La Wallonie, mais aussi la Belgique dans son ensemble, fait pâle figure en comparaison de ce que nos voisins luxembourgeois proposent en matière d’infocentres.
Le Grand-Duché accueille en effet pas moins d’une bonne d’infocentres sur son territoire, dont plusieurs sont de classe Tier IV (notamment le European Data Hub et des sites opérés par erbc-European Business Reliance Center). Cela représente un triplement en l’espace de 10 ans.
Certains se positionnent même dans le segment supérieur des sites Tier IV, affichant le logo “Tier IV FT”, pour Fault Tolerant Constructed Facility, une certification de l’Uptime Institute réservée aux sites qui ont été testés jusque dans leurs derniers retranchements par une équipe d’auditeurs. Voir notre article Concepts et Références pour plus de détails sur cette classification Uptime.
On compte une trentaine d’infocentres Tier IV dans le :onde. Douze sont situés en Europe, dont la majorité au Grand-Duché.
Yves Reding (ebrc, Luxembourg): “Haute disponibilité et fiabilité sont dans nos gènes.”
Toutes catégories confondues, les infocentres grand-ducaux représentent un espace utile combiné de plus de 40.000 m². Soit une densité remarquable pour un territoire aussi petit (par comparaison, la France comptait, selon certaines estimations, 136 infocentres au début 2012).
Ils sont détenus ou opérés (par ordre alphabétique) par: BCE (Broadcasting Center Europe), BT, Cegecom (Easy Colocate), Cetrel, Conostix, Datacenter Luxembourg, Data4 Luxembourg, ebrc (sites de Gasperich, Windhof, Betzdorf et Kayl), European Data Hub (géré par CSC), IBM, Lab Data Vault, LuxConnect (2 sites), Orange Business Services, Root, SES Astra, Solido, Steria, Sungard, Tech-IT, Telecom Luxembourg, Telindus Luxembourg, Verizon, Visual Online.
Une politique volontariste
Se faire une place au soleil parmi les terres d’accueil de data centers. En ce compris via des études de tiers. Ici, un rapport PWC…
Pour favoriser leur implantation et attirer la clientèle, le pays a su faire valoir quelques arguments de poids:
- fiscalité avantageuse: pas d’impôts, par exemple, sur les serveurs, des prix énergétiques concurrentiels
- législation qui renforce encore l’image d’inviolabilité (pensez au secret bancaire) du pays. Comme le disait récemment Yves Reding, directeur de l’ebrc lors de son passage au forum Digiwal: “Le Luxembourg veut être le coffre-fort numérique de demain de l’Europe. Haute disponibilité et fiabilité sont dans nos gènes”. L’Etat, lui, a prévu divers mécanismes pour optimiser cette fiabilité: capitalisation minimale requise de la part des opérateurs, obligation de recapitaliser en cas de baisse du chiffre d’affaires, désignation (en cas de faillite du prestataire- hébergeur, opérateur, intégrateur…) d’un curateur qui aura pour obligation de préserver l’activité le temps nécessaire pour que les clients récupèrent leurs données…
- un “pays financièrement stable et des autorités accueillantes et flexibles” (comme on peut le lire dans un document conjoint de PWC et de la Chambre américaine de Commerce)
- l’absence de risques tels que désastres naturels (inondations, séismes…)
- et une connectivité haut débit assurée vers les principaux “hubs” Internet européens de Bruxelles, Paris, Londres, Francfort, Amsterdam…
Un effort particulier a été produit depuis quelques années pour établir ces connexions, au nombre d’une dizaine, avec des débits pouvant aller jusqu’à 3,5 Térabits/sec. S’y ajoutent les investissements en fibre noire. Les derniers infocentres construits affichent en outre un taux PUE de (ou inférieur à) 1.35. De quoi attirer de nouveaux candidats à l’hébergement “vert”.
Et le Grand-Duché ne compte pas s’arrêter en si bon chemin: “Notre but est de connecter rapidement l’ensemble des zones d’activités commerciales par des connexions fibre redondantes et d’offrir des connexions fibre vers les domiciles à l’ensemble de notre population, permettant à chaque foyer de disposer de connexions Internet à 100 Mbps d’ici 2015 et à 1 Gbps d’ici 2020”, déclarait François Biltgen, le ministre des Communications en 2010.
Le pays milite en outre activement pour être officiellement repris comme lieu idéal d’implantation d’infocentres. L’espoir est ainsi de figurer par exemple dans le prochain rapport du cabinet de conseils en management Source8 qui, pour l’instant, pointe comme territoires “idéaux” les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la Suède, l’Allemagne, le Canada, Hong-Kong, l’Islande, la Norvège, la Finlande et le Qatar.
Concurrent ou partenaire?
La Wallonie doit-elle se positionner comme concurrente du Grand-Duché? Y a-t-il une nécessité, une légitimité, un modèle économique pour cela?
L’un des datacenters (Bettembourg) de LuxConnect, le partenaire qu’a choisi Systemat…
Dans l’état actuel des choses, il ne se trouve personne, à l’un ou l’autre niveau de pouvoir (en Belgique) pour répondre à cette question. Mais vu l’absence d’initiatives officielles, que ce soit en termes de datacenter ou d’infrastructure (l’annonce récente de la vente du réseau fibre optique va même dans un sens opposé), on peut supposer que l’on doit davantage considérer le Grand-Duché comme un allié utile.
Sur le terrain, tous les acteurs privilégient d’ailleurs une politique de bonnes relations, voire de partenariat: hébergement croisé sur des sites belges et luxembourgeois, location d’infrastructures grand-ducales…
Petit passage en revue des positions.
WIN, propriétaire du WDC depuis juin 2013, ne voit pas le Grand-Duché comme un concurrent, plutôt comme un territoire-partenaire, ayant des ressources à mettre à disposition. Depuis environ un an, un accord d’interconnexion a d’ailleurs été conclu avec Telecom Luxembourg qui ouvre la voie vers les infocentres luxembourgeois, certifiés PSF, qui servent de sites de sauvegarde pour les clients qui le désirent.
WIN: “Aligner les prix des services data sur fibre optique.”
Par contre, le WDC envie clairement les conditions financières, plus attrayantes, qu’offre le Grand-Duché et qui pèsent lourd sur la “compétitivité” des centres belges. “Nous nous battons pour que les services data sur fibre optique puissent être offerts au même prix en Belgique et au Grand-Duché.”
Peter Hellemans (NRB). “Les infocentres luxembourgeois de niveau Tier 4 s’adressent à d’autres besoins, à d’autres clients.”
“Nous n’avons pas réellement de crainte par rapport à la concurrence éventuelle du Grand-Duché et aux avantages que pourraient représenter les datacenters qui y sont installés”, déclare pour sa part Peter Hellemans, directeur Managed Operations chez NRB. “Il s’agit, en effet, pour beaucoup d’entre eux, d’infocentres de niveau Tier 4 qui s’adressent à d’autres besoins, à d’autres clients. Par exemple, les Bourses européennes.
Les éventuels arguments concurrentiels se situent au niveau du prix du mètre carré. Mais je n’ai jamais vu qu’un pays offre réellement des coûts moins élevés. Les UPS, par exemple, coûtent le même partout… Pour ce qui est des infocentres NRB ou des infocentres de classe Tier 3 locaux, la différenciation se fait par la solution qui est proposé par l’infocentre.”
Il voit même de possibles partenariats avec les centres luxembourgeois: “La Poste luxembourgeoise propose par exemple des services de co-location. Ce qui n’est pas le cas, ni l’ambition stratégique, de NRB. Peut-être des partenariats sont-ils possibles avec des datacenters qui font de la colocation…”
Echo similaire du côté d’opérateurs tels que Systemat ou System Solutions.
Le premier a choisi de localiser ses capacités d’hébergement et de “brokerage” cloud au Grand-Duché. Le second a commencé par ouvrir un infocentre en terre grand-ducale avant d’envisager une implantation en Belgique. Voir les articles que nous consacrons à ces deux acteurs – Systemat – System Solutions.
Vincent Schaller (Systemat): “En matière de protection de données, la réputation du pays est une réponse efficace aux exigences des clients.”
Par la force des choses, ils voient donc davantage le Grand-Duché comme une opportunité, une “ressource” complémentaire, plutôt que comme un concurrent.
Voici ce qu’en dit Vincent Schaller, directeur commercial de Systemat: “Dès l’instant où nous avions décidé de ne pas devenir propriétaire d’infocentre et de nous adresser à la fois à des clients belges et luxembourgeois, le choix du lieu d’implantation apparaissait comme une évidence. Le Luxembourg est en effet un argument de vente. En matière de protection de données, la réputation du pays est une réponse efficace aux exigences des clients. Les pouvoirs publics mènent en outre une politique très active et ont beaucoup investi pour attirer et même ouvrir eux-mêmes des infocentres high tech. Les conditions de connectique sont idéales, avec une présence de fibre optique partout. L’accessibilité physique, à proximité immédiate de la Belgique, sans engorgement des voies d’accès, était un argument supplémentaire.”
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