Ne pas se fier aux simples statistiques ou aux ouï-dire. Vérifier par soi-même l’efficacité, la pertinence d’une plate-forme de crowdfunding et la réactivité des investisseurs potentiels qui la fréquentent. C’est comme cela que Belle Productions a décidé de faire son écolage et de faire appel à cette source potentielle de financement.
A terme, la société néolouvaniste espère bien pouvoir proposer un projet sur la plate-forme n°1 du marché – l’américaine KickStarter – mais veut d’abord mieux appréhender les ficelles du financement participatif.
Son premier test, Belle Productions a décidé de le faire sur la plate-forme française Ulule afin de compléter le budget dont elle a besoin pour finaliser le jeu sérieux (de type sensibilisation) Les Secrets d’Ombyliss et assurer une traduction en langue des signes. La société espérait réunir 14.950 euros. Le résultat, en apparence, semble donc être une grosse déception puisque seulement 44 contributeurs se sont manifestés, totalisant à peine 3.500 euros.
Notoriété ou tremplin
“Ce n’était en fait qu’un premier test pour nous”, déclare Marc Meurisse, patron de la société. “Pour nous, le crowdfunding ne représentera de toute façon jamais qu’un outil de financement parmi d’autres. Et essentiellement pour nous permettre de réaliser des maquettes et démos à présenter à des investisseurs [professionnels ou institutionnels]. Pas pour financier la totalité d’une production, qu’il s’agisse d’un jeu vidéo ou d’un jeu sérieux. Les budgets qu’ils supposent sont trop importantes [Ndlr: de 500.000 euros – minimum – pour un jeu indépendant jusqu’à 30 ou 50 millions pour un jeu vidéo majeur].”
L’appel à crowdfunding peut dès lors se faire dans trois buts plus modestes:
- attirer l’attention et l’intérêt du public sur une thématique et assurer une amorce une queue de budget;
- financer le développement d’une démo ou d’une première version d’un jeu indépendant, “selon le principe du pré-achat, caractéristique du reward-based crowdfunding. Nous pouvons alors proposer en guise de reward aux crowdfunders une participation aux tests, une version bêta, quelques bonus originaux…”
- financer la version démo d’un jeu vidéo ou sérieux et constituer une communauté de fans qui créeront le buzz pour la suite des opérations.
Ulule pour commencer
Ulule est donc la première plate-forme de crowdfunding que Belle Productions “testait”. Un premier appel à des fonds “participatifs” avait certes déjà eu lieu pour les besoins du projet transmédia MaMemo (spectacle, animation, chansons, série TV) mais en mode semi-privé. La société était en effet resté dans son cercle de connaissances – les fameux 3F (family, friends, fools) – n’attirant qu’un seul investisseur non encore connu de son réseau. Elle avait alors récolté 150.000 euros.
L’expérience Ulule, on l’a vu, n’a pas été couronnée de succès – financièrement.
Par contre, elle a permis à Belle Productions d’étendre son réseau, de se faire connaître d’un autre public: “nous sommes ainsi entré en contact avec 50% de personnes qu’on ne touchait pas auparavant. Nous avons noué des contacts avec des prospects, notamment un studio qui pourrait devenir un futur partenaire. Etre sur Ulule, on a généré des contacts, un peu comme lorsque l’on participe à un salon professionnel.”
Quelques enseignements concrets? En vrac, Marc Meurisse mentionne:
- les pics d’attention, assez éphémères, que produisent les mailings envoyés pendant la campagne. Il faudrait donc en principe les multiplier pour garder l’intérêt intact. Au risque de lasser. A moins de segmenter et de renouveler les listes
- la nécessité de bien choisir le moment (jour de la semaine, heure…) où l’on fait une relance – “cela doit correspondre à un moment où les destinataires ont du temps devant eux et pourront donc s’autoriser à réagir en mode coup-de-coeur”
- le fait que le site de crowdfunding n’attire du monde vers le projet que s’il met ce dernier en avant (mais les conditions sont strictes)
- la rigidité relative de la plate-forme de crowdfunding: “les modalités d’inscription pour les souscripteurs sont parfois complexes”
- l’importance des catégories thématiques dans lesquelles on se référence: “on peut en choisir autant qu’on veut mais on disparaît dans la masse des projets dans les catégories les plus courues. A contrario, on sera dans les premiers dans les catégories où il y a peu de projets mais il faut que les internautes aient la curiosité de les consulter…”
Après cette première expérience, l’une des leçons essentielles qu’en retire Marc Meurisse est qu’une campagne de crowdfunding exige de produire de gros efforts. “MOn avis, aujourd’hui – mais il n’est pas forcément définitif -, c’est qu’il est plus facile de trouver un investisseur prêt à mettre 5.000 euros sur la table que de trouver des backers à hauteur de 5.000 euros via du crowdfunding. Les efforts livrés sur Ulule ont été plus importants que ce que nous aurait coûté une campagne d’appels téléphoniques.
Prochaines étapes
Belle Productions compte reproduire l’expérience, sur d’autres plates-formes. Quoi qu’il arrive… “Indépendamment du succès ou de l’échec, nous proposerons un projet sur 3 ou 4 plates-formes afin d’apprendre, de comprendre comment ça marche… A terme, notre espoir est de maîtriser suffisamment le sujet pour pouvoir lever davantage d’argent pour de gros projets.”
Parmi les prochaines destinations épinglées, Ecobole, une plate-forme davantage orientée vers le monde associatif, sur laquelle Belle Productions proposera le projet Planète 21, partiellement financé par Natagora et le Fonds Expérience interactive (Nord Pas-de-Calais).
MedStarter, plate-forme américaine orientée applications et projets médicaux, sera sans doute testée pour l’un ou l’autre projet de jeu sérieux e-santé que prépare la société (voir notre article).
IndieGoGo et KissKissBankBank sont aussi en ligne de mire, mais aucun projet précis n’a encore été identifié.
Le but ultime est de pouvoir se présenter, avec des chances de succès, sur la plate-forme américaine KickStarter. “Elle demeure notre objectif final, parce qu’elle affiche de meilleurs taux de réussite, parce qu’il s’agit d’une plate-forme renommée et garantit une valorisation plus importante dans le domaine des jeux. Mais avant d’y aller, nous voulons savoir comment fonctionne le crowdfunding, que ce soit sur des plates-formes généralistes ou dédiées. Nous voulons d’abord accumuler des connaissances suffisantes. Nous sommes par ailleurs conscients qu’il faut se préparer soigneusement. Pour capter une réelle communauté sur KickStarter, il faut y aller avec une image forte afin de multiplier ses chances de succès.” MaMemo ou Le Petit Spirou pourraient être un début de billet d’entrée…
Une plate-forme, par contre, sur laquelle Belle Productions n’a pas l’intention de se présenter est MyMicroInvest. En cause, son modèle equity-based (prise de participation au capital). “ouvrir l’actionnariat à des gens qu’on ne connaît pas serait mal perçu par les actionnaires existants. Nous n’irons donc pas dans cette voie.”
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