Le constat que pose Gérard Valenduc, directeur de recherche à la Fondation Travail-Université (FTU), en matière de fracture numérique et des moyens à mettre en oeuvre pour la combattre est sévère: “Voilà maintenant plus de 4 ans que rien ne bouge: ni la reconnaissance barémique des animateurs multimédia des EPN de Wallonie, ni les politiques de financement de projets qui se font au lance-pierre, faute d’une volonté politique.
Les propositions du plan 2011-2015 de lutte contre la facture numérique sont restées lettre morte.”
A l’aube de nouvelles élections, le SPP Intégration sociale a demandé à la FTU un relifting de ses recommandations. Il tient en 5 points:
- faire de l’accès fixe et mobile un droit essentiel accessible à tous les citoyens
- soutenir les EPN (espaces publics numériques) dans leurs actions d’inclusion numérique
- mettre les “nouvelles technologies de l’information et de la communication” (NTIC) au service du lien social
- démocratiser leur appropriation, le tout dans une dimension de “développement durable”
- mettre en place une structure-cadre de veille technologique pour la coordination des initiatives relevant des différents niveaux de pouvoir
- anticiper l’apparition “de nouveaux facteurs de vulnérabilité ou d’exclusion.”
Des chèques Nouvelles technologies
Gérard Valenduc: “Notre premier point [tel que mis en avant par la Fondation Travail-Université] porte sur l’accessibilité, mais aussi l’utilisabilité des TIC et des services numériques fixes et mobiles.
“Ancrer l’informatique dans les pratiques des décideurs publics qui en méconnaissent souvent les possibilités.”
Cela doit être considéré comme un droit essentiel pour tous les citoyens, en particulier les plus défavorisés.
Concrètement, il faut faciliter l’acquisition de matériel. On peut imaginer recourir à un système de chèques Nouvelles technologies, qui seraient octroyés par les CPAS. Ce système sera en tout cas plus efficace que les dispositifs de déduction fiscale qui n’ont d’impact que pour les personnes qui disposent d’un revenu.
Au niveau collectif, il faut à notre sens aider les espaces publics numériques à relever les nouveaux défis qu’implique l’inclusion numérique. Il faut les soutenir financièrement et reconnaître le statut d’animateur multimédia.”
Et cela commence par une reconnaissance barémique, un dossier qui semble s’être perdu, ces dernières années, dans les méandres de l’administration wallonne.
Ancrer le numérique dans l’action communale
“Mettre le numérique au service du lien social peut par exemple passer par l’inscription de l’inclusion numérique dans les plans communaux pluriannuels d’action sociale afin de mieux reconnaître leur rôle dans la politique éducative, culturelle et sociale au niveau des communes et des quartiers. Il faut par ailleurs améliorer la capacité de tous les intermédiaires éducateurs, sociaux et culturels à utiliser les nouvelles technologies dans leurs actions.
Autrement dit, intégrer le numérique dans la formation professionnelle, dans l’accompagnement et les animations. Il faut enfin ancrer l’informatique dans les pratiques des décideurs publics qui en méconnaissent souvent les possibilités.”
E-inclusion Horizon 2020
“Le plan e-inclusion Horizon 2020 (voir cette présentation, pour plus de détails) doit se lire dans un contexte où le Fédéral aura un rôle de moins en moins important. Il s’agit d’un plan-cadre dont on sait bien qu’un grand nombre de mesures devront être gérées par les différents niveaux de pouvoirs locaux et/ou régionaux. Et ce, à un moment où l’on assiste à un épuisement de la logique de financement par projet, à un besoin de stabilité et à une diversification croissante des publics-cible.
En Flandre, l’accent est mis sur la culture numérique et la littératie numérique. A Bruxelles, une coordination naissante des initiatives locales – la CABAN (Collectif des acteurs bruxellois de l’accessibilité numérique) – est en attente d’une reconnaissance politique. En Wallonie, les espaces publics numériques sont à la recherche d’un second souffle ainsi que d’un financement plus stable et d’une reconnaissance professionnelle des animateurs.”
L’accès ne garantit pas l’inclusion numérique
Gérard Valenduc regrette que la problématique de l’accès à l’informatique et à Internet soit passée au second plan. Certes, la fracture numérique en tant que telle s’est considérablement réduite: 80 % des ménages ont accès à Internet, contre 50 % en 2005. “Pourtant, commente Gérard Valenduc, l’exclusion numérique n’a pas disparu. Les animateurs d’espaces publics numériques et les formateurs TIC qui s’adressent aux publics défavorisés témoignent de la persistance d’un public marginalisé par rapport à l’injonction généralisée de connexion aux services en-ligne dans tous les domaines de la vie individuelle et collective.
Gérard Valenduc (FTU): “Ce n’est plus tellement du côté de la non-utilisation d’Internet qu’il faut chercher les publics-cible des politiques d’inclusion numérique mais plutôt parmi les publics exposés à l’exclusion sociale.”
A part le groupe des 65-74 ans, qui représente 55% des non-utilisateurs, les exclus du numérique sont également les personnes qui cumulent plusieurs facteurs de risque d’exclusion sociale: un faible niveau de revenus, un faible niveau d’instruction, des difficultés de logement ou un statut d’inactif économique.
Ce n’est plus tellement du côté de la non-utilisation d’Internet qu’il faut chercher les publics-cible des politiques d’inclusion numérique. C’est plutôt parmi les publics exposés à l’exclusion sociale. La problématique ne se résume plus uniquement à l’accès à Internet mais porte essentiellement sur la capacité à tirer profit de l’utilisation des TIC dans divers domaines qui caractérisent l’intégration sociale: l’emploi et le développement professionnel, l’éducation et la formation, l’accès à l’information et à la culture, la communication avec les autres, la participation citoyenne, l’épanouissement personnel.”
Lutter contre les inégalités d’usage
Aujourd’hui, et tout en luttant contre les poches d’exclusion numérique (et sociale), c’est à l’inégalité des usages qu’il faut s’atteler, selon Gérard Valenduc. “On assiste à un élargissement de la notion d’alphabétisation numérique qu’on traduit en France par la notion de littératie numérique. En Flandre, on parle de “culture critique des médias”. On est loin de l’apprentissage de la souris et de Windows. Il faut aujourd’hui pouvoir s’inscrire dans la culture, les outils et les services en ligne. Avec – constat parallèle – un essoufflement de la logique de financement par projet et un épuisement des acteurs de terrain, comme c’est le cas en Wallonie pour les EPN qui sont en quête d’un dispositif de financement plus simple et plus structurel et d’une reconnaissance salariale.”
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