant pour Technofutur TIC que pour les EPN. Eric Blanchart: “On est vraiment en terra incognita. Il faut mettre en place des outils, une méthodologie et une pédagogie adaptés à ce public, avec “l’obligation” de travailler avec les outils Microsoft Office 365 et iCloud. Ce parcours de formation comprend 4 modules de 2 jours: bureautique en ligne et cloud pour le premier volet; bases de la programmation pour le deuxième; découverte des plates-formes e-learning pour le troisième. Le dernier module sera consacré aux filières de formation qui pourront prolonger le parcours entamé.
Eric Blanchart: “Gamification et scénarisation touchent à la conception de jeux vidéo et de jeux sérieux. C’est une véritable filière qui peut s’avérer très attractive pour un public jeune”.
Nous avons aussi comme projet d’aborder les notions de gamification et de scénarisation, ce qui touche à la conception de jeux vidéo et de jeux sérieux. C’est une véritable filière qui est en train de naître, dans laquelle on retrouve un peu de bureautique et de programmation. Cela peut s’avérer très attractif pour un public jeune”.
Le projet-pilote court sur une période de trois ans, avec évaluation tous les ans.
Pour Microsoft, bien évidemment, l’opération n’est pas neutre ou purement désintéressée. Des objectifs de visibilité et d’attractivité sont en jeu. Mais comme il s’agit d’une expérience-pilote, les objectifs définis pour la première année [voir les chiffres cités ci-dessus par Eric Blanchart] ne sont pas coulés dans le bronze.
“Les méthodes, les moyens, les actions, les outils vont sans doute évoluer selon l’efficacité relevée”, indique Bruno Schröder. “Au cours de la première année, il s’agira de déterminer les méthodes qui fonctionnent.”
Appel à projet plus large
Le projet a démarré début avril par une demi-journée d’information à destination des 4 EPN qui ont reçu les licences Microsoft ad hoc et du nouveau matériel (5 Surface Pro par EPN). Les animateurs des EPN concernés vont maintenant être formés aux outils Microsoft, à la programmation et à la méthodologie d’accompagnement des jeunes.
Cette dernière formation sera assurée par le service d’appui des 11 missions régionales pour l’emploi (l’InterMIRE) qui organisera également des journées d’accompagnement.
Le premier module de 2 jours devrait être délivré courant mai. Le deuxième sera organisé durant les grandes vacances et les deux derniers à la rentrée. Eric Blanchart: “Il est possible que ce projet-pilote débouche sur un programme de plus grande envergure qui s’adresserait à l’ensemble des EPN. Si l’on constate que les EPN constituent une bonne structure pour l’accueil et l’accompagnement de ces jeunes, il pourrait y avoir un appel à projets plus large dans un cadre européen: c’est à l’étude.”
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