Pendant 10 ans, Michel Delanaye a dirigé Cenaero, Centre de recherche en aéronautique spécialisé dans les techniques de simulation numérique et de modélisation. Cet été, il quittait le centre en vue d’en prolonger, en quelque sorte, les actions puisqu’il a passé avec lui une convention- d’une durée de 10 ans- lui permettant d’exploiter certains résultats R&D à des fins commerciales. “Le but premier de Cenaero est de générer une capacité scientifique et technique qui puisse autoriser le développement économique local par le biais de solutions pouvant être valorisées par les entreprises”, explique-t-il. “Le Centre n’a pas vocation à assumer lui-même cette valorisation commerciale. Une solution serait de confier ou de transférer les résultats de la recherche à des sociétés spécialisées. Le fait est qu’elles ne sont pas nombreuses en région wallonne, dans le domaine de la simulation numérique et de la modélisation. Avec un autre ancien du Cenaero [Laurent D’Alvise, ancien responsable de l’équipe Virtual Manufacturing], nous avons donc décidé de créer notre propre entreprise. Le contrat passé avec Cenaero nous permet de valoriser le “solver” éléments finis Morfeo ((Manufacturing ORiented Finite Element tOol).”
Virtualiser les compétences de fabrication
Le premier produit qui s’appuie sur ce solveur est “VirFac” (Vrtual Factory), une plate-forme de fabrication virtuelle destinée à faciliter la simulation de procédés de fabrication. “VirFac permet de prédire ce qui va se passer dans un processus de fabrication (déformation de pièces, champs de contraintes internes, état métallurgique de la matière…), de prédire les défauts… En phase de production, il est difficile pour un industriel de stopper une machine pour, par exemple, mettre au point un processus sur une nouvelle pièce. Notre solution autorise une modélisation détaillée, apte à raccourcir les cycles, à diminuer le nombre d’erreurs et les coûts.”
L’outil de simulation numérique présente d’autres avantages, tels celui de pallier à un manque de compétences, en termes d’opérateurs spécialisés pouvant maîtriser certaines machines. A plus long terme, l’ambition de geonX est de fournir des outils qui rendront les robots plus intelligents, “aptes à apprendre par eux-mêmes à optimiser les processus de fabrication.”
VirFac s’adresse à tous les secteurs liés aux fabrications métalliques: construction automobile, spatiale ou aéronautique, secteur de l’énergie, de la construction, transports ferroviaires…
Le Cenaero continuera de faire avancer le volet R&D tandis que geonX, grâce à la licence d’exploitation exclusive qu’elle a négociée, se chargera de travaux de recherche et de l’exploitation commerciale. “Chaque partie évoluera selon ses priorités. Aucune d’elles n’intervient réellement comme donneur d’ordre. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le Cenaero n’est pas entré au capital de geonX. Il laisse l’entreprise se développer librement et intervient en qualité de support à la recherche.”
Une belle carte de visite
De par l’expérience passée, la licence d’exploitation et les liens de collaboration qui subsistent avec le Cenaero mais aussi grâce à ses premiers clients (qui sont, assez naturellement, des sociétés qui font également appel aux services du Cenaero), geonX a d’emblée pu compter sur une première clientèle. Un atout non négligeable quand on est une micro-structure, une start-up qui débarque dans une cour où les grands acteurs jouent de leurs muscles.
Michel Delanaye (GonX): “Cenaero n’est pas entré au capital de geonX. Il laisse l’entreprise se développer librement et apporte sa recherche en soutien. C’est un beau modèle, d’ailleurs recommandé par la Région wallonne.”
Face à de “gros bras” tels Esri, il s’agira pour geonX de convaincre par des arguments différenciateurs. A cet égard, Michel Delanaye évoque quelques caractéristiques fonctionnelles du nouveau produit: langage et architecture de programmation orientée objet, logiciel adapté au calcul parallèle, grande flexibilité qui lui permet de s’adapter à divers procédés de fabrication…
L’un des principaux arguments de différenciation dont jouera geonX est celui de la facilité d’utilisation. ‘Ce qu’on appelle la user experience, le confort de l’interface, revêt une grande importance dans la mesure où nous visons un public de non-spécialistes, et pas nécessairement des ingénieurs spécialisés en modélisation. Avec VirFac, un ingénieur de production qui connaît sa machine pourra piloter la machine sans devoir s’y connaître en simulation numérique. L’outil lui fournira, pour ce faire, toutes les informations nécessaires.”
Le développement de cette interface nouvelle est actuellement en cours. Elle sera essentielle si geonX veut s’adresser à une clientèle de PME, notamment. “Via le Plan Marshall, nous espérons pouvoir monter des projets qui démontreront qu’il peut être aisé de procéder à de la simulation numérique, sans devoir s’en remettre à des experts.”
La clientèle potentielle de la société est loin de se limiter au marché local, qui recèle d’ailleurs- hormis les PME innovantes- de moins en moins de débouchés pour des solutions telles la sienne. En cause: le déplacement des pôles de production mais aussi de développement vers d’autres cieux. “En soi, ce n’est pas un problème pour nous. Notre horizon est en effet le monde, pas la Belgique, ni même la seule Europe. Et nous pouvons réussir grâce à une hyper-spécialisation sur un créneau pointu, via une technologie très spécifique.”
Jouer des coudes
Le problème de base demeure le financement de la recherche. Dans un contexte où les capitaux locaux ne sont pas précisément abondants, comment la société compte-t-elle se financer?
Certes, geonX a bénéficié de la “dot” de Cenaero et continuera de s’appuyer sur les résultats de sa R&D. Mais des développements en propre seront nécessaires. Et ces développements ont un coût. “geonX compte encore notamment sur le soutien de la Région pour ses activités de R&D. La Région fait ce qu’elle peut et on peut difficilement lui demander d’en faire plus. N’empêche que les facilités dont bénéficient d’autres pays laissent rêveur”, estime Michel Delanaye.
Côté privé, en plus des fonds apportés par ses deux fondateurs, geonX a bénéficié, pour son financement de départ, d’une mise de fonds de Sambrinvest à hauteur de 100.000 euros. Elle a également ouvert son capital à un partenaire privé. En l’occurrence, la société française Silkan qui est le résultat de la fusion de deux acteurs hexagonaux: HPC Project, spécialisée dans les solutions de simulation hautes performances, et Arion Entreprise, active sur le terrain des systèmes embarqués temps réel et déterministes. Silkan distribuera les solutions geonX au Canada et aux Etats-Unis.
La société a par ailleurs introduit un dossier de subvention auprès de la Région wallonne (à la fois pour un subside sous forme d’avance récupérable et d’une aide à la recherche et à l’innovation technologique). Réponse attendue (en principe) pour le début 2013. D’autres moyens financiers viendront de la participation au projet européen Hilda (High Integrity Low Distortion Assembly), auquel participe d’ailleurs aussi le Cenaero.
L’équipe, qui ne compte encore que 3 personnes, devrait accueillir deux recrues en 2013. Profils: un développeur, qui planchera sur l’interface utilisateur, et un ingénieur technico-commercial.
Côté commercial, la société couvrira seule les pays européens mais s’appuiera par contre sur des distributeurs dans le reste du monde (Chine, Japon, Corée, Canada…). Un réseau encore à constituer, pour une bonne part.
Parmi les premiers clients de geonX, citons Tractebel Engineering, la Snecma et Turbomeca (groupe Safran), Airbus ou encore le CNRC (Conseil national de recherches du Canada).
L’espoir est de décrocher aussi quelques belles références locales, du genre Sonaca, TechspaceAero ou Caterpillar.
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