En 2011, l’ISTF (Institut Supérieur des Technologies de la Formation), organisme français dédié à la formation de formateurs au e-learning et au blended learning, a réalisé une enquête sur la pénétration de l’apprentissage en-ligne en France et en Belgique. Au total, 61 structures dispensant des formations (centres de formation, entreprises privées et organismes publics), dont 30% de belges, ont participé à l’étude (1).
Le premier constat, flagrant, qui s’en dégage est que le présentiel reste – largement – majoritaire avec un score de 83%. L’e-learning ne pèse encore que 10% dans la balance, le solde (7%) étant représenté par des scénarios mixtes (“blended learning”) alliant formation in situ et à distance.
L’e-learning est particulièrement à la traîne dans les programmes proposés par les organismes de formation: son score n’y est que de… 4%. Les secteurs privé (14%) et public (12%) font sensiblement mieux. “Cela s’explique par le fait que les entreprises voient dans l’e-learning un avantage coût indubitable”, déclare Nathalie Pilet, responsable du pôle formation à l’ISTF. “Les 12% relevés dans le secteur public restent proches de la moyenne générale du fait que les formations auxquelles le secteur public a recours sont données par un mix de structures privées et publiques.” Elle souligne en outre le fait que le présentiel est loin d’avoir disparu du monde des entreprises dans la mesure où ces dernières ont simplement vu dans l’e-learning un mode de formation complémentaire, peu substitutif à l’offre pré-existante.
Contenus originaux ou externalisés?
Du côté des organismes de formation, la réalisation des contenus e-learning demeure, dans une large mesure, une affaire interne (31%). 21% de ces contenus, seulement, sont confiés à des tiers. Le solde – 41%, soit, malgré tout, la majorité – est fait de contenus “sur étagère”, autrement dit des cours standard.
L’e-learning ne représente encore que 10% des formations.
En entreprise, les proportions s’inversent: 58% des contenus e-learning sont externalisés, 18% sont achetés “sur étagère” et 24% sont produits en interne, spécifiques à leur métier. Le secteur public, lui, ne privilégie pas réellement une source plus qu’une autre: contenus sur étagère: 33%; externalisés: 39%; produits en interne: 28%. A l’avenir, l’intention de tous les acteurs seraient d’avoir davantage recours à des contenus originaux, produits en interne ou en externe.
La place des “jeux sérieux”
Les serious games ne pèsent pas encore lourd dans la balance puisqu’ils ne représentent encore que 4% des contenus e-learning. “Il faut sans doute y voir l’effet des budgets qu’ils impliquent”, estime Nathalie Pilet. Par contre, le concept séduit. Preuve en est que 18% des acteurs interrogés envisagent d’y recourir à l’avenir. Si les contenus de type rapid learning ou e-learning classique restent stables, les tests d’évaluation (quizz…) risquent de perdre en importance (30% actuellement, 8% demain).
L’enquête de l’ISTF a permis de mettre en évidence des résultats apparemment contradictoires: d’une part, le concept de jeu sérieux séduit et attire mais… il déçoit également ceux qui y ont déjà eu recours. 42% des acteurs interrogés le jugent “pas efficace”, 29% “peu efficace”, contre seulement 14% “efficace” et 14% “très efficace”. Un résultat que l’ISTF interprète comme suit: “les attentes ont sans doute été trop fortes. Quand on met 10 fois plus de moyens dans quelque chose, on en attend peut-être 10 fois plus de résultats. Ce qui est illusoire. Les responsables de formation attendaient un bond en termes d’efficacité pédagogique. Ce qui ne veut aucunement dire que le résultat obtenu soit plus mauvais que ce que permettent les autres modes d’e-learning. Mais nous n’en sommes encore qu’au début du phénomène de serious game.”
Un constat que confirme Pascal Balancier, expert en e-learning auprès de l’AWT: “c’est une erreur de se tourner vers les jeux sérieux pour simplement reproduire ce qui existe sous d’autres formes. Une réflexion en profondeur doit intervenir, pour exploiter le réel potentiel du jeu sérieux, notamment les aspects créatifs, dynamiques, collaboratifs… C’est l’occasion d’inclure dans la formation des scénarios simulant des situations improbables, atypiques, qui poussent à la réflexion et simulent des situations impossibles à scénariser par d’autres moyens.” Le penser “hors-cadre”, “out of the box”, en quelque sorte. “Si on fait le choix du jeu sérieux dans le seul objectif de réaliser des économies, on se trompe de motivation” – et de résultat.
Pertinence pédagogique de l’e-learning
L’enquête de l’ISTF s’est aussi intéressée à l’intérêt pédagogique de l’e-learning dans diverses matières: gestion de l’entreprise, formation à de nouveaux produits ou services, informatique, langues… Les résultats obtenus tendent à démontrer que pour la formation sur des “fondamentaux” (langues, gestion…), qui supposent une formation au long cours, l’e-learning pur est sans doute moins indiqué que du blended learning. L’enseignement à distance est par contre jugé beaucoup plus performant sur des formations ponctuelles (découverte de nouveaux produits ou processus, formation de nouvelles recrues sur les thèmes de la sécurité, de la culture d’entreprise…).
Autre domaine se prêtant bien à l’e-learning: l’apprentissage de nouveaux logiciels.
Au rayon “motivations”, l’enquête révèle aussi quelques surprises. Ainsi les apprenants semblent-ils être surtout convaincus de s’adonner à de l’e-learning proportionnellement à l’effort de communication (ou d’incitation) fourni par leurs supérieurs hiérarchiques, surtout lorsque la direction générale s’implique elle-même. Par contre, le paramètre “accès en self-service sans limite” ne pèse que 30% dans les motivations. Ce qui peut paraître excessivement faible par rapport à la flexibilité (rythme et horaires) que permet l’enseignement à distance. L’argument ludique (qui vaut surtout pour les jeux sérieux) n’est pas non plus un critère majeur: 37% seulement des acteurs interrogés (mais il s’agissait, rappelons-le, de formateurs et non d’apprenants) mentionnent ce facteur.
(1) Méthodologie: l’enquête de l’ISTF a été réalisée en août 2011. 61 structures de formation françaises et belges y ont participé. Elles représentent un “parc” de plus de 51.000 jours de formations et de plus de 27.000 apprenants, formés en e-learning.
Répartition par type:
- entreprises privées (hors centres de formation), dont la plupart de grandes entreprises, employant entre 1.000 et 5.000 personnes: 58%;
- organismes de formation: 22%;
- secteur public: 20%.
La proportion de structures belges dans le panel étudié a été de 30%, avec des résultats très similaires à ceux relevés auprès de leurs collègues françaises.
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