Petit détour rêveur sur le groupe Facebook “Communales/Provinciales 2012, le meilleur du pire” : la campagne des communales a fait rage sur les réseaux sociaux. Avec des vidéos amateurs sentant bon le graillon et le mauvais français. Mais d’autres leçons sont à tirer de la campagne 2012
Nous sommes le 8 octobre. “La campagne bat son plein”, commente la rédaction en ligne du quotidien le Soir “et nombreux sont les candidats qui ne manquent pas d’originalité pour se promouvoir. Nous avons relevé les plus fous.” Et l’on voit pêle-mêle un clip soutien de Franck Dubosc à un candidat MR de Woluwe-Saint-Lambert, le renvoi à une page Facebook (piratée) d’Andenne Ecolo où s’affichent des images mêlant érotisme et vulgarité, une affiche proposant, à Uccle, un dîner-caravane privé avec Didier Reynders et Jonathan Biermann ou encore Véronique Jans, 10ème sur la liste FDF pour les provinciales dans le Brabant Wallon qui a proposé un clip de campagne sous l’eau avec comme slogan : “je plouf pour la Walonnie (oui, c’est bien écrit avec un l et deux nn).
Sur Facebook, 2.468 fans aiment le groupe Communales/Provinciales 2012. On sourira sans doute de ces nouvelles formes de bêtisier. Restent qu’elles sont symptomatique d’une évolution importante de la communication politique que Nicolas Baygert, doctorant en Sciences de l’Information et de la Communication UCL-Paris IV-Sorbonne (CELSA), résume en démocratisation, personnalisation, autonomisation et désinhibition du candidat.
Changement de code
“On assiste aujourd’hui à une démocratisation des outils politiques numériques. Autrefois réservés à ce qu’on appelait les spin docteurs, les communicants au sein des partis, les outils de communication sont devenus faciles à l’emploi pour le commun des mortels. Aujourd’hui, n’importe qui peut faire sa propre campagne politique numérique. D’où un intérêt très fort dans le cadre d’élections communales où l’on a beaucoup à faire avec des gens anonymes qui se lancent pour la première fois. Grâce aux outils numériques, on peut très facilement se créer une petite notoriété au travers d’actions de communication très limitées : mise en ligne de vidéos, publication dans un blog, émission de tweets…
Cela permet, si l’action de communication est efficace, de sortir de l’anonymat. On est donc bien dans le cadre d’un changement des codes de la communication politique. Auparavant, la communication était unidirectionnelle: elle passait par des tracts, des journaux ou des clips que les citoyens recevaient de façon passive. Les partis se basaient sur l’adage : il n’y a pas de mauvaise publicité, il n’y a que de la publicité. Les réseaux sociaux changent la donne en ouvrant la porte toute grande à l’interactivité. On peut aujourd’hui avoir un feed-back- critique- quasi immédiat. On a quitté la publicité politique unidirectionnelle pour s’orienter vers une sorte de conversation.”
Personal branding
“Je constate une autre évolution des classiques de la communication. Beaucoup de candidats ont intégré la culture de mise en scène permanente induite par des réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter. Il n’y a plus cette peur de se mettre en image et en vitrine : c’est devenu une pratique courante sur Facebook. On fonctionne dans une vitrine permanente. On évolue dans un climat de transparence “totale” qui fait que les candidats sont plus enclins à entrer dans une conversation dont ils sont l’objet. Les tabous sont tombés : les gens n’ont plus peur de se mettre dans des postures ridicules. Les outils de communication en ligne se traduisent aussi par un phénomène de personnalisation accrue. On est moins dans la diffusion d’idées, de programme, d’appartenance même à un parti. On est plutôt dans une course à la personnalisation et, dans le cas des mandataires déjà établis, à une peoplelisation.
Nicolas Baygert: “On a quitté la publicité politique unidirectionnelle pour s’orienter vers une sorte de conversation.”
La course au buzz
Nicolas Baygert : “On constate encore un phénomène de dédoublement de la communication des partis et des candidats.”
On constate encore un phénomène de dédoublement de la communication des partis et des candidats. Vous avez du premier côté des clips officiels, souvent très ennuyeux car il faut ménager la chèvre et le chou, donner la parole à tout le monde pour ménager les égos. Et puis il y a les initiatives individuelles où l’on peut se “lâcher”, hors des garde-fou des partis. Si vous êtes le douzième sur une liste, vous allez chercher des opportunités pour percer et le buzz peut en être une. On n’a plus peur de faire des actions qui sortent de l’ordinaire. Du coup, on se trouve plus dans une course à la notoriété qu’à la crédibilité. On n’évoque pas la gestion saine d’une commune et on arrive parfois à des vidéos enfantines, parfois vulgaires. Et là, cela peut avoir un impact très négatif sur l’image globale des partis. Attention, ce n’est pas une généralité. Il y a des vidéos bien construites, qui s’ouvrent sur leur commune. Les candidats font appel à leur environnement proche, ils créent du lien en impliquant des citoyens dans leur production amateur. C’est très efficace, d’autant qu’il faut resituer cette communication dans le contexte des communales. Le côté universel d’Internet n’a pas beaucoup d’intérêt lorsque la cible qu’on veut toucher se situe sur le plan local. A quoi cela sert-il d’être séduisant à Arlon si je me présente à Tournai?
Tout savoir sur les stratégies et les usages “new/social media” des partis et candidats? Lisez notre dossier “Elections et nouveaux médias: tirer les leçons de la campagne”. En accès libre…
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