Il était évident qu’à la lecture des critiques émises par Agoria concernant les “maigres” progrès de la simplification administrative en Wallonie (relire notre article), le sang des responsables locaux ne pouvait que faire un tour.
L’eWBS (e-Wallonie Bruxelles Simplification, successeur d’EasiWal) se sentait évidemment visée mais a laissé le premier droit de réponse à son ministre de tutelle qui n’est autre que le Ministre-Président himself, Rudi Demotte. Ce dernier a donc répondu à Agoria et, plus spécifiquement, au signataire du pavé-dans-la-mare (Thierry Castagne) par une lettre dont nous vous livrons les principaux arguments.
Rudy Demotte tient tout d’abord à souligner que le rapport de la Cour des Comptes porte sur un audit qui s’est terminé en février 2013. Depuis, indique-t-il, des décisions ont été prises, parfois suite à des réflexions qui n’avaient pas attendu le rapport final de la Cour des Comptes (Oliver Schneider, directeur de l’eWBS s’en explique plus longuement plus loin dans cet article).
Rudy Demotte: “il aurait été intellectuellement plus intéressant de tenir compte des résultats engrangés dans la mise en oeuvre de tous les volets du plan Ensemble Simplifions pour avoir une vue complète de la dynamique créée.”
Qu’écrit encore Rudy Demotte?
Agoria se base sur des constats qui ne sont plus actuels et oublie de prendre en compte d’autres avancées qui ne tombaient pas dans le cadre de l’audit de la Cour des Comptes: “il aurait été intellectuellement plus intéressant de tenir compte des résultats engrangés dans la mise en oeuvre des deux volets du Plan Ensemble Simplifions [Ndlr: à la fois le volet simplification administrative mais aussi le volet administration électronique, non évalué par la Cour des Comptes] pour avoir une vue complète de la dynamique créée et des nombreuses avancées concrétisées […] par une petite équipe d’une trentaine de personnes disposant de moyens financièrement limités”.
“Tout au long de la présente législature, notre priorité a toujours été de mettre en oeuvre et de concentrer des projets pouvant avoir un impact réel pour les usagers et ce, malgré un contexte budgétaire moins favorable. […] Des chantiers de grande ampleur ont été initiés et réalisés en matière d’e-gouvernement.”
Et d’énumérer:
- le partage de données et la création de la Banque-Carrefour d’Echange de Données (BCED);
- le décret relatif aux communications par voie électronique entre les usagers et les autorités publiques wallonnes (adopté par le Parlement le 26 mars 2014) qui a pour objectif “d’introduire un cadre juridique qui permette notamment de limiter le recours systématique à une sécurisation à outrance des procédures
- la simplification et dématérialisation des formulaires
- la validation de la mise en place de l’Espace personnel et professionnel (voir notre article)
- les projets de simplification et dématérialisation des aides à la recherche
Et de conclure: “Tous les projets menés depuis 2009 ont, d’une manière générale, bénéficié d’un soutien favorable de toutes les parties prenantes. Par conséquent, quand je rassemble les divers points de vue émis, tout n’est certes pas parfait mais le bilan me semble plus que satisfaisant. Le prix de l’organisation publique régionale de l’année 2014 octroyé à l’eWBS me conforte dans l’idée que la stratégie de simplification administrative en Wallonie ne fonctionne finalement pas si mal que cela et que les résultats engrangés depuis le début de la législature forgent le respect des autres.”
Rudy Demotte ajoute encore que la dynamique ne pourra que se poursuivre à l’avenir, sous l’impulsion d’eWBS, afin de “faire de la Wallonie une véritable terre d’accueil pour les entreprises et celles et eux qui ont envie d’entreprendre”. Et il dit espérer “que le Gouvernement pourra à l’avenir continuer à compter sur le soutien d’Agoria pour poursuivre les efforts entamés.”
(1) Ce prix a été accord, dans la catégorie région-fédération, par un le jury qui, souligne pour sa part Oliver Schneider, directeur de l’eWBS, était notamment composé de représentants du monde des entreprises, dont le patron de la FEB, et du monde académique, et le prix faisant suite à une évaluation sur site par des consultants de Ernst & Young.
Tout est dans le tempo
L’eWBS, pour sa part, via son directeur Oliver Schneider, tient à apporter quelques précisions et chiffres.
“L’évaluation de la Cour des Comptes ne porte que sur une période qui va jusque fin 2012. Son message principal concerne un problème d’absence de mesure fiable de l’impact. Les charges ont-elles diminué? Comment le mesure-t-on? La Cour conclut qu’il n’y a pas de chiffre suffisamment précis pour pouvoir affirmer de manière probante que la charge a diminué.
Mais le fait qu’il n’y ait pas de chiffre probant ne veut pas dire que les politiques n’ont pas d’impact mais bien qu’on ne sait pas le mesurer précisément à ce stade.
Oliver Schneider: “Il y a déjà [par rapport au contenu du rapport de la Cour des Comptes] pas mal d’idées qui sont prises en compte et quelques bonnes nouvelles idées qui pourront nous aider dans le futur.”Or, la conception et la généralisation de la méthode SCM light [Standard Cost Model] permet à présent de mesurer le gain attendu des projets (avant et après). Relire, ici aussi, l’article que nous y avions consacré .
C’est bien là une réponse de fond, structurelle, au constat de la Cour quand elle dit qu’on ne sait pas mesurer l’impact de la simplification.
Qui plus est, il y a eu, depuis, une évaluation intermédiaire du plan. Nous avions déjà, de notre côté, posé un certain nombre de constats qui ont mené à une réadaptation du plan en 2013 (voir les articles que nous y avions consacré en juin 2013 mais aussi dès novembre 2012).
La logique qui sous-tend le nouveau plan – qui se centre sur beaucoup moins de projets et quelques gros projets structurants comme la BCED [Banque Carrefour des Echanges de Données] ou le cadastre du non-marchand – me semble renforcée suite au rapport de la Cour.”
Nombre de constats qui étaient posés dans le rapport de la Cour des Comptes ont été “entendus” – ou avaient déjà été anticipés et avaient mené à certaines prises de décision pour accélérer le mouvement – même s’il a fallu, pour ce faire, se concentrer sur moins de projets.
“La création d’eWBS, comme service commun et interne à l’administration, répond aussi à l’attente formulée de mieux impliquer et soutenir les administrations et de démultiplier les efforts”, poursuit Oliver Schneider.
“Les chiffres parlent”
Oliver Schneider poursuit en rappelant quelques chiffres: “Grâce au modèle d’évaluation SCM light, nous avons pu mesurer l’impact de la BCED fin 2013:
- 245 projets dont 46 terminés
- 32 millions d’euros de gains annuels sur ces projets, dont 13 millions déjà effectifs
- coût de la BCED: 2,5 millions d’euros. On rentabilise donc bien l’investissement dès la création.
Nous avons également chiffré les 44 projets du plan, tel que revu en 2013. Résultat: 64 millions d’euros annuels de gain potentiel.”
Oliver Schneider (eWBS): “La politique suivie en 2013 nous a permis d’obtenir un e-gov award d’Agoria [pour la BCED]. J’imagine donc que, eux aussi, estiment qu’on a évolué dans le bon sens!”
Passant au volet Simplification administrative pour les entreprises, Oliver Schneider évoque d’autres éléments:
- “le Bureau du Plan cible son étude sur les entreprises. Une de nos belles réussites en 2013 fut par exemple les bourses d’études en ligne (150.000 demandes par an) où la BCED a permis de ne plus devoir fournir l’avertissement-extrait de rôle et la composition de ménage. Le constat posé dépendra donc aussi du secteur (entreprise, non-marchand, citoyens)
- l’ABC des démarches, ce sont 950 démarches décrites sur base de 48 événements déclencheurs. Ce sont 158 formulaires dématérialisés qui constituent plus de 90% des visites sur le portail wallonie.be. Il est vrai que ces chiffres ne constituent pas une mesure de l’impact global de la simplification mais ils sont néanmoins une indication du travail réalisé par EasiWal avant nous
- enfin, derrière eWBS, il y a à présent 24 direction générales, 20 OIP et un réseau de correspondants en simplification qui est très actif depuis début 2014. Il y a là une dynamique transversale nouvelle dont je me réjouis et qui aura certainement un impact sur le niveau des gains de simplif’. A suivre.”
Plus ce serait mieux mais…
Que conclure en regardant les deux parties s’échanger chiffres et points de vue: que l’effort de simplification administrative – en ce compris à destination des entreprises – est encore loin d’être terminé. Les témoignages venant du terrain – et du quotidien des entreprises – sont là pour le rappeler.
Les moyens budgétaires étant réduits, la progression est plus lente qu’espéré au départ, voici 10 ans, lors du lancement des projets de simplification administrative par ce qui était encore à l’époque EasiWal. Depuis, des choix ont été effectués pour identifier des priorités. La prochaine législature devra sans nul doute refaire un bilan et/ou décider de ses propres priorités – et moyens d’action.
On en reparlera donc à coup sûr…
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