Enseignement et IT: une réflexion en profondeur s’impose, selon Agoria

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Par · 16/04/2014

“Il faut une véritable réflexion sur la mise en place de la classe du futur, tant au primaire qu’au secondaire. Elle ne doit pas se limiter uniquement à la mise en place des technologies – même s’il y a déjà là, en termes de mise à disposition d’ordinateurs, un gros problème puisque certaines ne sont plus à niveau”, déclare Baudouin Corlùy, directeur d’Agoria ICT.

Baudouin Corlùy: “Rien de structuré n’existe qui permette aux enseignants de transmettre une connaissance qu’ils ne possèdent d’ailleurs pas.”

“Il faut en priorité s’accorder sur ce qu’est l’école du futur. Si on résume cela à la mise à disposition de tablettes, cela ne sert à rien de parler de moyens conséquents.

La question est de savoir s’il y a une réelle volonté d’étendre l’effort qui avait été fait avec le plan CyberClasse, dans un premier temps, et de réorienter l’école pour en faire réellement une école du futur. Ou bien va-t-on se contenter de quelque chose de plus restreint, comme le remplacement des tableaux par des TBI [tableaux blancs interactifs]?

Dans ce cas, on n’ira pas très loin. Dans l’autre cas, il faut mettre des moyens conséquents, travailler au niveau de l’infrastructure-même de l’école. C’est vers cela qu’il faut tendre, être ambitieux… En termes de moyens, cela n’a jamais été chiffré.

La réflexion doit aussi porter sur l’enseignement, l’accompagnement du corps enseignant, la transmission du savoir sur l’évolution des technologies. Il y a là un frein. Les enseignants n’ont pas été soutenus en termes de connaissances. Il n’existe rien de structuré qui leur permette de transmettre une connaissance qu’ils ne possèdent d’ailleurs pas.”

Selon Agoria, “un exemple de nouvelle organisation de l’enseignement tel que le Future Classroom Lab, développé par European SchoolNet et démontré à Bruxelles, doit servir de modèle pour la réflexion à avoir sur le concept de classe du futur”.

Une opportunité à saisir

Côté wallon, Thierry Castagne, directeur général d’Agoria Wallonie, estime que “l’ICT a été le grand oublié du Plan Marshall. Le chapitre qui a été rajouté dans le Plan Marshall 2022 est le bon. A savoir, l’enseignement. Pourquoi dès lors ne pas imaginer que les méthodes pédagogiques, l’équipement, la formation des enseignants soient revisités, via notamment les nouvelles techniques d’apprentissage, afin d’être plus en phase par rapport aux besoins des jeunes, de la société, de l’emploi?

L’école du futur sera basée sur une utilisation pédagogique des technologies ICT. Il faut dès lors s’appuyer sur une stratégie du numérique et ce, dans un horizon à 5 ou 10 ans. Par ailleurs, tout ne doit pas être bottom-up. Il faut aussi une politique top down, une vision d’ensemble, mais sans freiner la créativité, l’appropriation, la participation… S’il n’y a que l’approche de terrain, on aura des écoles à deux vitesses en raison des différences socio-économiques.”

Développer une capacité d’analyse

Un autre élément qui devrait être plus largement favorisé dans les cursus est celui de la programmation.

“En Flandre, des initiatives privées pour l’apprentissage du développement de logiciels par les jeunes commence à prendre une certaine ampleur”, constate Baudouin Corlùy. “Il n’y a rien de similaire en Wallonie. Il est en tout cas nécessaire d’inclure l’informatique dans les cursus. Non pas pour faire de chaque élève un développeur, mais pour qu’une certaine capacité d’analyse, de développement puisse voir le jour chez les jeunes. Rien de tel n’apparaît en Communauté française. Il faudrait pousser les élus plus dans ce sens, leur faire prendre conscience de ce mouvement…”

Thierry Castagne: “Les outils, les ressources, le cadre institutionnel sont là. C’est davantage une question de volonté politique, de leadership, de gestion de projet.”

Or, des ressources potentielles existent, estime pour sa part Thierry Castagne. “Il y a des ressources, des experts venant de différents horizons: les experts en pédagogie et en ICT des universités, le CETIC, Technofutur TIC… Ils qui pourraient venir en support, constituer une cellule d’appui. Pourquoi ne pas constituer une task force au sein de l’AWT pour mener un plan ambitieux sur l’école du futur?”

Et la problématique, poursuit-il, ne se limite pas à la formation d’enseignants ou de futurs enseignants d’informatique mais est aussi valable pour toutes les branches enseignées.

“En quoi le module de formation aux nouvelles technologies, aux évolutions technologiques, est-il inclus jusqu’ici dans la formation initiale des enseignants? Il faudrait l’intégrer qu’on soit futur professeur de géographie, de maths… Il y a là un rôle possible par les experts des centres de compétences, qui peuvent se mettre au service de la transformation vers l’école numérique. Il ne faut pas toujours réinventer la roue mais mobiliser les ressources existantes.

On peut aussi imaginer un changement de modèle, avec des partages de ressources, d’expériences, de pratiques… entre réseaux. Je crois beaucoup aux vertus d’une approche collective, d’une philosophie de club. Les bassins de vie scolaires, eux aussi, pourraient générer une dynamique inter-établissements pour conduire ce changement vers cette école du futur. Les outils, les ressources, le cadre institutionnel sont là. C’est davantage une question de volonté politique, de leadership, de gestion de projet. Et de budgets à mettre à disposition…”

Autres demandes

Dans son mémorandum, Agoria plaide également pour d’autres mesures:

  • la définition “pour l’enseignement primaire, secondaire et supérieur, d’un référentiel des compétences en informatique (et pas seulement en bureautique)”
  • la mise en oeuvre de “niveaux spécifiques de maîtrise seront définis en fonction des différentes filières d’enseignement”
  • l’utilisation de l’informatique dans les cours, “y compris les cours généraux”; corollaire obligatoire: “une (re)formation profonde de l’ensemble du corps enseignant”
  • l’intégration de l’apprentissage à de nouveaux concepts et réalités technologiques, tels que le big data, le cloud

Enfin, par rapport aux travaux de l’AEQES (Agence pour l’Evaluation de la Qualité de l’Enseignement Supérieur) qui a évalué la qualité des cursus informatiques en Fédération Wallonie-Bruxelles, Agoria demande de prioriser la centaine de recommandations qui ont été émises et d’établir pour chacune un plan d’action concret. “Il est notamment devenu urgent de créer et d’exploiter, des bases de données fiables, reposant sur une définition commune de variables à travers tous les types d’enseignement. Ces informations permettront notamment de suivre précisément les cohortes d’étudiants depuis leur entrée dans les études en informatique jusqu’à leur sortie.”