L’idée – ou l’envie, c’est selon – mûrissait depuis plusieurs années dans la tête de Pierre L’Hoest, fondateur et ancien patron d’EVS: promouvoir activement l’innovation, amener des projets technologiques “de rupture” à maturation, avec une perspective de croissance rapide et de création (la plus importante possible) d’emplois.
Cette idée, il l’a finalement concrétisée en créant The Faktory. Sur ses terres, à Liège, mais dans un esprit d’ouverture à l’international. Cette structure fait à la fois office d’incubateur (accompagnement, conseils) et de source d’investissement “pre-seed” pour de jeunes sociétés ou des porteurs de projets technologiques innovants.
Mais la formule se distingue des autres initiatives d’incubation/accélération qui fleurissent depuis quelque temps chez nous.
Tout d’abord, The Faktory est entièrement et exclusivement une structure privée. Les fonds et les moyens opérationnels viennent de la cassette personnelle de Pierre L’Hoest et, à terme, du “rendement” des investissements effectués.
Ensuite, The Faktory est un sélectionneur et accélérateur de projets prometteurs mais veut opérer en se donnant le temps et la profondeur d’analyse (et pré-analyse) nécessaires. Dès lors, pas de sélection speedée de projets sur base d’un pitch de quelques minutes, d’une vidéo-flash ou d’un dossier composé de quelques slides. “Nous procédons, en amont, à un gros exercice d’analyse du dossier et de collecte d’informations pour étudier le contexte dans lequel évoluera le projet et la start-up, la nature et l’importance de la concurrence, les marges potentielles, les flux, le potentiel du marché…”, indique Simon Alexandre, directeur général (il était, auparavant, le directeur du CETIC). “Nous rencontrons longuement les fondateurs. En ce compris pour évaluer s’il y a affinité de vues et d’objectif et si la relation peut être de qualité.”
The Faktory ne procède par ailleurs pas non selon le principe du programme “accéléré”, du genre stage d’immersion strictement limité dans le temps. La phase d’accompagnement et de préparation d’un MVP (minimum viable product) peut aller jusqu’à 18 ou 24 mois.
Fil rouge: innovation à fort potentiel
Dans le vocabulaire The Faktory, “fort potentiel” se définit surtout en termes d’exploitation de nature industrielle, de création d’emplois, de perspectives à l’international. Rien à voir donc (même si cela peut être un effet induit) avec la volonté de générer avant tout du “passage”, du “trafic”, une communauté plantureuse et active, des clics à tire-larigot. Ou encore une valorisation virtuelle surdimensionnée, aussi solide qu’une bulle.
Simon Alexandre (The Faktory): “le projet doit être porteur d’importante valeur ajoutée, de croissance et de création d’emplois. Le but est d’aller vite et très haut…”
Quelles caractéristiques doivent dès lors avoir les projets pour retenir l’attention de The Faktory? Simon Alexandre, directeur général, les énumère:
- un projet s’appuyant sur une technologie de rupture (soit totalement nouvelle, soit venant remplacer une homologue vieillie)
- un “produit” qui affiche une importante valeur ajoutée et un potentiel de marge importante et ce, “pour être en mesure de créer un marché, de garantir la croissance et de créer beaucoup d’emplois”
- un marché-cible de “niche”, “parce que cela permet de le circonscrire et parce que les majors ne s’y intéressent pas” – ou pas encore…
- une dimension internationale potentielle, “avec son corollaire immédiat qui est la perspective d’un chiffre d’affaires conséquent”.
- une orientation B2B ou B2B2C et une claire connotation industrielle, mais prise au sens large (on ne parle pas ici de la seule industrie “lourde” ou traditionnelle)
- une équipe ayant déjà de l’expérience.
Quel degré de maturité ou quelle solidité doit avoir le projet candidat? “Il faut au moins de premiers indices de validation de l’existence d’un marché. Parfois un premier prototype. Et démontrer la capacité de l’équipe à porter le projet. Même si ce dernier n’est pas forcément déjà bien ficelé…”
On la vu, le potentiel de croissance et de génération de chiffre d’affaires est l’une des règles à la Faktory. Traduction en chiffres? “Il faut que les ingrédients présents, en termes de créneau visé, de débouchés etc., laissent entrevoir un chiffre d’affaires de l’ordre de 10 millions d’euros dans une perspective à cinq ans.” Ce n’est évidemment pas une règle absolue mais, souligne Simon Alexandre, “c’est là l’un des éléments auxquels nous sommes très attentifs, sans qu’il soit pour autant bloquant…”
Ouvert à tout mais pas prêt à tout
A condition qu’un projet réunisse ces conditions, il a donc des chances d’être retenu par The Faktory. Quel que soit le domaine visé? “Il peut potentiellement viser n’importe quel secteur industriel mais nous sommes plus à l’aise dans le domaine de l’ICT et des médias”. Passé des fondateurs oblige. “Tous les projets en cours d’analyse ont ainsi une orientation IT, qu’il s’agisse de logiciels ou de matériels.” Mais il n’y a pas d’exclusive. “L’un des trois premiers projets incubés touche au monde des biomatériaux, un autre à la musique électronique mais avec de claires implications dans la sphère professionnelle”.
Le troisième, porté par une équipe franco-luxembourgeoise, évolue pour sa part dans la sphère de l’Internet des objets et de l’analyse de mégadonnées (big data). En l’occurrence, un projet de dispositif mobile autonome mesurant la qualité de l’air à l’intérieur d’habitations et de bâtiments. Le traitement de ces mesures temps réel permettra d’anticiper des problèmes liés aux comportements des occupants et de leur fournir des conseils. Les perspectives de développement concernent potentiellement le monde de la construction, des équipementiers et des smart buildings.
Même si un projet candidat remplit toutes les conditions citées jusqu’ici, cela ne veut pas dire qu’il sera pour autant adopté. “Un élément important à nos yeux est l’impact social, voire environnemental, du projet. Nous ne nous engagerons par exemple pas dans des projets qui ont pour but ou pour effet de ‘fliquer’ les utilisateurs ou qui génèrent certes beaucoup de revenus mais sur le dos des utilisateurs.”
L’équipe dit par ailleurs se méfier et vouloir se tenir à distance des schémas de valorisation surdimensionnés et irréalistes…
Quant à la nationalité des porteurs de projets, elle n’a pas d’importance. “Nous avons déjà reçu des demandes venant des Etats-Unis, du Mexique, de Chine… Et l’un des trois projets en cours est franco-luxembourgeois.” Il y a toutefois une condition (qui ne va pas jusqu’à la contrainte): “les projets doivent pouvoir créer des activités en Wallonie, en Belgique ou dans une zone proche… A cet égard, le Grand-Duché n’est pas trop loin…”
Les moyens pour le faire
La croissance rapide et d’une certaine ampleur, dans une perspective industrielle et si possible internationale, étant l’objectif, cela suppose des mises de fonds potentiellement importante.
A cet égard, les fonds privés qu’engage The Faktory sont destinés à la phase seed ou pre-seed. Autrement dit, la période de genèse, d’“amorçage” de la société.
Simon Alexandre: “Même s’ils sont inexpérimentés, le principe est de laisser les fondateurs aux manettes. Nous intervenons comme co-pilotes. Nous pratiquons le conseil, pas l’ingérence…”
“Nous voulons être le partenaire de référence”, indique Simon Alexandre. Avec un apport de moyens tant humains que financiers. Pas question de jouer les utilités. “Nous ne sommes pas partisans de participations à hauteur de 5 ou 10% parce que cela implique qu’il y aura trop de monde autour de la table avec tout ce que cela implique en termes de pertes d’énergie et de focus.” Une telle participation minoritaire ne donnerait en outre aucun poids à The Faktory. “Nous sommes plus à l’aise dans des projets où nous sommes actionnaire de référence à hauteur de 25 ou 30%.”
Le taux peut varier: “20%, 40%, parfois 100% dans un premier temps…” Mais l’objectif est aussi de “laisser de la place pour d’autres investisseurs, qui plus est des investisseurs stratégiques.” L’objectif étant la croissance et le développement international, “des investisseurs stratégiques, en ce compris étrangers, ayant des connaissances sectorielles, sont nécessaires.”
The Faktory opère d’ailleurs déjà en liaison directe avec un fonds d’investissement new-yorkais qui lui sert de relais vers les fonds américains qui pourraient ainsi investir dans les projets incubés. “Jusqu’ici, cet intermédiaire n’opère qu’en mode conseils et avis sur les projets et sur les marchés visés.”
Quant à la hauteur de l’investissement, elle est potentiellement de l’ordre de 200 voire 300.000 euros. “Au début, nous avions parlé de mises de fonds entre 500.000 et 2 millions mais cela a donné la fausse impression que nous n’investissions que dans de très gros projets. A noter aussi que nous n’investirons jamais 2 millions d’un seul coup. Ce genre de mise de fonds est surtout destinée aux 2ème ou 3ème tours.”
Les exceptions
De préférence et en conformité avec le modèle choisi, The Faktory se destine donc à opérer à la fois comme réservoir de compétences, “maturateur” de projet et bailleur de fonds. “Dans certains cas, nous pouvons n’intervenir que sur le volet financier”, mais ce ne seront que des cas exceptionnels.
Si le B2C n’est pas non plus sa tasse de thé, The Faktory s’y intéresse toutefois, par la bande. C’est ainsi qu’un pool de compétences a été créé dans le domaine des applis mobiles. “Parce qu’elles représentent un énorme potentiel pour les milieux professionnels et industriels et qu’il s’agit là d’un axe à développer dans le cadre de différents projets. Nous avons donc décidé de constituer notre propre équipe, pour pouvoir aller vite et épauler les équipes des start-ups que nous accompagnons”, précise Simon Alexandre.
L’équipe, modeste (3 personnes), réunit des profils d’architectes et développeurs senior, essentiellement spécialisés en iOS et Android. “L’optique n’est absolument pas de permettre à des entreprises ou porteurs de projets d’externaliser chez nous le développement. Nous intervenons en tant que partenaire, par exemple pour aider l’équipe de la start-up à réaliser plus rapidement et sur des bases solides, en termes de processus, de méthodologie, d’outils…, le prototype de son MVP (minimum viable product).”
Ce pool a d’ailleurs déjà été sollicité, en l’occurrence par la start-up liégeoise Neerup dont nous vous parlions récemment.
Un modèle en évolution
Pour l’heure, The Faktory occupe quelques bureaux dans le Business Center de l’Aéroport de Liège, à Bierset. Dans quelques semaines, l’équipe déménagera vers des locaux plus vastes (300 m2), toujours sur le site de l’Aéroport.
En attendant d’emménager dans des locaux plus spacieux, The Faktory a élu domicile sur le site de l’Aéroport de Liège, dans les locaux du Business Center…
Le nouveau site permettra d’accueillir les projets “incubés” en procurant à chacun un espace privatif. Pas d’open space dès lors mais des bureaux où, tout en pratiquant les contacts de proximité avec les autres projets et l’équipe de The Faktory, ils pourront mettre leurs idées et leur évolution à l’abri des regards. “Nous évoluons dans un contexte B2B où le secret des affaires est nécessaire, très loin de l’esprit de libre échange des start-ups Web”.
A plus long terme (18 ou 24 mois?), The Faktory s’installera sur un site d’un genre nouveau. Toujours à Liège (Quai Marcelis). Un site dédié aux start-ups qui combinera bureaux, espaces libres pour échanges et réseautage, logements – pour les incubés (étrangers, notamment) voulant un pied-à-terre, et une zone dédiée notamment à l’agriculture urbaine et à la biodiversité, “où les start-ups pourront se confronter à d’autres dimensions – design, architecture, écosystème…”.
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