Francis Pisani: l’innovation, fruit de rencontres improbables…
Francis Pisani, qui se présente lui-même comme un “journaliste entreprenarial” (voir encadré), est – déjà – un habitué de la Semaine de la Créativité wallonne. Cette année, on l’aura retrouvé en duo avec Damien Van Achter Place Saint-Denis à Liège.
Au menu, quatre portes d’entrée sur l’innovation:
– la première est économique et parle du changement d’un modèle d’affaire
– la deuxième est technologique et ne tardera sans doute pas être intégrée et/ou rachetée par Google – ou par un quelconque autre acteur
– la troisième concerne les villes créatives
– la quatrième est pédagogique – ou comment faire du business en mettant en contact des étudiants américains, britanniques et australiens avec des professeurs super-diplômés indiens et pakistanais.
Les BRIC de plus en plus lourds
Des exemples, Francis Pisani en a à foison. Mais que retenir d’innovant de sa prestation liégeoise? La définition n’a pas changé. Pour Pisani, l’innovation est toujours “un nouvel assemblage improbable d’éléments – qui ne sont pas tous nouveaux – afin de répondre à un besoin ou saisir une opportunité.”
L’innovation, rappelle-t-il sans cesse, ne se passe pas uniquement dans la Silicon Valley où il a vécu durant 15 ans avant de prendre son bâton de pèlerin et tâter du “jus de crâne” des pays émergents.
Selon lui, il y a toujours trois fortes tendances: l’entrepreneuriat social, le mobilité et l’innovation distribuée. Porto Digital et Tutor Vista sont toujours des références, tout comme le poids grandissant des BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) dans la balance mondiale de l’innovation.
De Twitter à Zite
Et pourtant oui, Francis Pisani est innovant en ce sens où ses interventions sont un assemblage d’éléments qui ne sont pas tous nouveaux. Il laisse l’improbable venir de la salle, suscite les questions avant d’entrer dans sa présentation et y répond avec brio, suivant son propre modèle. Selon lui, il n’y a pas d’eureka dans l’innovation mais une préparation soigneuse, longue et coûteuse en temps sur base d’objectifs précis et d’un maillage “interact-informatif” et social qui créeront les conditions de “l’Engineering Serendipity”.
“Tenez-vous informés, sculptez vos outils, soyez en mode RSS le matin, Twitter le midi et Zite le soir. Existez sur les réseaux sociaux et anticipez leur mutation. La révolution du mobile ne se réduit pas, contrairement à ce qu’on pense en Europe, à un écran plus petit. Elle se traduit par la valorisation de Line, la messagerie mobile japonaise, à 28 milliards de dollars. Line qui est 15 % plus important en Inde que Facebook. L’ex-Beatles Paul McCartney a 1,5 million de suiveurs sur Twitter? Il en a 3,8 millions sur Line”.
De 24.000 à 800 dollars
Avec Pisani, on voyage par l’exemple. On a envie de venir l’écouter car la partie “livre” de son site est “under construction” et lorsque l’on clique sur le chapitre 1 “Quand l’innovation dans les cafés vient de l’Inde”, on tombe sur la page “Aucun article”. Alors, plutôt que d’aller sur le blog du Monde.fr, on savoure le regard malicieux de Francis Pisani lorsqu’il évoque la trajectoire de Rajeev Suri.
“Tenez-vous informés, sculptez vos outils, soyez en mode RSS le matin, Twitter le midi et Zite le soir.
Cet ancien de chez Infosys désormais à la tête de l’entreprise Liqwid Krystal est entré dans le capital de Café Coffee Day, une chaîne de 1200 cafés en Inde. Pour marquer le coût, Rajeev Suri veut mettre les établissements au goût du jour en installant des tables interactives. Problème: le produit de référence, la table Surface de Microsoft, coûte à l’époque 24.000 dollars. Un prix à comparer au chiffre d’affaires mensuel d’un “Café Coffee Day”- de l’ordre du 40 à 60.000 dollars.
“Suri va faire du reverse engineering, démonter la mécanique et faire son shopping à Taïwan et Hong-Kong.
Il arrivera à faire descendre le prix de “sa” table à 2.000 puis à 800 dollars, pour un produit fini supérieur, dit-il, à la Surface de Microsoft. Mais le plus intéressant, c’est qu’il a transformé un modèle business linéaire (on ne peut augmenter le chiffre d’affaires d’un café qu’en augmentant le nombre de tables et/ou celui des heures d’ouverture) en un modèle exponentiel, qui dépend du nombre de transactions effectuées sur les tables interactives.”
Google dépassé, Facebook menacé
L’innovation, c’est aussi la remise en cause des modèles existants. Exemple avec l’application iPhone Chasam, un moteur de recherche intelligent qui va capter une musique ou un spectacle en “live” et vous met en connexion avec le morceau ou la vidéo YouTube correspondante. “Une fonctionnalité qu’à ma connaissance, Google n’a pas”.
Google dépassé et Facebook menacé.
Autre exemple: Pair, une application créée par un Canadien qui voulait rester en contact avec sa petite amie à l’autre bout du monde. Détail touchant: lorsque les deux amoureux appuient de concert sur la même zone de leur mobile, ils échangent un baiser du doigt par vibreur interposé.
Et donc oui, l’innovation “distribuée”, c’est-à-dire autonome mais en réseau, peut venir de partout. Même de Wallonie, comme dirait Francis…
Francis Pisani est un journaliste entreprenarial: “Si j’avais dû compter sur les médias pour financer mon tour du monde de l’innovation, je n’aurais pas dépassé Orléans. J’ai donc été voir des entreprises comme Cap Gemini ou Loréal, j’ai pris contact avec des fondations, j’ai organisé des conférences pour financer mon projet.” Au cours de celles-ci – et elles sont nombreuses –, il raconte son périple de 13 mois, “avec des allers et retours” dans 45 villes, 32 pays et 5 continents.
Début janvier 2013, on le trouve sur SFR pour un bilan de son tour du monde de l’innovation. Un peu plus tard, il participe le 19 février au Netexplo Forum dans les bâtiments parisiens de l’Unesco, puis fait une apparition à Bordeaux pour une conférence sur la ville de demain avant d’intervenir sur la thématique de l’innovation le 30 mars au Gicam de Douala ou encore le 25 avril à l’espace Cléry dans le cycle de conférences de la Web School Factory. Francis Pisani est également un fidèle de la Semaine de la Créativité wallonne. L’année passée, c’était à Mont Saint-Guibert, à l’Axis Parc, qu’il était revenu sur son expérience en concluant par un désormais célèbre: “Pour l’innovation, pas besoin d’aller à Singapour, il y a la Wallonie”. Retour au texte
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