Lancé voici près de 3 ans, le projet de recherche ICT4Rehab (Advanced ICT Platform for Rehabilitation) est entré depuis quelques mois dans sa phase de valorisation. La création d’une spin-off n’est plus qu’une question de mois.
Ce projet de recherche conjoint, initié par des chercheurs de l’ULB et de la VUB, vise à développer une solution qui favorise la réhabilitation physique de patients atteints de problèmes locomoteurs (par exemple, des syndromes IMC- Infirmité Motrice Cérébrale) suite à des accidents ou à des problèmes vasculaires.
Les objectifs sont en fait multiples:
- proposer une solution plus abordable, financièrement, que celle qui impose encore des équipements sophistiqués de collecte de données médicales
- permettre une analyse et interprétation objectives de ces données
- permettre de les confronter à un référentiel de données et de critères médicaux
- produire des rapports et indicateurs directement exploitables par le corps médical ou paramédical
- assurer une continuité de soins, quels que soient les thérapeutes et centres de soins concernés.
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Le principe de base consiste à collecter des informations sur leurs handicaps et sur l’évolution de leur traitement et réadaptation en captant visuellement la manière dont ils effectuent des exercices de revalidation.
A cet effet, une équipe du labo ETRO (département d’électronique et d’informatique) de la VUB a développé une série de “jeux sérieux” mettant en oeuvre la technologie de reconnaissance de mouvements. Particularité: ils peuvent être associés à divers types d’équipements de capture du mouvement- depuis la Kinect de Microsoft jusqu’aux équipements professionnels nettement plus sophistiqués, en passant par d’autres plates-formes telles que la Wii ou la Wii Board.
Validité clinique
Capture précise de chaque mouvement pour analyser handicap et progrès.
ICT4Rehab est un projet comportant de multiples facettes. Il porte en effet tout à la fois sur la mise en oeuvre:
- d’une plate-forme de collecte d’informations (enregistrement des mouvements effectués)
- de centralisation des données collectées dans une base de données qui accueillera non seulement les données de reconnaissance de mouvement mais aussi les données médicales puisées dans le dossier médical du patient
- d’outils d’extraction et d’analyse de ces données, avec notamment une comparaison avec un vaste répertoire de données cliniques de référence ; parmi les outils d’analyse utilisés: un logiciel d’analyse de démarche (Gait Analysis) conçu par les docteurs Robert Noble de la Robert Gordon University et Ray White de la Sunderland University
- d’outils de visualisation des données et de génération de rapports, à valeur clinique.
“Le projet va bien au-delà de la seule conception de jeux sérieux servant à la revalidation”, souligne le professeur Serge Van Sint Jan, du département LABO (Laboratoire d’Anatomie, Biomécanique et Organogenèse) de l’ULB. “Nombre de projets concurrents ne proposent que des petits jeux qui ne servent à rien. Ils vont simplement amuser les gens quelques jours mais n’ont aucune valeur clinique. Les jeux sont trop simples. Bouger devant un écran ne suffit pas pour fournir aux thérapeutes et kinésithérapeutes les informations dont ils ont besoin. Il faut dès lors intégrer le jeu dans un contexte bien plus large. Il faut mettre en oeuvre toute une série d’outils pouvant exploiter les informations générées par ce que le patient accomplit pendant le jeu. Il faut pouvoir capter et analyser toute une série de paramètres pertinents d’un point de vue clinique. Et cela, seul du data mining peut le permettre.”
Une plate-forme plus souple
Les solutions professionnelles de collecte de données permettant l’observation précise du mouvement sont actuellement fort onéreuses et imposent au patient de se rendre dans des centres de revalidation. La manipulation des marqueurs réfléchissants qui permettent au système de capter et ensuite d’analyser les mouvements pose en outre certains problèmes (positionnement hyper-précis, temps nécessaire pour les placer, risques de variations entre deux prises de mesure…) “Les marqueurs doivent être déplacés manuellement. La moindre variance entre deux séances peut résulter dans des rapports cliniques incohérents”, souligne le professeur Serge Van Sint Jan. “Voilà pourquoi nous avons lancé le projet ICT4Rehab. La solution prendra la forme d’un système portable, pouvant même être utilisé à terme au domicile du patient, rapide à mettre en oeuvre, peu onéreux et très reproductible.”
Prof. Serge Van Sint Jan (ULB): “Pour fournir aux thérapeutes et kinésithérapeutes les informations dont ils ont besoin, il faut intégrer le jeu dans un contexte bien plus large.”
La version “grand public” pourra en effet s’appuyer sur les plates-formes Wii, Wii Board ou Kinect. L’environnement de revalidation motrice deviendra ainsi portable, s’installant au cabinet privé d’un thérapeute voire même au domicile du patient. Le dispositif, doté d’une “intelligence locale” et connecté au référentiel central, permettra ainsi davantage de souplesse de soins, tout en garantissant une précision de diagnostic.
Dans ce dernier registre, les équipes de chercheurs ont dû procéder à divers développements. Pour donner aux solutions de capture du mouvement grand public, non médicales, que sont la WXii ou la Kinect la pertinence clinique requise en termes de génération de données, l’équipe d’ICT4Rehab a eu recours à des algorithmes d’optimisation qui permettent d’ajouter des données à celles que collecte par exemple la Kinect (20 points positionnés sur le corps du patient).
“20 points, c’est insuffisant pour reconstituer et analyser un mouvement en 3D. Il nous faut trois points significatifs par segment osseux majeur. Il était donc nécessaire de procéder à un enrichissement par des informations anatomiques, biomécaniques, et des paramètres cliniques mesurant les amplitudes de mouvement. Il s’agissait d’enrichir les données brutes de la Kinect par des technologies d’optimisation. C’est là toute la spécificité de notre solution”.
Les centaines de paramètres captés sont alors analysés et comparés à de larges populations de patients par des outils de data mining. En effet, pour obtenir un référentiel cliniquement pertinent, de petits échantillons (de quelques dizaines de patients) ne suffisent pas. Le référentiel doit idéalement inclure des milliers de patients. “C’est tout l’intérêt – et la nécessité – de travailler avec des sites cliniques.” Le projet ICT4Rehab a ainsi obtenu l’aval et la collaboration des différents centres IMOC (centres de référence en infirmité motrice cérébrale) de Belgique (à l’exclusion de celui d’Anvers avec lequel des pourparlers sont encore en cours). “Nous pourrons procéder, à court terme, à des études cliniques à grande échelle.” D’autant plus que deux centres étrangers de revalidation (suisse et espagnol) ont également marqué leur intérêt.
Valorisation
Initié voici plus de deux ans et bénéficiant d’un budget de recherche accordé par Innoviris (1,5 million d’euros), le projet a largement entamé sa dernière année de recherche qui est obligatoirement celle de la “valorisation” de la recherche. Autrement dit de recherche d’un business model qui en permettrait le déploiement commercial.
Philippe Matthieu, ingénieur commercial et conseiller au TTO (Technology Transfert Office) de l’ULB (il a accompagné une dizaine de projets de spin-off), a ainsi été engagé pour une période de 4 mois afin de définir, d’ici fin janvier 2014 (date officielle de fin de projet), un business model. “J’ai 4 mois pour définir un business plan, prouver que l’idée est commercialement valable. Mon rôle consiste aussi à en convaincre d’éventuels investisseurs.”
La première cible de clientèle sera sans doute celle des centres de revalidation. La cible des kinés indépendants viendra dans un second temps, lorsque la solution aura été rendue plus abordable pour une personne ne disposant pas d’une structure d’encadrement.
Prof. Serge Van Sint Jan (ULB): “Un nouveau projet de recherche “Rehab Goes Home” pour simplifier encore davantage le rapport du clinicien à l’outil.”
Pour attirer l’attention et l’intérêt du monde médical et trouver clients et débouchés, le projet compte notamment sur l’aide (non financière) des MIC (Microsoft Innovation Centers) de Bruxelles et de Flandre, qui pourraient lui ouvrir certaines portes. En ce compris à l’étranger.
Une fois les tests et contrôles effectués, la spin-off ICT4Rehab pourrait officiellement voir le jour à l’été 2014.
Les initiateurs du projet espèrent en outre décrocher un nouveau financement auprès d’Innoviris en introduisant un dossier pour un projet complémentaire, baptisé Rehab Goes Home. “Ce projet permettra de simplifier le rapport du clinicien à l’outil. Cela permettra notamment de le rendre accessible et intéressant par des kinés individuels”, souligne le Prof. Sint Jan.
Des jeux sérieux personnalisables
L’une des originalités du projet repose également sur la modularité et le potentiel de “personnalisation” des jeux sérieux que les patients utilisent pour leur revalidation. L’équipe d’ICT4Rehab en a conçu six à ce jour. “Mais chacun peut être personnalisé via adaptation du menu, afin de correspondre étroitement aux problèmes spécifiques de chaque patient. Un même jeu peut donc servir pour jauger le handicap et l’évolution du processus de guérison d’une épaule, d’un coude, d’un genou… Il peut servir de support à la rééducation en général ou au rééquilibrage d’une posture.”
La “personnalisation” se fait à trois niveaux:
- au stade du développement: le développeur adapte alors le jeu aux spécificités que lui fournit le clinicien
- au niveau de l’interface, afin de régler le degré de précision ou d’“intransigeance” des paramètres de mesure: “chaque thérapeute pourra indiquer le degré d’amplitude articulaire qu’il attend du patient selon le degré de contrôle moteur dont il dispose. Le jeu s’adaptera donc au degré de gravité du handicap.”
- en termes de matériels: la solution supporte en effet aussi bien la Kinect, la Wii (ou Wii Board), les GSM (dont les gyroscopes intégrés pourraient transformés en instruments d’analyse de mouvement fixés au bras, par exemple) que les systèmes professionnels traditionnels.
Partenaires recherche du projet
- LABO (Laboratoire d’Anatomie, de Biomécanique et d’Organogenèse) de l’ULB, pour les volets “mécaniques” de la reconnaissance de mouvements et la pertinence des paramètres relevés et analysés
- département d’électronique et d’informatique (ETRO) de la VUB, pour le développement des jeux, imaginés sur base des scénarios fournis par des professionnels de la médecine
- département CoDE (Computer and Decision Engineering) et laboratoire Web & Information Technologies de l’ULB, pour le développement de la base de données d’analyse de mouvements et de gestion des dossiers cliniques
- groupe de recherche Machine Learning de l’ULB (pour les technologies d’extraction de connaissance et de data mining) – Retour au texte
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