Constat dressé par la FEB, qui s’inspire de l’étude Harvard Business Review sur la “densité numérique”, la Belgique est qualifiée de ‘stall out’. Entendez, « alors que nous étions très bons dans le passé en matière de numérique, notamment grâce à la carte d’identité électronique ou encore la carte SIS, nous risquons désormais de rater le train et de perdre du terrain », analyse Pieter Timmermans, administrateur délégué de la FEB. Qui enfonce le clou, s’appuyant pour ce faire sur une étude d’Accenture: “Nous risquons d’ici 2020 de perdre de l’ordre de 10 milliards d’euros de croissance du PIB.” Relire l’article publié à ce propos.
Autre chiffre cité par la FEB: on crée dans notre pays quelque 10 millions de documents papier dans le secteur de l’intérim. De même, la Fédération prend l’exemple – au hasard – de cette petite entreprise de construction qui souhaite effectuer des rénovations pour un organisme public et qui devra, pour obtenir son agréation, se lancer dans une procédure très complexe de plusieurs semaines et exigeant de très nombreux documents, presque toujours sous forme papier aujourd’hui.
Pragmatisme
“Grâce à l’économie numérique, de nombreux formulaires seront disponibles de manière centralisée sous forme électronique, les envois de courriers même recommandés pourront se faire de manière numérique et sécurisée, tandis que nombre de formulaires pourraient être pré-remplis sur la base d’informations dont disposent les administrations et que les vérifications et les évaluations de ces documents électroniques seront plus rapides. »
Ainsi, la FEB estime que cette procédure d’agréation pourrait ne prendre que 15 à 20 minutes. “C’est évidemment un scénario idéal”, admet certes Edward Roossens, économiste à la FEB.
Un plan en 10 points spécifiquement axé sur les autorités publiques. En attendant son petit frère, destiné aux entrepreneurs…
Pour en arriver à une telle numérisation de l’économie, la FEB propose un plan en 10 points spécifiquement axé sur les autorités publiques. Ajoutons d’emblée que, d’ici l’été, un programme en 10 points centrés cette fois sur les entrepreneurs sera présenté par la FEB. “Il s’agit là d’une révolution tant pour les administrations que les entreprises. Car l’entrepreneur doit aussi être ouvert au numérique. Il s’agit surtout de sensibiliser et d’encourager à opter pour le numérique, au-delà des mesures pour faciliter la mise en place d’une économie du numérique”, insiste encore l’administrateur délégué.
Dix recommandations
Ces 10 recommandations concernent tant les infrastructures et les ‘e-outils’ que l’amélioration des compétences numériques, l’e-gouvernement 2.0 et l’adaptation du cadre législatif.
1° Créer un climat propice aux investissements dans les télécoms afin d’atteindre à l’horizon 2020 des débits ultra-rapides de 1 Gbit/s sur les lignes fixes et de déployer les infrastructures mobiles 4G et 5G. “Les opérateurs sont disposés à réaliser leur part d’investissements, mais il faut mettre en place un cadre visionnaire”, insiste encore Pieter Timmermans qui évoque une baisse des taxes sur les pylônes par exemple ou un allégement des procédures liées à l’installation de certains équipements.
2° Rendre la carte d’identité électronique et la signature électronique disponibles sur les appareils mobiles (tablettes et smartphones) et mettre en place des applis faciles à utiliser, tout en étant sécurisées.
3° Prévoir pour toutes les entreprises une adresse e-mail officielle (du style mail@numéroentreprise.be) et une boîte aux lettres électronique (e-box) qui permettront de les contacter avec certitude. A cet égard, un travail de sensibilisation de la FEB doit s’accompagner notamment d’une modification de la législation pour donner à l’adresse électronique la même valeur juridique que l’adresse physique.
4° Etablir un cadre juridique simple et sûr pour la signature électronique, les envois recommandés électroniques, la facturation électronique et l’archivage électronique sans imposer des exigences disproportionnées par rapport au papier. Des propositions existent déjà pour les deux premiers éléments, note la FEB.
5° Investir dans un enseignement davantage ciblé sur les technologies numériques, sachant que 12.000 postes sont aujourd’hui vacants dans l’ICT en Belgique et que 17% des étudiants optent chez nous pour des études de type STEM (sciences, technologie, ingénierie et mathématiques), contre 30% par exemple en Finlande et en Allemagne, ou encore 25% en France et en Espagne.
De même, il s’agira de familiariser les élèves avec les entreprises et les emplois technologiques.
6° Créer un cadre favorable aux activités d’e-commerce, sachant qu’en 2014, 42% des commandes en ligne ont été adressées à des fournisseurs étrangers. En l’occurrence, la FEB évoque des horaires de travail plus flexibles et l’élimination de la concurrence par rapport aux acteurs étrangers.
7° Evoluer vers l’e-gouvernement 2.0 en améliorant les échanges d’informations entre administrations afin que les données ne soient demandées qu’une seule fois.
Pour ce faire, la BCE (banque-carrefour des entreprises) deviendra l’unique source authentique officielle pour toutes les données d’entreprise, tandis qu’une banque de données des administrateurs et mandatés sera créée et consultable de manière électronique (avec éventuellement possibilité de modifier soi-même les données moyennant les sécurités nécessaires), de même qu’un guichet unique électronique pour les entreprises (du style www.mybelgium.be/business).C’est ainsi que cette BCE ‘nouvelle mouture’ permettra la suppression des publications au Moniteur belge.
Créer une Banque-Carrefour des Entreprises ‘nouvelle mouture’, avec banque de données des administrateurs et mandatés consultable électriquement et guichet unique électronique pour les entreprises.
8° Numériser toutes les transactions entre les entreprises et les administrations publiques. Et à court terme, mettre à la disposition un système de facturation électronique aux services publics simple, interopérable et obligatoire (le système actuel ayant encore trop de maladies de jeunesse).
9° Adopter et adapter les lois et les réglementations, par exemple en matière de droit au travail, de droit des sociétés, de droit pénal et de droit procédural, pour les rendre neutres vis-à-vis de la technologie (ainsi, la notion de paraphe en bas de page existant aujourd’hui n’est plus adaptée au numérique).
10° Rendre opérationnel le centre pour la cybersécurité en Belgique créé voici un an – “il n’a toujours pas d’administrateur délégué à notre connaissance”, pointe Pieter Timmermans – et opter pour une approche coordonnée avec le privé et les autres parties prenantes.
Impact
Toujours selon la FEB, qui se base pour ce faire sur les données du Bureau du plan, la mise en place de ce programme permettrait aux entreprises de réaliser plus de 730 millions d’euros d’économies sur leurs charges administratives à l’horizon 2020, surtout dans les domaines de la fiscalité, de l’environnement et des permis. “Et il s’agit là d’une estimation prudente”, pointe encore l’administrateur délégué qui insiste également sur le fait que certaines réalisations existent déjà en matière d’économie numérique.
Pieter Timmermans (FEB): « il faut se fixer un but final à atteindre et il faut commencer dès maintenant par des mesures faciles à introduire et à comprendre, susceptibles de sensibiliser les acteurs. »
Interrogé sur le danger que représente l’existence de deux systèmes parallèles, papier et électronique, Pieter Timmermans précise qu’“il faut se fixer un but final à atteindre et il faut commencer dès maintenant par des mesures faciles à introduire et à comprendre, susceptibles de sensibiliser les acteurs. » Et d’évoquer notamment l’eID mobile ou encore l’adresse et la boîte mail électroniques officielles.
“A politique inchangée, nous manquerons de 30.000 experts en ICT d’ici à 2020, insiste encore le patron de la FEB. De plus, on sait qu’une hausse de la densité numérique de 10 points pourrait relever le taux de croissance annuelle moyenne de 0,25% pour une contribution de 10 milliards d’euros au PIB en 2020. La réalisation de ce plan en 10 points constituerait un grand pas dans la bonne direction.”
Autres plans
Reste que la Fédération patronale belge n’est pas la seule à avoir des idées. Ainsi, le ministre en charge de l’agenda numérique Alexander De Croo présentera dans les prochaines semaines ses propres propositions. Lesquelles vont largement dans le sens de la FEB, notamment en matière d’e-gouvernement (priorité au tout-numérique), d’infrastructures télécoms fixes et mobiles, d’e-commerce ou encore d’enseignement des nouvelles technologies.
Par ailleurs, l’association professionnelle Comeos a dévoilé ses intentions en vue de promouvoir l’e-commerce en Belgique, évoquant également le manque de compétitivité de nos entreprises. Mais la FEB va plus loin en réclamant une organisation plus souple du travail (par ex. autoriser le travail le dimanche à des coûts salariaux différents de ceux qui existent aujourd’hui). De même, la fédération du secteur technologique Agoria a avancé ses pions, en mettant l’accent sur les aspects plus technologiques.
« Notre programme a été établi en concertation avec les quelque 50 fédérations qui constituent la FEB, essentiellement dans les secteurs des services, de l’industrie et de la construction, ainsi que plusieurs acteurs ICT. Il s’agit surtout de mesures pratiques à court terme et d’un travail macro-économique horizontal, avec apport des différentes fédérations », précise encore Pieter Timmermans. Qui confie encore que l’étude s’appuie aussi sur les travaux menés au niveau européen dans le cadre de BusinessEurope, la coupole européenne des employeurs, en étroite collaboration avec les instances européennes.
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