En 2012, dans le cadre de Creative Wallonia, le cabinet du ministre Jean-Claude Marcourt, ministre en charge de l’enseignement supérieur en Fédération Wallonie-Bruxelles et du numérique en Wallonie, lançait un appel à projets baptisé Creative School Labs. Objectif: moderniser la formation initiale de futurs enseignants afin de la mettre davantage en adéquation avec la réalité sociétale, l’omniprésence des nouvelles technologies, les attentes des nouvelles et futures générations. Il s’agit en finale de donner aux futurs enseignants les outils nécessaires pour qu’eux-mêmes procurent à leurs élèves les moyens de devenir “des individus capables d’inventer en permanence des solutions individuelles et collectives d’adaptation au changement.”
La manière? Utiliser la créativité – des enseignants et des étudiants – pour les rendre plus adaptatifs, plus inventifs dans les mécanismes et contenus pédagogiques. Et, pour ce faire, dédier un local, transformer en “creative school lab.”
Suite à l’appel à projets, deux Hautes Ecoles, catégorie pédagogique, furent désignées écoles-pilote. Ou cobaye. L’expérimentation: imaginer et mettre en oeuvre ces “labos de créativité”. Mission: développer des pratiques d’enseignement sortant du cadre habituel, “permettre aux futurs enseignants d’acquérir, de tester et d’intégrer dans leurs futures pratiques pédagogiques des techniques d’éveil à la créativité, à l’innovation, à l’inventivité, aux nouvelles technologies.”
Le but est aussi de permettre aux enseignants de préparer les futures générations aux défis nouveaux, à l’évolutivité et à la déstructuration qui caractérisent aujourd’hui le quotidien de chacun, privé, professionnel, industriel…
Pour Jean-Claude Marcourt, “les Creative School Labs nous permettront de réfléchir aux techniques d’enseignement, de changer les contenus et, d’une manière plus large, ils participeront à la réforme de la formation initiale.”
Casser le cadre
Les enseignants que l’on forme aujourd’hui doivent (ré)apprendre à ne pas être “normés”, pour reprendre l’expression de Géraldine Thonet, maître-assistante à la HE Condorcet. Ou à ne pas être de “simples copieurs-colleurs de recettes transmises jusqu’ici de génération en génération”, comme l’exprimait Marie-Agnès Boxus, coordinatrice de la catégorie pédagogique de la HE Charlemagne. “Il faut rendre aux étudiants leur capacité de divergence, en évitant toutefois le travers des remises en cause systématiques, inappropriées et stériles.”
“Casser les schémas conventionnels de la classe.”
Pour Vincenzo Bianca, consultant en créativité qui a accompagné les deux écoles-pilote, “il faut apprendre aux élèves à développer leur propre créativité. Par exemple, à coopérer, travailler davantage en équipes, à tester des idées nouvelles, à prendre des initiatives – et donc des risques.” Parmi les outils qu’ils sont encouragés à s’approprier figurent notamment les techniques et technologies ICT (simulation, 3D, capteurs, cartes conceptuelles, tablettes, TBI/tableaux blancs interactifs, mini-caméras, logiciels d’apprentissage…)
Patricia Wastiau (European Schoolnet): “Les Creative School Labs s’inscrivent dans la notion de co-création et d’ouverture, là où les enseignants sont encore trop seuls quand il s’agit d’imaginer leur approche pédagogique. Le fait de travail en équipe, entre enseignants et, par-delà, entre établissements, est quelque chose de très porteur.”
Tirant quelques premières conclusions des expériences menées à Verviers et à Mons, il affirme que “la créativité amène les étudiants [et donc futurs enseignants] à sortir davantage du cadre, pousse les enseignants à collaborer davantage, et décloisonne les matières.”
Une série Web (notamment) pour convaincre
Les premiers enseignants à s’être frottés aux laboratoires de créativité scolaire ne sont encore que quelques dizaines (voir ci-dessous). Au sein-même des deux Hautes Ecoles pionnières, le travail de conviction doit encore se faire vis-à-vis des collègues. Une première demi-journée de formation a par exemple eu lieu récemment à Condorcet.
Il faudra aussi convaincre les enseignants – et les directions – des autres Hautes Ecoles. Sans parler des étudiants proprement dits et leur entourage. C’est pour cela que les responsables de l’initiative (elle émane du Cabinet Marcourt – voir encadré pour un rappel de l’historique) ont imaginé une série Web, en 8 épisodes, qui sera diffusée à partir de cette mi-mars chaque dimanche sur la page Facebook de Creative Wallonia. Objectif: “montrer ce qui se passe sur le terrain, donner envie aux internautes d’en apprendre plus sur les concepts et méthodes, relayer des idées, des conseils, des bonnes pratiques à la communauté des enseignants…”
Les internautes seront en outre invités à réagir, à participer à cet échange d’idées au travers d’un défi à relever chaque semaine. Les meilleurs se verront décerner une récompense sous la forme d’une expérience de plongée en créativité de 2 jours.
Six Hautes Ecoles dans les starting blocks
Les deux premières Hautes Ecoles – la HE Charlemagne à Verviers et la HE Condorcet à Mons/Charleroi – sont aujourd’hui rejointes par 4 autres qui feront partie du premier peloton d’établissements à proposer ce genre d’espace à leurs étudiants. Il s’agit en l’occurrence des HE Liège, Hainaut (HELHA), Liège-Moselle (HELMO) et Spaak (Bruxelles).
L’expérience de la HE Condorcet
Pendant la phase-pilote, la HE Condorcet a travaillé selon deux axes:
- l’insertion de la créativité dans le parcours de formation des futurs enseignants, appelés, dès leur 2ème année à développer des “activités originales dans les ateliers de formation professionnelle, les stages pédagogiques ou la préparation du travail de fin d’études”
- la création d’un module spécifique dédié à l’innovation et la créativité, afin que les étudiants “construisent des séquences d’apprentissage marquées par la créativité et les testent ensuite dans le Creative School Lab qui, pour la circonstance, accueillait des classes de l’école primaire.” L’expérience a été encadrée par des universitaires de Master 1 ou 2 et des chercheurs de l’UMons (évaluation de la pertinence des hypothèses testées).
Troisième temps: la publication des ressources créées, l’expériences et scénarios pédagogiques à destination de l’ensemble de la communauté éducative.
L’espoir, à terme, est de généraliser le concept à l’ensemble des Hautes Ecoles, toutes orientations confondues mais aussi, peut-être, d’amener des établissements d’enseignement d’autres pays à faire de même. En la matière, en effet, l’expérience est unique en Europe, selon les responsables d’European Schoolnet qui a accompagné l’expérience. Le rôle de cet organisme fut notamment d’identifier les types de formation requis, les mécanismes de transmission de connaissances et de concepts, de chercher le bon équilibre entre transmission et participation. Il est également chargé d’évaluer l’expérience en vue de l’étendre “éventuellement un jour à l’ensemble des Hautes Ecoles”, déclare Patricia Wastiau, conseillère principale Recherche & Etudes pour l’European Schoolnet. “La question est de savoir comment injecter cette approche créative pour qu’elle devienne partie intégrale de l’environnement d’enseignement.”
A ce jour, au cours de l’année d’expérimentation, 8 implantations, une soixantaine d’enseignants et plusieurs centaines d’apprentis-enseignants ont été concernés. Les deux Creative School Labs de Charlemagne et Condorcet sont déjà opérationnels depuis environ un an. Prochain à être inauguré, celui de HELMO. Le 29 avril.
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