Une équipe mixte d’informaticiens et de juristes des universités de Namur et de Mons a récemment lancé un nouveau logiciel de calcul et de simulation des droits de succession.
Basé sur des techniques d’intelligence artificielle déclaratives, Casubel s’adresse essentiellement à des professionnels (notaires, conseillers en patrimoine…) mais peut également s’avérer utile pour le simple citoyen. Histoire d’être moins démuni face à l’écheveau fiscalo-légalo-juridique.
Casubel est un nouveau logiciel de calcul de droits de succession qui a vu le jour l’automne dernier. Il est le fruit d’un travail de doctorat de l’Université de Namur (en collaboration avec l’UMons – voir encadré). L’idée de départ du professeur Jean-Marie Jacquet, de la faculté informatique de l’UNamur, et d’une de ses doctorantes, Isabelle Linden, était de travailler sur les règles juridiques complexes et de le “mettre en forme de manière compréhensible et directement exploitable”.
“L’un des sujets qui nous a paru être un beau cas d’étude est celui des règles gouvernant les successions. D’une part, la loi est complexe et évolue régulièrement. Les lois et taxes diffèrent selon les niveaux de pouvoir [fédéral, Régions…]. Par ailleurs, les pratiques et les situations évoluent elles aussi fortement. Familles recomposées, mariages multiples… Même dans un cas simple de succession, une douzaine de scénarios sont possibles”, souligne le professeur Jean-Marie Jacquet, professeur à la faculté informatique de l’UNamur.
L’écheveau légal
Casubel est à la fois un calculateur et simulateur de droits de succession, auquel tout citoyen belge (via son notaire) pourra faire appel pour obtenir une vision précise de sa situation successorale. Les mécanismes de calcul du logiciel s’appuient en effet sur une base de données juridiques, constamment remise à jour (en fonction des évolutions des diverses législations), et mettent automatiquement en oeuvre les règles juridiques applicables à chaque cas (droit fiscal, droit patrimonial, droit des biens…).
Sur base d’un encodage de données (état du patrimoine, situation familiale…), Casubel produit un rapport complet qui “synthétise les enjeux de la succession et donne une estimation des droits de successions dus par chaque héritier.” On y trouve notamment la part détaillée des divers héritiers et, sur base de la catégorie fiscale à laquelle ils appartiennent (conjoint survivant, héritier en ligne directe…) et la région concernée, les droits de succession qu’ils devront payer.
Notons ici que les fichiers sont produits en XML “de telle sorte à pouvoir être exportés et récupérés dans d’autres logiciels.”
Chacun pourra ainsi non seulement se faire une idée des droits qu’auront à payer potentiellement les bénéficiaires mais pourra aussi “scénariser” le plan de succession le plus “opportun”.
Pour ses débuts, Casubel a été développé pour les ordinateurs opérant sous Windows. Une version MacOS sera disponible dès le début de cette année, en principe dès la fin du mois de janvier. Les auteurs de la solution envisagent en outre une version pour tablette
Une version Web est également à l’étude.
Le logiciel a recours à des techniques d’intelligence artificielle déclaratives afin de permettre ce que le professeur Jacquet appelle une “simulation fine”. “Contrairement à d’autres solutions qui se basent sur la technique, plus rigide, d’arbres de décision, Casubel permet d’encoder des éléments qui, compte tenu de chaque situation, apparaissent comme pertinents. Par exemple, des personnes qui ne figurent pas dans la descendance. Ou des scénarios qui n’existent pas encore mais qui seront possibles en raison d’une évolution future de la législation. Il est possible de procéder à des simulations telles que l’ajout d’une deuxième nièce encore à naître ou l’effet du décès d’une personne, ou d’un divorce futur éventuel…”
Cela permet aussi, par exemple, au notaire de prendre en compte les règles de la législation qui s’appliquera lorsque la succession aura été déclarée (il dispose d’un délais maximum de 4 mois, après le décès d’une personne, pour effectuer cette déclaration; pendant ce laps de temps, il arrive que la législation change…).
Pas de cloud
Les données servant au calcul d’une succession étant des informations sensibles, hautement confidentielles, l’équipe qui a donné naissance à Casubel a souhaité garantir au maximum leur sécurité.
Commercialisé par Anthemis, maison d’édition spécialisée dans l’édition d’ouvrages spécialisés en droit, économie et gestion, il se destine essentiellement à des professionnels – notaires, conseillers en patrimoine, avocats fiscalistes. Ces professionnels peuvent l’acquérir et le télécharger moyennant activation d’une clé.
A noter toutefois que le simple citoyen pourra lui aussi acquérir ce logiciel mais essentiellement à des fins de simulation: “le logiciel est utilisable gratuitement en version test entièrement fonctionnelle pendant une durée d’un mois. Un simple citoyen peut donc le tester lui-même mais son utilisation nécessite toutefois de maîtriser les subtilités légales, dès le stade de l’encodage des données…”
Pour les raisons de sécurité et de confidentialité évoquées ci-dessus, le logiciel ne peut être installé que sur l’ordinateur du “prestataire de service” (le notaire, par exemple) afin de garantir un traitement local (calcul, simulation) de toutes les données. Un mécanisme de vérification d’adresse MAC est par exemple destiné à éviter que données et fichiers puissent être copiés sur un autre ordinateur (la licence n’autorise qu’une installation sur un maximum de deux ordinateurs différents par utilisateur autorisé). Et Anthemis peut effectuer d’autres vérifications (identité de l’utilisateur via croisement, par exemple, avec la liste officielle des notaires).
Exemples de quelques autres contraintes qui ont été prévues lors du développement: les installations de fichiers font l’objet d’une autorisation préalable; le demandeur [d’un calcul de succession] décide où et quelles données sont stockées; aucun fichier temporaire n’est mémorisé pour la production de rapports…
… mais un logiciel qui se réactualise
Si les auteurs de Casubel avaient opté pour une version “cloud” (avec utilisation via le site d’Anthemis et stockage des données et fichiers sur un serveur central externalisé), la question des mises à jour (nouvelles règles légales et juridiques, essentiellement) ne se serait pas posée pour les utilisateurs finaux.
Prévu pour une utilisation exclusivement locale (même si le scénario d’une solution Web est à l’étude), le logiciel Casubel installé sur l’ordinateur d’un notaire sera mis à jour selon deux scénarios. Si l’utilisateur connecte son ordinateur au site d’Anthemis, il verra automatiquement qu’une version mise à jour est disponible. S’il ne se connecte pas, Anthemis enverra un mail avertissant l’utilisateur d’une mise à jour (importante) à télécharger.
Equipe de développement
– Jean-Marie Jacquet, professeur à la faculté informatique de l’UNamur. Il y enseigne notamment la programmation et l’intelligence artificielle
– Isabelle Linden, chargée de cours à la Faculté des Sciences économiques de l’Université de Namur
– Patrick Jaillot, expert-comptable et responsable scientifique du CeFIAD (Centre de Formations Interprofessionnel Affaires et Droit) des FUCaM (UMons). Il est aussi directeur de collections chez Anthemis.
– Dominique Helbois, professeur à l’UCL en Hainaut (Mons).
L’équipe à la base de la solution de Casubel. 2ème et 3ème à partir de la gauche: le Prof. Jean-Marie Jacquet et sa doctorante Isabelle Linden.
Commercialisation: Anthemis, maison d’édition spécialisée dans l’édition d’ouvrages spécialisés en droit, économie et gestion.
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