CHU Liège: aide à la décision pour professionnels de la santé

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Par · 03/06/2014

Dans le cadre, notamment, de divers projets européens Interreg portant sur des problématiques de gériatrie et de radiothérapie, le CHU de Liège s’est lancé dans des expérimentations et travaux de recherche touchant au “big data”. “Nous sommes l’un des hôpitaux de Belgique dont l’informatisation est la plus poussée. Nous disposons donc de grandes quantités de données, structurées ou non, qui alimentent les DMI (dossiers médicaux informatisés)”, déclare Christophe Lejeune, directeur opérationnel du département IT du CHU de Liège.

“Il nous semble dès lors potentiellement intéressant d’y ajouter une dimension supplémentaire en les croisant [une fois anonymisées, évidemment] à d’autres données, par exemple les signes vitaux relevés dans le service des soins intensifs ou encore les données que collectent et transmettent automatiquement divers appareils. En ce compris ceux qui sont utilisés à domicile (tension, etc.). Il serait aussi intéressant sans doute de les croiser avec une autre source de données, à savoir l’analyse génomique.”

A quelles fins? Christophe Lejeune cite par exemple la possibilité de procéder à des analyses temps réel sur ces masses de données croisées afin d’accélérer les réactions et prises d’actions.

Christophe Lejeune (CHU de Liège): “Le croisement des données pourrait permettre de générer des signaux d’alarme pertinents.”

Premier domaine d’application potentiel: la génération d’“alertes contextualisées”. “Selon l’âge de la personne, ses antécédents, son état de santé, la détection de certains signaux n’aura évidemment pas la même signification et n’appellera pas la même réaction que s’il s’agit d’un jeune en bonne santé ou une personne âgée souffrant par exemple de difficultés respiratoires. Le croisement des données pourrait permettre de générer des signaux d’alarme pertinents.”

Autre application potentielle: “l’aide à la décision lorsqu’un médecin doit poser un acte. Le système peut alors lui suggérer de procéder à une analyse complémentaire ou d’opter pour telle prescription médicamenteuse plutôt qu’une autre. Je crois davantage à un tel scénario à court terme. Mais avec toute la prudence nécessaire. Le système ne doit pas se substituer au médecin.”

Premiers projets

Le CHU de Liège a déjà procédé à certains tests. Un premier a eu pour cadre les hospitalisations gériatriques. Des patients ont été équipés d’un actimètre afin de collecter des données dont l’analyse a permis de déterminer le risque de chute. Ce dispositif portatif combine notamment accéléromètre et gyroscope afin de quantifier les mouvements du corps. Il peut ainsi détecter la posture du patient lorsqu’il marche et relève tout signe de dégradation des mouvements (manière de poser le pied, hauteur de l’épaule, physionomie de la marche, positionnement selon l’axe perpendiculaire…).

Document CHU Liège

Un autre projet qui, lui, n’a pas encore été initié devrait aller plus loin dans l’analyse et le croisement de données. Objectif: allier informations sur la posture et l’activité des patients avec leurs 5 paramètres physiologiques de base (ECG, pression sanguine, taux d’oxygénation…) afin de pouvoir faire une “lecture réellement intelligente” des implications qu’ont ou non les divers paramètres.

“Ces paramètres n’ont en soi aucun sens si on n’est pas capable de déterminer dans quelles circonstances ils sont relevés: le patient est-il couché, en activité…? Pouvoir capter toutes ces données, via un dispositif intelligent, non intrusif, et les croiser serait particulièrement utile pour un suivi pertinent de toute personne âgée quittant un service de gériatrie.”

On entre là dans le domaine de ce qu’on appelle les “gérontechnologies”, notamment appelées à faciliter le maintien à domicile de personnes âgées ou malades. La surveillance ou le suivi à distance de chaque personne implique la collecte de multiples données (paramètres vitaux, activités, mouvements, positions, etc.) générées par des capteurs, télé-alarmes, dispositifs de géolocalisation, équipements domotiques… “Les données à analyser sont multiples: données cardio, rythme respiratoire, pression sanguine, activité de la personne, température du corps, posture de la personne… L’observation-test de 19 patients a par exemple déjà généré une somme de 1,2 million de données.”

Aide à la décision

Dans le domaine de l’aide à la décision médicale, les acteurs de terrain sont demandeurs d’outils plus sophistiqués que ceux dont ils disposent actuellement. Au CHU de Liège, c’est par exemple le cas des anesthésistes.

Pour leurs besoins, un outil basique d’aide à la décision est utilisé depuis quelques mois. Des données générées par des capteurs et des données de surveillance sont relevées et encodées toutes les 10 minutes et intégrées au DMI (dossier médical informatisé). Cela permet de “modéliser” le comportement des anesthésistes et d’analyser leurs actions sur base de divers paramètres et des données du patient.

L’outil permet ainsi à l’anesthésiste de disposer sur son ordinateur de conseils pour l’administration de tel ou tel type de produit en fonction du type de patient. Les conseils sont formulés sur base de bonnes pratiques et d’un référentiel de données (données de patients du CHU) “mais le nombre de paramètres est encore limité”, souligne Christophe Lejeune. Les anesthésistes seraient intéressés à pourvoir augmenter le nombre de paramètres, croiser avec les paramètres vitaux réels des patients.” Cela permettrait de créer un “guide de comportement” permettant aux anesthésistes, en particulier aux moins expérimentés d’entre eux, de savoir quoi faire dans tel ou tel scénario afin de prendre rapidement les bonnes décisions.