Coûts élevés des solutions existantes, manque de compétences (ou de conviction) en interne, absence de contenus orientés métier directement utiles sont autant de raisons qui expliquent que l’e-learning soit encore rare dans le monde des PME. C’est le constat posé par l’étude menée en 2011 par Now.be et l’AWT : si 44% des sociétés interrogées appartenaient à cette catégorie, les réponses ont souvent été: absence d’e-learning. Voir les résultats de l’étude AWT/Now.
“Pour se lancer dans de l’e-learning, il faut un minimum de masse critique”, explique David Boulanger, chef de projet chez Now.be. “Certes, les sociétés peuvent trouver des cours génériques, du genre apprentissage d’outils bureautiques ou des cours de langue dans les catalogues en-ligne mais peu de choses au-delà. La donne est peut-être toutefois en passe de changer en raison de l’arrivée d’outils auteur (authoring tools) plus conviviaux et surtout plus démocratiques.”
Les simulations et mises en situations comme moyen d’apprentissage de savoir-faire…
“Pour 1.000 euros, il est désormais possible de produire en interne un module d’e-learning permettant par exemple aux 10 vendeurs d’une société de se familiariser avec un nouveau produit. Il suffit alors de compiler les différents modules développés pour s’en servir lors des formations en présentiel, en y ajoutant quelques conseils de démarchage purement commercial.”
L’effet démocratisation jouera aussi, de l’avis de Now.be, dans le domaine des jeux sérieux. Grâce à l’arrivée d’outils auteur mais aussi de par l’existence de jeux dont les licences sont gratuites. “Il existe de nombreux jeux, libres d’accès, dont on peut aisément “détourner” les personnages ou scénarios. L’investissement nécessaire se limite dès lors à la conception de scénarios.”
Attentes déçues
Jusqu’à présent, l’e-learning a souvent déçu, a parfois été utilisé un temps avant d’être remis au frigo. “Toutes les (grandes) entreprises, ou presque, ont testé l’e-learning. Il y a eu énormément d’échecs et de déchets parce que les promesses, que tout le monde a véhiculées- apprendre où je veux, quand je veux et pour pas cher- étaient un leurre. La promesse est certes réalisable mais exige de l’investissement, des moyens et le respect d’un minimum de conditions préalables”, déclare Xavier Van Dieren, fondateur de Now.be.
Xavier Van Dieren: “Il y a eu énormément d’échecs et de déchets parce que les promesses- apprendre où je veux, quand je veux et pour pas cher- étaient un leurre.”
Le balancier s’est alors déplacé vers l’autre extrême. Avec un gel assez généralisé des projets. “Aujourd’hui, le balancier a tendance à revenir vers un juste milieu. L’attitude désormais est de dire que l’e-learning répond à des besoins spécifiques. Il s’inscrit dans une stratégie de blended learning, en complément des méthodes classiques. Le présentiel demeure le meilleur choix pour tout ce qui concerne la motivation, les jeux de rôle. L’e-learning, en la matière, n’apporte rien. Par contre, il a toute sa raison d’être pour l’acquisition de savoirs et de connaissances. Par exemple, pour apprendre à connaître une gamme d’aspirateurs qu’un commercial devra vendre. Selon qu’il aura 20 ans et sera un débutant ou une personne chevronnée de 50 ans, l’approche de l’apprentissage est différente. En compris par le temps passé à acquérir la connaissance.”
Les tendances lourdes
Xavier Van Dieren identifie plusieurs tendances majeures, aujourd’hui à l’oeuvre sur le terrain de l’e-learning. A commencer, du côté des grandes entreprises, par le rapatriement de l’ensemble des compétences en interne- depuis la conception des contenus et la création des scénarios jusqu’à la production.
“Les entreprises font le constat que pour des formations touchant à des aspects managériaux ou comportementaux (motivation, négociation avec un client réticent, apprentissage du travail collaboratif…), les solutions toute faites sont trop impersonnelles, parfois trop américanisées.”
David Boulanger: “Pour concevoir un petit jeu qui servira de formation à la manière de conduire un entretien d’embauche, nul besoin de concevoir des avatars se promenant dans un décor du 17ème siècle.”
Autre raison: un besoin de faire coller les modules d’e-learning aux spécificités du secteur d’activités, du métier, voire de chaque entreprise. C’est par exemple le cas dans le monde bancaire.
Les arguments? Volonté d’autonomie pour coller au plus près aux besoins spécifiques et adapter les contenus à des contraintes qui changent potentiellement vite, maîtrise du budget, gain de temps et d’efficacité. “Les incontournables va-et-vient, par exemple pour la construction du scénario ou l’affinement de l’interface, ne doivent plus faire l’objet de longs renvois de balle entre le client final et un prestataire externe.”
Le tout-à-l’interne est sans doute, aux yeux de Xavier Van Dieren, un effet passager. “Là aussi, le balancier en reviendra sans doute vers un plus juste milieu. L’écriture du storyboard, sur base d’outils auteur, pourra rester en interne mais la production graphique pourra être confiée à un externe. Mais, pour l’instant, la tendance est à l’internalisation. Notamment afin de se former à ce ou ces nouveaux métiers, parce que les sociétés sont poussées dans le dos par l’arrivée de la génération Y. Les connaissances acquises permettront aussi aux entreprises de mieux négocier avec leurs fournisseurs.”
Autre tendance: la démocratisation et l’amélioration des outils auteur. Ils permettent par exemple d’adapter quasi automatiquement le contenu d’un Powerpoint aux spécificités pédagogiques d’un module e-learning.
Ces outils auteur commencent également à apparaître dans le domaine des jeux sérieux. Bonne nouvelle pour les budgets des entreprises, grandes ou petites, dans la mesure où cela leur ouvre la perspective de pouvoir faire de la production en interne sans devoir s’adresser à des spécialistes externes. “Et pour concevoir un petit jeu qui servira de formation à la manière de conduire un entretien d’embauche, ou de recadrage d’une équipe commerciale, nul besoin de faire compliqué, de concevoir des avatars se promenant dans un décor du 17ème siècle. Il est de loin préférable de faire dans le concret”, indique David Boulanger. Au plus près de la réalité de l’entreprise.
L’e-learning flexible
Signe des temps, l’e-learning commence aussi à faire son apparition sur smartphone ou sur tablette. Même si, en la matière, de sérieux progrès doivent encore être faits du côté des outils auteur qui ne permettent pas de “convertir” un contenu destiné à une plate-forme Web ou desktop aux contraintes des plus petits écrans et, surtout, des nouvelles interfaces (la navigation tactile dans un contenu sur tablette étant, par nature, très différente des environnements classiques).
De même, les outils auteur permettant de générer du contenu qui s’adaptent (et s’optimisent!) automatiquement pour tout type terminal doivent encore être inventés. “Les nouveaux défis ont pour noms navigation à l’aide du doigt, redimensionnement des objets figurés à l’écran, réécriture ergonomique…”
Les contenus se font par ailleurs plus trapus, plus directement utiles. Ce qu’on appelle le micro-learning voit s’installer une volonté de réaliser et de proposer des formations hyper-modularisées, où chaque module ou capsule ne dure que quelques minutes. Histoire de permettre à chaque apprenant d’aller puiser l’aide dont il a spécifiquement besoin sans devoir bloquer une demi-journée pour passer en revue une matière ou un concept qu’il maîtrise quasi entièrement. Exemple: LightBite.
Ce principe du “micro-learning” a deux autres avantages aux yeux de David Boulanger :il contribue à réduire encore davantage le ticket d’entrée et autorise des mises en œuvre plus rapides.
Quand le virtuel s’inspire du réel
Xavier Van Dieren: “Un bon jeu sérieux prend à la fois en compte les aspects apprentissage et debriefing. C’est en effet surtout, après le jeu, lorsqu’on partage les expériences et analyse les comportements, qu’on apprend réellement.”
“La prochaine tendance sera celle du Web 2.0”, estime Xavier Van Dieren. A ses yeux, le volet collaboratif est encore trop souvent absent des scénarios et des outils e-learning.
“Jusqu’à présent, l’e-learning ne s’attaque qu’à la frange de 10% que représente la formation dans un processus d’apprentissage. On estime en effet que l’acquisition de connaissances ou de compétences s’opère majoritairement- à hauteur de 70%- par l’expérience et le travail sur le terrain. les échanges avec ses pairs interviennent à hauteur de 20%. Il serait dommage de ne faire porter l’effort que sur les 10% de formation formelle. Ce serait nettement mieux si l’e-learning pouvait également impacter les deux autres volets.
Pour ce qui est de l’expérience de terrain, il est possible de prévoir des missions ou du coaching après formation. Pour les échanges entre pairs, les outils collaboratifs sont une solution toute indiquée. Or, en la matière, c’est encore le désert côté e-learning. Essentiellement par manque de ressources à allouer pour le suivi des interactions ou pour la modération des participants.”
Quel rôle, dans les formations, pour les jeux sérieux? “Ils ne remplaceront jamais les autres formes de formation mais ils influencent clairement l’e-learning”, estime Xavier Van Dieren. “Ne serait-ce que parce qu’ils apportent une dimension fun, de la variété, contrairement à un fil conducteur du type Powerpoint- next slide, next slide, quiz.
Ils permettent aussi d’intégrer à l’e-learning- qui a surtout été utilisé jusqu’ici pour des formations techniques ou des apprentissages produits- un potentiel de formation comportementale. Il suffit pour ce faire d’encapsuler une touche de jeu dans l’e-learning. Des techniques assez proches de l’intelligence artificielle permettent en outre d’affiner les scénarios afin que toute réponse ou situation ne soit pas uniquement du noir/blanc.”
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