L’une des revendications d’Agoria – et elle n’est pas neuve – est de faciliter l’installation de réseaux de nouvelle génération – lisez: le très haut débit – que ce soit pour le fixe que pour le mobile.
La fédération professionnelle estime qu’en la matière, les pouvoirs publics font montre d’un manque flagrant de volontarisme et prennent parfois des mesures qui vont à l’encontre du but à se fixer: “les charges et taxes pesant sur le secteur bloquent les investissements qui sont aujourd’hui nécessaires.”
Exemple: la taxation imposée, côté wallon, sur les pylônes.
“On tente, d’une part, d’arriver à un niveau compétitif par rapport à l’étranger en termes d’accès à l’infrastructure, et d’autre part, on taxe l’infrastructure elle-même, ce qui rendra certains sites moins voire pas du tout rentables. Cela aura pour effet de diminuer la couverture… et le développement économique dans certaines régions. On ne peut en effet pas s’attendre à ce que les opérateurs investissent là où ce n’est pas rentable”, estime Baudouin Corlùy, directeur d’Agoria ICT.
“La Belgique et singulièrement la Wallonie sont à la traîne en ce qui concerne la connectivité des ménages et des entreprises. […] Les autorités doivent viser un climat favorable aux investissements et non pas le freiner.”
Parmi les recommandations d’Agoria:
- se fixer des objectifs “ambitieux mais réalistes” en vue du développement de nouveaux services performants. “Il faut tendre vers la mise en place de la fibre optique – en ce compris une infrastructure FTTH (fiber to the home) -, d’une infrastructure Long Term Evolution (LTE) dans le mobile, d’une connectivité à 1 Gbps…” A cet égard, Agoria recommande par ailleurs “un inventaire évolutif de l’ensemble des infrastructures passives (voiries, tunnels, réseaux d’égouttage, etc.), en vue de leur mise à disposition pour les réseaux de nouvelle génération.”
- simplifier les démarches: “il n’existe en Région wallonne aucun régime de dispenses urbanistiques pour les travaux de moindre importance destinés aux infrastructures fixes et/ou mobiles. Une simplification générale est nécessaire”
- revoir charges et taxes. Agoria pointe plus particulièrement du doigt la nouvelle taxe régionale sur les antennes GSM mise en oeuvre par la Wallonie. Taxe qui remplace toutefois la taxe communale mais qui laisse aux pouvoirs locaux la possibilité d’appliquer une surtaxe. Ce que rejette également la fédération: “Agoria demande que les surtaxes communales et provinciales ne soient pas appliquées ou [soient] supprimées afin de préserver un climat favorable aux investissements.”
- maintenir le principe de “gratuité du droit de passage pour les infrastructures de télécommunication.” En totale opposition dès lors avec la position adoptée par l’UVCW (Union des Villes et Communes de Wallonie) qui, dans son propre mémorandum, prône “l’élargissement de la redevance électricité et gaz au secteur des télécommunications.” (relire notre article).
Le haut débit? “Ambition et cohérence”
Parmi les recommandations d’Agoria figure donc cet objectif à atteindre d’une connectivité à 1 Gbps. Ambitieux, certes. Mais est-ce réaliste?
Ce chiffre, Agoria n’en fait pas un emblème mais la fédération l’a choisi parce qu’à ses yeux, les objectifs fixés par l’Agenda numérique européen [à l’horizon 2020, 100% de la population devrait bénéficier d’un débit supérieur à 30 Mbps et minimum 50% des ménages devraient pouvoir surfer à plus de 100 Mbps] ne “sont pas très ambitieux. C’est certes réaliste et il faut maintenir cet objectif. Mais quand la Corée sera à 10 Gbps, ne sera-t-on pas ridicule avec du 100 Mbps? Notre réflexion est donc de dire qu’il faut être plus ambitieux…”
Par quel moyen? Financement public-privé? “Il faut une réflexion en Belgique sur ces réseaux à (très) haut débit. Nous nous trouvons dans une situation assez particulière. Nous restons un pays très performant en termes de bande passante. On a certes perdu quelques places dans le classement mondial mais on demeure dans le Top 10. Les pays les plus en pointe sont les pays asiatiques (Corée, Japon, Singapour) mais qui ont pu bénéficier des apports publics pour déployer leurs réseaux.
En Flandre et à Bruxelles, l’infrastructure aujourd’hui est suffisante mais lorsqu’il s’agira de déployer la fibre optique, à usage privé ou professionnel, il faudra mettre d’autres moyens sur la table.
En Wallonie, la situation est différente, Voo n’a pas encore déployé de l’Internet haut débit dans toutes les régions et n’a probablement pas la volonté, voire les moyens, de le faire rapidement. La situation risque de perdurer. Il faudra une véritable volonté du gouvernement pour pousser un investissement. Il faut une intervention des pouvoirs publics, voire du régulateur, pour libérer le carcan dans lequel évoluent les opérateurs. Et cela passera, selon moi, par des partenariats.”
La fibre de la Sofico. Un mauvais signal?
Quel jugement porte Agoria sur la décision prise par le gouvernement wallon de vendre le réseau fibre optique de la Sofico? Cela va-t-il à ses yeux à l’encontre d’un développement volontariste?
“Cette question de la vente du réseau de la Sofico doit être vu dans un contexte plus large qui est celui du déploiement des réseaux du futur”, estime Baudouin Corlùy. “Aucun opérateur n’a une couverture optimale. Une impulsion est nécessaire de la part des pouvoirs publics, sinon il y aura des trous dans le maillage de l’infrastructure. Et ce n’est pas le réseau de la Sofico qui fera réellement la différence. Il faut une réflexion stratégique en vue d’aménager une infrastructure performante pour tous les citoyens et acteurs économiques, pour générer des activités économiques. Comment faire pour que là où les infrastructures ne sont ni présentes ni complémentaires, ces ‘réseaux du futur’ puissent malgré tout voir le jour? Il faudra sans doute adapter la régulation, par le biais d’une réflexion avec le régulateur national. Tant qu’il n’y aura pas de cadre réglementaire, les opérateurs ne seront pas incités à investir.”
La rentabilité, à ses yeux, passera aussi par des choix technico-stratégiques: “A terme, il faudra voir comment une infrastructure mobile peut être complémentaire d’une infrastructure fixe. Faut-il continuer à déployer du fixe là où il n’y a que quelques habitants? N’a-t-on pas intérêt à se tourner vers une autre infrastructure? Pourquoi obliger les opérateurs à investir dans des choses qui ne seront pas forcément utilisées?”
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