Pour beaucoup d’entre nous, le vocabulaire médical apparaît comme hermétique, façonné de telle sorte à ne laisser que les “initiés” décrypter la signification des termes. Le fait est qu’au-delà du “charabia” et du jargon, il y a aussi, pour les professionnels, de réels défis à relever. A commencer par la multiplicité et le non alignement des terminologies et codes, l’appauvrissement et la non normalisation des termes employés.
Un exercice d’harmonisation sémantique et de simplification est appelé de leurs voeux à la fois par les patients, par les professionnels et par les autorités publiques.
Des informations utiles pour le patient
A quoi servirait de permettre aux patients d’avoir libre accès à toutes leurs données médicales s’ils ne sont pas en mesure de les comprendre?
La Ligue des Usagers des Services de Santé (LUSS) est un ardent défenseur du droit du patient à accéder, sans restriction, à toutes les données médicales le concernant. Et ce, en vertu d’une disposition de la loi sur les Droits du Patient qui prévoit que le patient “a le droit d’avoir une copie de son dossier et de disposer de toutes les informations pouvant lui permettre de gérer sa santé”, souligne Micky Fierens, directrice de la LUSS. Qui balaie d’un revers de main l’objection selon laquelle le jargon qu’il y trouve est hermétique et sujet à (fausses) interprétations. Il s’agit “simplement” de le rendre compréhensible. “Ce n’est pas excessivement compliqué. Il suffit par exemple, pour des résultats d’analyse, d’indiquer au patient quel chiffre il doit tenir à l’oeil. Il n’est pas compliqué de mettre du contexte autour de l’information. C’est une question de volonté.”
Un avis qui simplifie à l’extrême une situation qui ne l’est pas. Même le secteur médical le reconnaît: “A l’heure actuelle, les documents sont peu intelligibles [par les patients], parsemés d’abréviations, de jargon professionnel, dans un style télégraphique spécialisé. Il y a là un risque de frustration pour le patient”, nous déclarait André Vandenberghe (CHU de Charleroi).
Mais la LUSS souligne l’intérêt que représente pour la santé publique le fait de mettre le patient en mesure de (mieux) se prendre en main. “S’il comprend sa maladie et son traitement, s’il connaît les risques ou effets indésirables éventuels, il sera plus vigilant. Aujourd’hui, on se contente, à l’hôpital par exemple, de lui exposer brièvement les choses. Quand il rentre chez lui, le risque est soit qu’il n’ait rien compris, soit qu’il ait tout oublié. Il est donc clairement préférable de pouvoir se baser sur un document et un dossier que d’aller sur Internet et d’y trouver tout et n’importe quoi… Le corps médical y gagnera également en temps: sur base de son dossier, le patient pourra poser les bonnes questions, être plus attentif à sa santé et plus impliqué.”
Comme une Tour de Babel
Pour les professionnels du monde de la santé, une signification cohérente, univoque et normalisée des différents termes et codes utilisés a également une importance énorme. Non seulement pour être sûrs de se comprendre entre collègues ou entre métiers différents. Mais aussi pour que les documents produits (DMI, Sumehr, lettres de sortie…) soient précis, exacts, cohérents, représentent une valeur informative réelle.
En 2012, le Dr Benny Van Bruwaene, attaché à la plate-forme eHealth, déclarait par exemple à une réunion Patient numérique: “Dans le cadre du dossier résumé, le médecin se doit de structurer son information de telle sort que tout confrère ou tout autre membre du personnel médical ou soignant y repère aisément les grands points cruciaux, pour éviter toute erreur médicale.”
Pour permettre la réutilisation efficace des informations par tous les acteurs, dans toutes les applications. Et pour que l’on puisse évoluer vers un système d’octroi des droits (consultation des données, ajout de nouvelles informations, apport de modifications…) qui prenne en compte les différents profils et compétences. Comme le soulignait Jean-Marc Van Gyseghem du CRIDS (Centre de recherche de l’UNamur), “codification interne et segmentation du contenu devront permettre aux systèmes informatiques de placer automatiquement les bonnes données dans les bons registres afin de gérer efficacement les droits d’accès de chacun”, et respecter ainsi les règles imposées par le patient ou la législation Vie Privée.
Terminologie de référence
Pour uniformiser termes et codes, les autorités publiques (plate-forme eHealth) se sont donc engagées dans la réalisation d’une terminologie de référence. Unique mais non rigide. Il faudra en effet “autoriser l’ajout de concepts manquants ou nouveaux, de synonymes qui s’avéreraient utiles voire nécessaires.” Une terminologie qui, par ailleurs, permette aux acteurs de terrain de conserver leurs habitudes. “Les médecins”, déclarait le Dr Benny Van Bruwaene, “doivent pouvoir utiliser leurs propres mots dans les documents qu’ils produisent. Cela suppose la mise en oeuvre d’outils d’interfaçage terminologique qui assurent la conversion automatique vers les concepts validés dans la terminologie de référence.”
Le travail d’identification et de validation des concepts à prendre en compte a été confié à des terminologues francophones et néerlandophones. Les trois premiers domaines médicaux sur lesquels ils plancheront sont les diagnostics, la chirurgie et les procédures médicales. mais le champ est vaste: thérapies, morphologies, équipements médicaux, tests cliniques, métiers de généraliste, de spécialiste…
Le système de gestion terminologique, apte à effectuer les conversions automatiques, comportera une série de modules et potentiels: recherche sémantique et syntaxique, identificateur de code, convertisseur de code… “Le module de recherche sémantique et syntaxique permettra au médecin de formuler la requête dans sa langue maternelle et selon la formulation naturelle dont il a l’habitude. Le système “traduira” automatiquement et proposera le terme de prédilection. Il sera associé à des services Web qui autoriseront des mises à jour en temps réel afin d’effectuer une synchronisation du dictionnaire du médecin.”’
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