Comment “mesurer” l’efficacité et l’impact réels des projets de simplification administrative?
L’e-administration, l’e-gouvernement, la simplification administrative sont des thèmes dont on parle souvent. Et depuis longtemps. Ce sont aussi des chantiers de (très) longue haleine – tant est grande et profonde la complexité des processus administratifs et des modes de relation des “clients” (qu’ils soient citoyens ou entreprises) avec les Administrations et les services publics.
A force de parler de “simplification administrative” sans voir la situation s’améliorer réellement (à l’exception de quelques formulaires que l’on peut remplir via Internet et de documents qu’on peut commander par la même voie), l’usager pourrait rapidement perdre patience et estimer que les budgets sont dépensés en pure perte.
C’est pour lutter contre cette perception et apporter la preuve que les projets entamés ont bel et bien un effet que l’eWBS, l’agence wallonne à la simplification administrative (l’ex-EasiWal) a élaboré une méthode qui permet d’évaluer les gains concrets, en termes de réduction de charge administrative (pour l’usager et pour le service public), et de quantifier ces gains.
Un calcul simplifié
L’outil s’appuie sur une méthode existante, à savoir le “Standard Cost Model” (SCM) (1) défini de telle sorte à pouvoir être applicable au calcul de toute charge administrative, quel que soit le type de service public ou le pays (européen) dans lequel on se trouve.
Cette méthode de modélisation des coûts présentait plusieurs désavantages auxquels il s’agissait de remédier, déclare Oliver Schneider, patron de l’eWBS; “D’une part, ce modèle est un outil complexe à manipuler, qui revient cher à l’usage dans la mesure où il fallait faire systématiquement appel à des consultants externes pour obtenir des évaluations. D’autre part, le Standard Cost Model permettait d’évaluer les gains pour les usagers [en se basant sur une échelle de coûts standard] mais ne permettait pas de mesurer les gains au niveau des agents de l’Administration.”
D’où l’idée de concocter un “SCM light”, plus simple, d’utilisation plus facile et rapide, qui permette d’identifier et de calculer au minimum et de façon précise 80% des gains engrangés. Qui plus est, une évaluation qui puisse être effectuée sans plus devoir passer par des intervenants externes spécialisés.
Ce qui a déjà pu être mesuré
La méthode simplifiée SCM light a déjà été utilisée pour évaluer les gains (réels mais aussi potentiels) engendrés par la mise en oeuvre de la BCED (Banque Carrefour d’Echange des données).
Sur un total de 216 projets d’échanges de données démarrés (voir plus de détails en note de bas de page), 40 ont été finalisés et ont donc pu donner leur verdict.
Les chiffres?
Un allégement global de la charge administrative évaluée à 12,978 millions d’euros par an. Dont 11,633 millions représentent l’allégement de coûts à assumer par les usagers. Le reste correspondant à des réductions de coûts pour l’administration (gains de temps, économies en termes de production ou reproduction de documents, diminution du nombre de personnes sollicitées…).
Au final, lorsque les 216 projets auront été bouclés, les gains devraient se chiffrer à 27,9 millions pour les usagers et à 4,3 millions pour l’administration. Economie annuelle récurrente.
Le total n’est pas pour autant définitif. De nouveaux projets s’ajoutent sans cesse à la liste. 56 “petits nouveaux” n’ont pas encore été évalués en termes de gain potentiel.
Généraliser l’exercice
A l’avenir, la démarche de calcul sera généralisée et s’appliquera à chaque projet de simplification administrative. A commencer par les 44 projets qui devront être finalisés d’ici la fin de la présente législature. Voir l’article nous avions publié à ce sujet.
“Cela nous permettra de connaître exactement les gains générés par ces projets ainsi que par la mise en ligne de quelque 200 formulaires électroniques. L’objectif est aussi qu’à terme, les différentes Directions générales [de l’Administration régionale] puissent utiliser le modèle afin de mesurer, tout au long de la législature, l’impact des projets de simplification qu’elles mettent en oeuvre et qui ne figurent pas dans le Plan Ensemble Simplifions [de l’eWBS]. Nous voulons ainsi faire le pari de la transparence”, déclare Oliver Schneider.
Objectif: mesurer et démontrer l’impact de la simplification administrative “dans tous les secteurs, qu’il s’agisse des citoyens, des entreprises, du secteur du non marchand.”
Mesurer, tout au long de la législature, l’impact des projets de simplification mises en oeuvre, qu’ils figurent ou non dans le Plan Ensemble Simplifions [de l’eWBS]. “Nous voulons ainsi faire le pari de la transparence”, déclare Oliver Schneider.
Autre défi: ne pas limiter l’évaluation des gains à de simples chiffres financiers arides. Un exercice est actuellement en cours pour y ajouter un volet d’évaluation qualitative. Le but est de juger de l’amélioration réelle du service tel que perçu et vécu par le citoyen ou l’entreprise dans ses rapports avec les services de l’Administration. Et de faire une juste évaluation des gains quantitatifs et qualitatifs. Pas aussi futile ou anecdotique qu’il pourrait paraître.
En jeu: l’évaluation de la pertinence de certains investissements qui, en dépit de leur importance, ne permettent guère de réellement simplifier un processus ou de rendre la vie des “clients” plus facile alors que la même enveloppe pourrait permettre de gagner du terrain de manière beaucoup plus visible et concrète dans d’autres domaines…
Des chiffres à affiner
A l’eWBS, on se dit par ailleurs convaincu que certains chiffres sur lesquels repose le modèle européen SCM sont sous-estimés.
Un exemple.
Le coût de la délivrance d’un document à un citoyen qui, pour l’obtenir, doit s’adresser au guichet de son administration, est estimé à 5 euros. Une fois dématérialisé (demandé et obtenu par voie électronique), le coût diminue sensiblement.
Pour le même processus de délivrance d’un document à un guichet physique, le coût estimé est de 50 à 80 euros pour une société (selon sa catégorie). Sont ici pris en compte des “coûts” tels que le coût salarial du temps consacré au trajet, à l’attente au guichet…
Si certains coûts, subis par les citoyens ou entreprises lors de leurs démarches administratives classiques (procédures papier, multiples démarches…), sont sous-estimés dans les paramètres du SCM, cela voudrait dire que l’effet de la dématérialisation et des projets de simplification (électronique) administrative serait plus important que ce qu’on estime jusqu’ici.
Même s’il serait utile de mieux documenter, là aussi, les coûts réels de cette dématérialisation. Il est par exemple irréaliste d’estimer que le coût d’un document dématérialisé est égal à zéro dans la mesure où il implique certains coûts cachés (électricité consommée pour sa recherche, élaboration et délivrance, coût de stockage – en ce compris sa future migration technologique, etc.). Tous ces coûts devraient idéalement faire l’objet de réévaluations régulières- ce qui sera en principe le cas si l’on en croit le caractère présenté comme “évolutif” du SCM…
(1) La méthodologie Standard Cost Model (SCM) vise à déterminer la charge administrative qu’impose une quelconque réglementation à une entreprise. La méthode “peut être utilisée pour mesurer une simple loi, certains volets spécifiques d’une législation ou pour évaluer la totalité des dispositions législatives d’un pays. […] Elle s’applique également à des exercices d’évaluation de propositions de simplification et de mesure de l’impact administratif de nouvelles propositions administratives.” Source: The International Standard Cost Model Manual. [ Retour au texte ]
(2) Ces projets concernent la mise en oeuvre d’accès systématiques et automatisés à toute une série de sources authentiques. Et, dès lors des échanges et partage de données entre, d’une part, les administrations et OIP (organismes d’intérêt public) de la Wallonie et de la Fédération (Direction générales,Ministère de la D-Fédération, Forem, Société Wallonne du Logement…) et, de l’autre, des organismes tels que la BCSS (Banque Carrefour de la Sécurité sociale), la BCE (Banque Carrefour des Entreprises), la Banque Nationale, le Registre National… Le gros des projets (32 sur le total de 216) concernent la BCE; 22 ont pour “cible” les services de l’ONSS; 27 tissent les voies de communication avec le Registre national, 37 avec le SPF Finances, etc. etc.
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