Etienne Mineur, co-fondateur et “directeur créatif” des Editions volumiques (Paris), était le premier orateur du Festival numérique KIKK qui se déroulait, du 7 au 9 novembre, à Namur.
Son exposé a été l’occasion de découvrir une panoplie de réalisations et de prototypes plus originaux et “décalés” les uns que les autres. De quoi réinventer à l’infini le livre tel qu’on le connaît (en ce compris dans sa forme électronique naissante) et imaginer des expériences de lecture multidimensionnelles.
Nombre de projets et prototypes des Editions volumiques dénaturent ou, plus exactement, “augmentent” le papier en le mariant à divers instruments technologiques. Essentiellement des capteurs en tous genres, mais aussi des encres aux vertus particulières, qui permettent non seulement l’interaction mais qui insufflent quasiment de la vie dans le livre.
Etienne Mineur (Editions volumiques): “Marier livre papier et livre numérique, papier et pixels… Les deux supports ne sont nullement en opposition.”
Il y avait par exemple ce “livre qui voulait être un jeu vidéo”. Un vrai livre papier mais bardé de capteurs (capteurs de pression, gyroscopes, accéléromètres…) qui lui permettent de “savoir quelle est sa position dans l’espace, si le lecteur bouge, marche, s’il est lu tout simplement… Il sait quelles choses le lecteur est en train de lire, quelle page est ouverte. Il sait l’heure et peut produire des sons.”
Ce livre qui, à bien des égards, est la synthèse de toute une série d’expériences, inclut également des pages imprimées en encre thermosensible. Résultat: quand on applique une force sur un point précis de la page, un échauffement se produit qui a pour effet de faire apparaître du texte jusque là invisible.
Ce principe est aussi utilisé dans un autre prototype pour faire évoluer un petit personnage sur une page, comme dans un jeu électronique. Chaque pression – source de chaleur – le fait se matérialiser à un autre endroit.
Papier et pixels, les grands complices
Divers prototypes réalisés par Editions volumiques jouent à la fois du support papier et de compagnons mobiles tels que l’iPhone ou l’iPad. Les deux dimensions se complètent, interagissent, donnent naissance ensemble à un concept dynamique nouveau.
Ainsi ce livre dont chaque page est une préambule d’histoire ou de jeu qui se poursuit et se développe à l’écran. Quand une séquence du jeu, correspondant à une page, a été complétée à l’écran… une page (physique) se tourne. Et quand on ferme le livre papier, l’appli s’éteint.
Livre et écran deviennent souvent indissociables tout simplement parce qu’aucun des deux compères n’est complet, utile à lui seul. Exemple flagrant: un livre (“La nuit des pixels morts vivants”) dont le contenu n’est qu’une suite de codes QR. Illisibles, inintelligibles pour l’homme. L’équipement électronique est nécessaire pour le parcourir… à l’écran. Et pour révéler un jeu qui se déroule comme un jeu de pistes.
Juste retour des choses: lorsque le joueur échoue et est déclaré mort, c’est son visage qui apparaît soudain en surimpression des pixels du QR code, parce qu’entre-temps la caméra de l’appareil aura capté son visage…
Pour les besoins d’autres réalisations, le smartphone devient aussi support d’”augmentation”, permettant d’accéder à des contenus supplémentaires. Il suffit pour cela de le poser sur la page d’un Atlas par exemple et de lui indiquer quelle est la carte correspondante (si une puce intégrée ne lui a pas déjà indiqué la page) et il saura immédiatement à quelle région précise cette position correspond. Résultat: des photos ou vidéos s’afficheront à l’écran, pour documenter la faune, la flore, les habitudes culturelles de l’endroit… Un projet similaire est en cours de réalisation qui aura pour cadre la voûte céleste, pour une découverte inédite de l’astronomie.
Quelques autres réalisations originales
Le livre qui s’autodétruit – ou, plus exactement, qui devient illisible après quelques minutes parce qu’il a été imprimé sur du papier fax thermosensible qui, en se réchauffant, devient noir, oblitérant inexorablement le contenu.
Le livre qui tourne lui-même ses pages, tout simplement en appliquant un léger courant électrique au matériau thermosensible dont il est fait et qui se contracte sous l’effet de la chaleur. La reliure des pages fait alors office de gond dynamique.
Etienne Mineur (Editions volumiques): “créer de nouveaux mécanismes pour raconter des histoires.”
Le conte de fée réinventé. Le livre se décline ici en une multitude de cartes, chacune représentant un fragment de l’histoire ou un personnage. L’originalité vient de la possibilité qui est donnée de commencer une histoire par Cendrillon et de la terminer avec les personnages des Trois petits cochons par exemple. L’enfant peut à tout moment interrompre l’histoire, la vraie, piocher une autre carte qui, placée sur l’écran du smartphone, déclenchera un nouvel épisode faisant entrer en jeu un personnage qui n’a rien à voir avec le premier conte. Mais le fil de l’histoire réinventée demeurera “logique” et ludique. Succès garanti quand on peut librement remplacer le prince charmant par la sorcière ou le loup par la belle-mère acariâtre… Voir aussi, selon un principe identique de “lecteur-acteur-auteur”, l’appli génératrice d’histoires que prépare l’agence Web liégeoise Epic, récemment récompensée à la Creative Business Cup de Copenhague.
Virtuel et réel
Finalement, on ne sait plus très bien quel média “augmente” l’autre. Qu’importe d’ailleurs !
Si le smartphone ou la tablette peuvent augmenter, enrichir le contenu d’un livre papier, le monde physique peut aussi prendre sa revanche sur le numérique.
Ainsi un jeu sur smartphone est enrichi, voire n’a de sens que si on joue avec des figurines bien réelles que l’écran capacitif reconnaîtra et intégrera dans le scénario.
Ou encore des cartes d’un genre un peu spécial: un visage stylisé et deux trous pour les yeux qui, une fois placés à la surface de l’écran d’une tablette, s’animent à l’écran “et commencent à communiquer”. Ces “Puppet cards” deviennent alors des personnages qui adoptent certaines attitudes selon l’endroit de l’écran où elles se trouvent. Ce projet d’Editions volumiques en est encore au stade du prototype, l’intention étant d’en faire un jeu vidéo se jouant avec des cartes papier.
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