De quoi a besoin un commerçant? D’un site d’e-commerce ou d’une “présence” en-ligne? Le “tout-au-site” qui a longtemps semblé être la recommandation et piste majeure a prouvé ses limites. Ce genre de stratégie est à la fois surdimensionnée pour certains, vaine et illusoire pour d’autres, et réductrice – pour beaucoup – par rapport à la manière dont ils peuvent entrer en contact et “activer” leurs cibles de clientèle.
Si tout commerçant, en ce compris le plus modeste et/ou le plus spécialisé, ne peut plus faire l’économie d’une présence en-ligne, l’avis de nombreux observateurs est aujourd’hui de dire que les formules à mettre en oeuvre n’ont rien d’une panacée “one-size-fits-all”.
En revenir aux fondamentaux
Si l’on se concentre plus spécifiquement sur la situation et les besoins des petits commerçants et des marchands de proximité, le constat que font nombre d’observateurs mais aussi d’acteurs de terrain est qu’ils se laissent parfois (trop souvent) tenter par un discours purement technologique (quand celui-ci ne les rebute pas définitivement), sans se poser les bonnes questions, sans comparer les scénarios possibles.
Aucun produit, aussi sophistiqué ou complet soit-il, ne sera jamais la panacée.
Quelques questions préliminaires à se poser et précautions à prendre?
- évaluer autant que possible l’effet qu’aura une solution de commerce numérique (transactionnelle ou simplement orientée communications) sur l’augmentation du chiffre d’affaires et de la chalandise
- éviter de placer dans le catalogue de produits vendus en ligne des articles (ou services) dont le taux de vente en-ligne est minime
- organiser son “panier” de modes de paiement de telle sorte à ne pas se couper d’une part importante de clientèle. Petit exemple cité par Vincent Bultot (NearShop): “les commandes qui transitent par notre plate-forme sont payées à 80% via carte bancaire, les virements et Paypal se partageant le reste. Gare aux e-commerçants qui achèteraient une solution basée entièrement sur Paypal. Ce serait se couper de la majorité de leur clientèle potentielle. Echec assuré en moins d’un an…”
- avoir une connaissance la plus complète et fine possible du fonctionnement du Web et des réseaux sociaux. Georges-Alexandre Hanin (Mobilosoft) prend l’exemple du référencement. Essentiel et pourtant semé d’embûches. “Du jour au lendemain, des e-commerçants ont vu le volume de pages vues dont ils bénéficiaient chuter spectaculairement. Sans comprendre pourquoi. En fait, Google avait simplement modifié ses algorithmes.
Erreurs basico-basiques
G-A Hanin Mobilosoft: “Je suis parfois effaré de constater combien certains commerçants sont prêts à faire d’énormes investissements sans savoir quel ROI ils pourront en retirer.”
Pour Vincent Bultot (NearShop), les erreurs de débutant se paient cash et démotivent durablement: “Avant de se lancer, il faut savoir quels produits se vendront en-ligne, quel est le potentiel et comment l’exploiter.
Et ce, afin de comparer l’importance du chiffre d’affaires potentiel à l’investissement qu’on est prêt à consentir. Il faut se rendre compte que certains produits ne se vendent pas du tout en-ligne. [Il cite en exemple… l’huile d’olive]. Or, si les ventes ne décollent pas rapidement, un (petit) commerçant n’étoffera pas sa gamme. Et il arrêtera même au bout d’un an et ne s’y risquera plus de si tôt. A plus forte raison s’il a beaucoup investi au départ.
Trop ou mal investir ne pardonne pas. “Je suis parfois effaré de constater combien de grands commerçants, voire des chaînes et grosses enseignes, sont prêts à faire d’énormes investissements sans savoir quel ROI ils pourront en retirer. Ils jouent gros simplement pour tester, pour voir comment cela marche, en croyant ou espérant que l’e-commerce va les sauver”, déclare Georges-Alexandre Hanin, fondateur de Mobilosoft.
Conforter le magasin, pas l’asphyxier
La cannibalisation des ventes en magasin est évidemment l’un des risques majeurs d’un e-commerce mal pensé.
Une stratégie de complémentarité et de création d’attractivité nouvelle par l’e-commerce ou le numérique est donc primordiale. “Compte tenu de leurs budgets limités, on constate que les petits commerçants renoncent à une solution d’e-commerce pure et dure pour se tourner davantage vers des formules de type click-and-collect ou reserve-and-collect”, déclare Georges-Alexandre Hanin.
Le magasin demeure donc le point de passage obligé pour prendre possession de l’achat. En espérant que ce passage poussera le client à acheter d’autres choses et que le commerçant s’en sortira alors avec un panier moyen plus important.
Cela ne vaut évidemment que pour des clients de proximité. Pour les autres, une stratégie de livraison et une analyse sérieuse des conditions de rentabilisation logistiques sont d’autres points d’attention majeurs à maîtriser pour éviter les mauvaises surprises pécuniaires.
C’est tout l’enjeu d’une stratégie multi-canal, avec focalisation sur le magasin ou sur le réseau de points de vente existant avec des scénarios numériques qui viennent le compléter. Ou a contrario, pour les nouvelles initiatives, une stratégie on-line “native”, associée à une présence physique.
Une bonne partie de la dernière édition du M-Forum de l’AWT était consacré à cet amour-haine entre magasins physiques et e-shops.
L’un des orateurs, Cédric Donck, business angel et membre du conseil d’administration de Mobilosoft, mettait en garde contre le risque de “destruction de valeur” que le lancement d’une solution de commerce numérique pouvait impliquer pour la présence physique, via magasins en dur.
“La piste du commerce électronique n’est viable que là où des boutiques physiques n’offrent pas assez de solutions ou de variété.”
Un danger bien réel est celui du “show rooming”: un client potentiel se rend en magasin pour faire du “lèche-vitrine”, relever les prix, saisir des codes-barres et autres QR codes et s’en retourner chez lui pour acheter en-ligne. Résultat: “une perte sèche pour commerçant si c’est un concurrent qui emporte la mise, perte de marge si l’achat se fait sur son site Internet. L’investissement consenti en brick & mortar devient trop lourd à porter.”
Selon Cédric Donck, tout type de commerce ne se prête pas forcément à une stratégie “cross-canal”. “La piste du commerce électronique n’est viable que là où des boutiques physiques n’offrent pas assez de solutions ou de variété.”
Les e-commerçants doivent donc, selon lui, se positionner davantage sur des niches de marché. Celles que les grandes chaînes ou les géants tels Amazon ne couvrent pas. Une stratégie de niche s’avère également nécessaire afin de ne pas se perdre dans la masse. Et investir lourdement en référencement est intenable face à de grands noms qui ont nettement plus de ressources à y consacrer. “L’investissement marketing consenti ne peut pas être récupéré par les petits e-commerçants.”
Attention par ailleurs aux coûts de logistique, prévient-il. “Le principe du retour gratuit de biens et articles ne convenant pas implique, non seulement des frais de port, mais aussi des frais de stockage, voire de surplus qu’on ne pourra écouler.”
“Augmenter” le physique plutôt que le remplacer
La mixité, le côté hybride (physique/virtuel) du commerce peut également se concrétiser en injectant une certaine dose de technologie dans les magasins en dur. Cédric Donck en énumérait quelques solutions possibles:
- installer des “miroirs intelligents” (ou recourir à la réalité augmentée) pour essayer virtuellement des vêtements
- prévoir des simulateurs pour jongler avec des configurations de véhicule, des options, des couleurs
- géolocaliser le magasin et identifier les articles qu’il vend de telle sorte qu’une information soit “poussée” dynamiquement par le biais de réseaux sociaux: un acheteur peut alors consulter des avis d’internautes de son réseau sur l’expérience d’achat qu’ils ont déjà fait par le passé sur le même site, avec le même produit. Exemple de solution allant dans ce sens: Greentape
- penser à personnaliser le CRM: identifier chaque consommateur afin de lui proposer des promotions personnalisées, sur base de son historique d’achat, de ses préférences (répertoriées dans la base de données ou pêchées sur les réseaux sociaux)
- proposer des promotions personnalisées via recours à des beacons (dématérialisation des coupons de réduction et codes promo).
Autre orateur invité par l’AWT, Pierrick Rodot, directeur de la filiale française de Powatag Technologies, ajoutait quelques autres idées pour éviter un carnage organisé du physique par le virtuel.
Exemples:
– proposer aux clients venant en magasin d’acheter (ou de commander) des produits en rupture de stock ou des produits en série limitée; l’achat de ces articles se fait via réservation Internet mais uniquement au départ du magasin qui est le seul à les mettre en lumière
– attirer le chaland dans un magasin où il n’avait pas forcément l’intention de se rendre en le “repérant” par géolocalisation à courte distance et en lui proposant un article, éventuellement en promotion, qui répond à ses centres d’intérêt
– jouer la carte du CRM proactif: un client qui scanne un tag dévoile par la même occasion son “identité”; ses données, ainsi captées, pourront être utilisées pour une relance commerciale, une campagne de promo…
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