Materialise, l’entreprise de Haasrode qui s’est lancée dans la “fabrication additive” (additive manufacturing) voici déjà deux décennies, a désormais une petite soeur wallonne: AddiParts, créée à Mons en janvier de cette année, se lance à son tour dans cette sphère d’activités dont on parle tant. Utiliser les imprimantes 3D pour fabriquer des produits dans une kyrielle toujours plus éclectique de domaines devient pratiquement une mode. Et nous n’en sommes qu’au début de ce que d’aucuns appellent la prochaine révolution industrielle, le retour potentiel de maîtrise d’une production locale, voire individualisée, et l’âge des “makers”.
AddiParts s’est choisi un positionnement bien spécifique – à savoir, la production de pièces et produits à destination industrielle. Potentiellement certes pour une grande variété de secteurs industriels mais en visant en priorité les domaines de l’électronique, de l’électromécanique, de l’aéronautique, de l’aérospatial et de la défense.
Ce choix sectoriel est la résultante à la fois d’une étude d’opportunité menée en collaboration avec le Sirris et du passé de son fondateur, Charles Demoulin. Ce dernier, aujourd’hui âgé de 58 ans, a en effet fait toute sa carrière dans le domaine de l’aéronautique, de la défense et de l’électronique. Il a ainsi travaillé pour Dassault Belgique, la SABCA, FN Herstal ou encore Thalès Belgique.
“Les secteurs identifiés comme prioritaires sont ceux dans lesquels AddiParts dispose d’une maîtrise confirmée. C’est là aussi que je peux faire jouer mon réseau de contacts pour commencer à démarcher le marché”, déclare-t-il.
Il sera d’ailleurs aidé dans son positionnement par PlastiService avec qui une triple alliance a été conclue: technologique, commerciale (démarchage conjoint et complémentarité des offres) mais aussi financier. Basée à Jumet, près de Charleroi, cette société spécialisée dans la transformation de matières plastiques et la fabrication de produits thermoplastiques semi-finis, est en effet entrée à hauteur de 50% dans le capital. Un investissement stratégique pour PlastiService, dirigée par Gérard Baudson, qui voulait éviter que l’émergence de la fabrication additive ne vienne lui tailler des croupières dans son pré carré (production par usinage classique). “C’est en fait Total Seneffe, dans une démarche de recherche de synergies entre acteurs de la région, qui nous a mis en contact et a permis ce partenariat.”
En quête de complémentarités
En se lançant sur le marché belge, AddiParts veut tout naturellement éviter de concurrencer Materialise qui, outre une longue expérience, dispose d’autres moyens que la jeune société montoise.
Charles Demoulin: “Nous visons des secteurs bien spécifique et une clientèle – notamment les PME – qui a besoin de conseils et d’accompagnement.”
“Materialise est essentiellement active dans le domaine du médical [production additive de prothèses, notamment] et l’automobile. Nous visons d’autres secteurs. Nous voulons également nous positionner, à terme, pour répondre aux besoins de l’agro-alimentaire ou du pharmaceutique. Et, surtout”, souligne Charles Demoulin, “nous nous adressons plus spécifiquement à une clientèle potentielle de PME, à des clients qui ont besoin de conseils et d’accompagnement. Chose que Materialise n’offre pas nécessairement.”
En particulier sur le marché francophone. Ou encore pour répondre aux besoins des bureaux d’étude locaux.
Des contacts seront donc pris entre les deux sociétés, dans l’espoir d’en arriver à des positionnements complémentaires.
Le coeur de cible géographique d’AddiParts sera tout naturellement la Wallonie mais avec des ambitions également sur les pays limitrophes (Grand-Duché, Nord de la France). Un territoire encore vierge et déjà porteur. Une concurrence plus forte, par contre, risque d’être rencontrée plus vers le sud de la France. Pour démarcher le marché français, signalons qu’AddiParts s’appuiera sur son compère PlastiService qui y dispose de 5 implantations (Lille, Rouen, Paris, Orléans et Lyon).
L’intérêt du local
“Modestement, nous voulons contribuer au redressement industriel de la Wallonie”. Par cette affirmation, Charles Demoulin veut indiquer que sa nouvelle société peut apporter à sa cible – grands groupes mais aussi et surtout peut-être PME – une source de production spécialisée, jouant la proximité, pour des besoins que les techniques de production traditionnelles (par extrusion et usinage) ne peuvent satisfaire aisément, à coût abordable et dans des délais acceptables.
A l’heure où Internet a fait fondre les frontières géographiques et où le fichier 3D d’une pièce peut être fourni à un fabricant où qu’il soit basé sur la planète, pourquoi vouloir jouer la carte du producteur local?
Laurent Faille, de PlastiService: “Les métiers industriels exigent une proximité humaine. Il reste essentiel de pouvoir aller discuter, sur le terrain, avec le client, de ce qui est possible, de la manière de procéder. Ce type d’échanges techniques et ce besoin de compréhension sont difficiles à garantir à distance.”
Le marché doit encore – très largement – être “évangélisé” et, surtout, conseillé sur les bons usages et sur l’équation économique que peut aider à résoudre la fabrication additive. Voir ci-dessous.
AddiParts se profile donc à la fois comme un producteur additif (fabrication d’outillages et de gabarits, de modèles, de pièces en petite série…) et comme un conseiller et prestataire de services. Pour les besoins des PME qui ne disposeraient ni de l’équipement ni des compétences internes nécessaires, la société peut également prendre en charge la phase préliminaire de la modélisation 3D de la pièce à produire.
En matière d’“éducation” et d’éveil du marché, d’autres acteurs auront aussi leur rôle à jouer. Des contacts sont par exemple prévus avec les pôles de compétitivité SkyWin et MecaTech. Par ailleurs, des collaborations seront instaurées avec la Polytech de l’Université de Mons pour de la R&D conjointe. Et AddiParts accueillera dès cet été un premier étudiant stagiaire qui s’essaiera, pendant 4 semaines, à la fabrication additive.
Pas tout et pas n’importe quoi
Economiquement, la fabrication additive n’a de sens que dans des situations et pour des finalités bien précises. Essentiellement pour la production de pièces trop complexes pour les techniques traditionnelles, pour de petites séries, ou encore pour la fabrication rapide de prototypes et de modèles à valider avant de démarrer une production en grande série.
La fabrication par impression 3D vise surtout la production de petites séries de pièces trop complexes et onéreuses à produire par usinage. Photo: Stratasys
Le coût, la longueur du processus de prototypage, la charge humaine, l’intervention nécessaire d’équipements d’usinage jouent, dans ce registre, en défaveur des techniques traditionnelles.
Gains de temps, allègement de la charge en développement et diminution des risques par des tests rapides en amont sont aussi des arguments de la production additive. “C’est là que nous pouvons apporter de nouvelles perspectives aux PME, leur faire gagner un temps précieux”, souligne Charles Demoulin.
Pour ses débuts, AddiParts a investi dans deux imprimantes 3D relativement haut de gamme. A savoir une Fortus 400 mc de Startasys pour des fabrications en plastique (tailles maximale: 406 x 355 x 406) et une imprimante Solidscape 3Z Pro pour l’impression de modèles et gabarits en cire perdue haute précision (dimensions maximales: 152 x 152 x 101).
Elle peut ainsi produire des pièces dans 9 matériaux différents, répondant aux contraintes, souvent très spécifiques, des marchés qu’elle peut adresser. Ceux cités plus haut (électromécanique, aéronautique…) mais aussi, potentiellement, les secteurs pharmaceutique ou agro-alimentaire.
Pour les fabrications additives à base d’autres matières (métal, aluminium, plâtre, cuivre…), elle recourt à des partenariats. Essentiellement le Sirris et son parc de 17 machines ou encore la jeune société Additiv, également montoise, qui se positionne davantage sur le marché du design, des créations artistiques, estime Charles Demoulin, et avec qui un “partenariat tacite”, pour reprendre son expression , a été noué.
En 2015, AddiParts compte investir un nouveau domaine. A savoir l’impression multi-jets, qui lui permettra de produire des pièces à base de deux types de matériaux différents.
En 2016, elle pourrait se lancer dans la production additive de pièces métalliques, un domaine qu’elle estime encore aujourd’hui pas assez mûr et stabilisé mais – aussi – requérant des investissements plus substantiels en équipements.
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