Le Mundaneum de Mons inaugurait, hier, une exposition intitulée “Renaissance 2.0: voyage aux origines du Web” et qui durera neuf mois. Son objectif: s’appuyer sur l’histoire de l’organisation des connaissances, depuis l’Antiquité jusqu’au World Wide Web, pour mieux permettre aux cyber-citoyens et cyber-acteurs d’aujourd’hui de comprendre les enjeux et le contexte qui font leur quotidien.
Il aura fallu que le World Science Festival de New-York parle, en juin dernier, du Mundaneum et de l’homme qui en est à l’origine, le chercheur et bibliographe belge Paul Otlet, y voyant les prémices des technologies de l’information et des communications, pour que l’on redécouvre en Belgique celui qui, plusieurs décennies à l’avance, avait imaginé les grands principes de la Toile.
C’est en effet dès 1934 que Paul Otlet avait- à certains égards- imaginé ce à quoi ressemblerait notre présent numérique. Son “Traité de Documentation” comporte des passages dont le côté science-fiction a aujourd’hui été dépassé par la réalité. Un exemple: “Ici, la table de travail n’est plus chargée d’aucun livre. A leur place se dresse un écran et à portée un téléphone. Là-bas, au loin, dans un édifice immense, sont tous les livres et tous les renseignements. De là, on fait apparaître sur l’écran la page à lire pour connaître la question posée par téléphone.”
C’est Paul Otlet et Henri La Fontaine (futur Prix Nobel de la Paix, 1913) qui sont à l’origine du Mondaneum, un espace créé fin du 19ème siècle, destiné à rassembler l’ensemble des connaissances du monde. Certains le décrivent aujourd’hui comme le “Google de papier” ou le 3web that time forgot”..
Créé à Bruxelles, il eut son heure de gloire, servant de centre de documentation universelle et d’hôte pour des institutions internationales humanistes. Avant d’être délaissé et de déménager à Mons. La revalorisation de ce patrimoine oublié a commencé en 1998. Mais ce n’est que récemment que les projecteurs se sont faits plus forts. Notamment dans la perspective de Mons 2015, grâce aussi en partie à l’intérêt manifesté par Google (intérêt purement marketing, dans un premier temps) et au travers d’un projet de dématérialisation (numérisation des collections d’archives), aujourd’hui en cours. Pour “mettre en exergue l’utopie de ces deux chercheurs et la faire revivre”, comme le dit Jean-Paul Deplus, président du Mundaneum.
“Des tablettes sumériennes aux tablettes numériques”
Le Mundaneum a organisé l’exposition Renaissance 2.0 selon un cheminement très classique, faisant voyager le visiteur au gré des étapes franchies par l’homme pour organiser et mémoriser ses connaissances. Depuis les premières tablettes sumériennes jusqu’à la rupture technologique qu’a instaurée le numérique, en passant par le Siècle des lumières, les encyclopédistes, des initiatives telles les “Archives de la Planète” (photos et images) collationnées grâce au banquier français Albert Kahn ou encore “Les archives de la parole” (dialectes, langues en voie de disparition…) collationnées par le linguiste français Ferdinant Brunot.
Et bien entendu par les quelque 12 millions de fiches bibliographiques manuscrites via lesquelles Paul Otlet et Henri La Fontaine voulaient synthétiser les connaissances du monde entier.
Le parcours est émaillé de bornes interactives où le visiteur peut découvrir plus avant certains thèmes ou remettre les différentes étapes de cette quête de classification des connaissances dans leur contexte historique (industriel, social, économique…). Le visiteur peut également se documenter davantage en téléchargeant des QR codes sur son smartphone. Ou découvrir les dessins et schémas futuristes de Paul Otlet, dont certains préfigurent les vidéoconférences, la consultation de bases de données à distance ou encore les bornes interactives, au travers de ce qu’il appelait les “meubles-ressources”. Ces meubles concentraient dans un même espace cartes, fiches, livres, objets divers, microfilms, enregistrements portant sur un même sujet. L’idée était de les faire produire en grande série pour notamment les mettre à disposition des écoles.
L’exposition “Renaissance 2.0: voyage aux origines du Web” se déroule jusqu’en juillet 2013 au Mundaneum, rue de Nimy, 76 à Mons.
“Google de papier”
Parmi les partenaires sponsors du musée: Google qui, pour l’instant, intervient comme simple sponsor financier et comme partenaire intéressé par des acteurs et événements qui mettent les thèmes de la recherche d’informations et de la diffusion des connaissances. Et c’est clairement le cas du Mundaneum et de l’héritage culturo-scientifique de Paul Otlet. A l’avenir, les liens entre Google et le musée devraient prendre une nouvelle dimension. Des projets sont en tout cas en préparation qui, si la logique est respectée, devraient porter sur la numérisation de contenus provenant des fonds d’archives du musée.
Décor ancien, contenu nouveau
Quiconque pénètre dans l’espace du musée montois fait un bond en arrière dans le temps. Du moins, si l’on ne regarde que les murs. Car le contenu, lui, se donne pour mission, comme on l’a vu, de jeter un pont entre, d’une part, l’héritage du passé et l’inventivité futuriste de Paul Otlet et, de l’autre, les réalisations qui ont émaillé jusqu’ici le monde de l’informatique et de l’Internet.
En marge de l’exposition, une série de conférences seront organisées, destinées à divers publics. La première conférence (22 octobre 2012) mettra en scène Robert Cailliau, chercheur belge au CERN et co-inventeur d’Internet, aux côtés du beaucoup plus médiatisé Tim Berners-Lee. Le cycle de conférences s’articulera autour de deux thèmes: les pionniers européens de l’Internet et l’impact des technologies ICT sur la société.
L’objectif, demain, du Mundaneum sera de se positionner en “outil de questionnement ouvert à tous, de sensibilisation mais aussi d’expérimentation”. Ce dernier volet, souligne Delphine Jenart, porte-parole du musée, n’est encore qu’un souhait “mais nous voudrions également faire de cet espace un lieu où les fous de technologie viendraient exposer leurs trouvailles.”
Une petite éclipse
A l’issue de l’exposition Renaissance 2.0, le Mundaneum fermera ses portes pour travaux de rénovation afin de renaître, dans un espace étendu, pour les activités de Mons 2015, année où la cité du Doudou deviendra Capitale culturelle européenne.
Dans l’intervalle, les contenus du musée s’en iront sans doute s’exposer en d’autres lieux, notamment à Bruxelles, pour continuer à jeter ces ponts entre les imaginations d’hier et d’aujourd’hui. Une tournée pourrait également concerner les écoles.
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